AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Bernard A..., ès qualités de représentant des créanciers de la société anonyme Marquis frères, demeurant à Béthunes (Pas-de-Calais), 202, place Lamartine, en cassation d'un arrêt rendu le 6 février 1992 par la cour d'appel de Douai (2e chambre civile), au profit :
1 / de M. le procureur de la République, près le tribunal de grande instance de Saint-Omer (Pas-de-Calais), représenté à l'audience par M. le procureur général,
2 / de la société anonyme Marquis frères, dont le siège est à Saint-Omer (Pas-de-Calais), ...,
3 / de M. Michel X..., ès qualités de représentant des salariés, demeurant à Barlin (Pas-de-Calais), ...,
4 / de M. Z..., ès qualités d'administrateur au redressement judiciaire de la société anonyme Marquis frères, demeurant à Marcq-en-Baroeuil (Nord), ...,
5 / M. Y..., ès qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société anonyme Marquis frères, demeurant à Lyon (2e) (Rhône), ..., défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 19 octobre 1994, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Lassalle, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, MM. Edin, Grimaldi, Mme Clavery, MM. Tricot, Badi, conseillers, MM. Le Dauphin, Rémery, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Lassalle, les observations de Me Vuitton, avocat de M. A..., ès qualités, de la SCP Defrenois et Levis, avocat de M. Y..., ès qualités, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 6 février 1992, n° 7620/91), que le tribunal de commerce de Lyon a, sur déclaration de cessation des paiements, ouvert, par jugement du 23 octobre 1991, une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Extrans et de chacune de ses filiales, dont la société Marquis frères, qui a son siège à Saint-Omer et nommé, comme administrateur judiciaire, M. Y... ; que le tribunal de commerce de Saint-Omer a, sur saisine d'office, ouvert à son tour, par jugement du 4 novembre 1991, le redressement judiciaire de la société Marquis frères et nommé, comme représentant des créanciers, M. A... ; que ce second jugement a été annulé par la cour d'appel sur les appels formés par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Saint-Omer, puis par la société Marquis frères et M. Y..., ès qualités ;
Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'appel de la société Marquis frères et de M. Y..., ès qualités, alors, selon le pourvoi, d'une part, que pour pouvoir interjeter appel, il faut avoir été partie au procès devant les premiers juges ; que tel n'était pas le cas de M. Y..., de sorte qu'en déclarant son appel recevable, la cour d'appel a violé l'article 546 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que l'administrateur judiciaire, qui n'a pas été partie au procès devant les premiers juges, ne peut former un appel-nullité ;
qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 171 et suivants de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, enfin, que l'appel-nullité ne peut émaner que d'une partie qui y a intérêt, ce qui n'est pas le cas de l'administrateur judiciaire non partie au procès devant les premiers juges ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé derechef les articles 171 et suivants de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu, en premier lieu, que le jugement du tribunal de commerce de Lyon qui avait, antérieurement à la saisine du tribunal de commerce de Saint-Omer, prononcé le redressement judiciaire de la société Marquis frères, était exécutoire par provision et opposable à tous ; que l'administrateur judiciaire désigné par ce jugement, avec mission d'assister le débiteur dans les actes de gestion, devait être appelé à l'instance ; qu'il était partie à la procédure ;
Attendu, en second lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a retenu que l'administrateur judiciaire, nommé dans la première procédure avec mission d'assistance, avait intérêt à relever appel du jugement qui prononçait une nouvelle fois le redressement judiciaire de la société et désignait un autre administrateur pour l'assister ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que M. Y..., ès qualités, sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 12 000 francs ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Rejette également la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne M. A..., ès qualités, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du six décembre mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.