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29/11/1994 | FRANCE | N°92-85281

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 novembre 1994, 92-85281


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
- Y...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 17 septembre 1992, qui, dans la procédure suivie contre Z..., du chef de diffamation publique envers des particuliers, après relaxe du prévenu, a débouté les parties civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque

de base légale :
" en ce que, par l'arrêt attaqué, la Cour a confirmé le jugement...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
- Y...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 17 septembre 1992, qui, dans la procédure suivie contre Z..., du chef de diffamation publique envers des particuliers, après relaxe du prévenu, a débouté les parties civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que, par l'arrêt attaqué, la Cour a confirmé le jugement qui, ayant relaxé Z... des fins de la poursuite du chef de diffamation publique envers particuliers, a débouté l'association Y... et X... de leurs demandes en réparation du préjudice que leur avaient causé les propos diffamatoires tenus par Z... lors d'une émission radiophonique du 28 janvier 1991 ;
" aux motifs que si les propos tenus par Z..., à savoir "il y a quand même aussi des contradictions. Les partis politiques français, par exemple Saddam Hussein maintenant c'est le diable, mais enfin c'était le diable avant. Il paraît qu'il a quand même donné de l'argent à pas mal de gens y compris au Y... C'est pour ça que X... va faire la danse du ventre là bas...", ont un caractère diffamatoire, le bénéfice de la bonne foi doit lui être reconnu parce que "Z... est un humoriste et un comique renommés", que ce statut qu'il revendique est "reconnu par le public qui, au surplus, attend de lui insolence et ironie en toutes circonstances" ; que s'il est vrai que les propos incriminés n'ont pas été tenus par Z... lors de l'un de ses spectacles, mais lors d'une émission d'information, "il n'en demeure pas moins que Z... avait été invité par le journaliste " pour faire rire "... et qu'il n'était pas interrogé en tant que journaliste" ; qu'au cours de la même émission il avait tourné en dérision des sujets graves après avoir observé qu'il "faisait du drôle avec du triste", "qu'en sa qualité d'humoriste, il n'était pas tenu, même si ses propos pouvaient être assimilés pour partie à de l'information, au même souci d'information exacte et vérifiée qu'un journaliste" ; que d'autres journaux avaient émis à l'époque les mêmes hypothèses que celles énoncées par Z... ; que celui-ci a, juste après avoir mentionné Y... et X..., stigmatisé l'attitude d'autres partis en disant "qu'il y a d'autres partis plus respectables qui ont touché du pognon de Saddam Hussein" ; "qu'ainsi Z... en sa qualité d'humoriste n'a pas dépassé les limites admissibles de la liberté d'expression et a fait preuve de suffisamment de prudence dans l'expression" ;
" alors que, comme le constatait l'arrêt, Z... avait proféré ses propos diffamatoires, non pas lors de l'un des spectacles ou il exerçait son métier de comique "pour faire rire", mais lors d'une émission d'information, que s'il n'était pas interrogé en qualité de journaliste, il ne l'était pas moins non en qualité "d'humoriste", mais en qualité de citoyen ayant des opinions politiques et faisant part de ses options politiques, que, comme le constatait encore la Cour "ses propos pouvaient être assimilés pour partie à des informations", ce qui l'engageait à faire preuve "du même souci d'information exacte et vérifiée qu'un journaliste", et que compte tenu de ces circonstances dûment relevées dans l'arrêt, la Cour ne pouvait déclarer que Z... était de bonne foi en prononçant des propos diffamatoires au seul prétexte qu'il était un "humoriste et un comique renommés" dont le public attendait "insolence et ironie", qu'en méconnaissance du principe de l'égalité des citoyens devant la loi et en violation des articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les imputations diffamatoires impliquent l'intention coupable de leur auteur ; que si le prévenu peut démontrer sa bonne foi, par l'existence de circonstances particulières, c'est à lui seul qu'incombe cette preuve ; que l'exception de bonne foi ne saurait être légalement admise par les juges qu'autant qu'ils énoncent les faits sur lesquels ils se fondent et que ces faits justifient cette exception ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 28 janvier 1991, Z..., interrogé par A..., pendant une émission d'information générale diffusée par la station Europe 1, a déclaré :
" Il y a quand même aussi des contradictions. Les partis politiques français, par exemple. Saddam Hussein, maintenant, c'est le diable, mais enfin c'était le diable avant. Il paraît qu'il a quand même donné de l'argent à pas mal de gens y compris au Y... C'est pour ça que X... va faire la danse du ventre là-bas... " ;
Attendu qu'à raison de ces propos, l'association Y..., et X... ont fait citer directement Z... devant le tribunal correctionnel, par exploit du 16 avril 1991, sous la prévention de diffamation publique envers des particuliers, en visant les articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 ; que le prévenu a fait notifier une offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires, comportant le nom d'un témoin, à l'audition duquel il a renoncé au profit de celle de plusieurs témoins cités au titre de l'administration de la preuve de sa bonne foi ;
Attendu que pour débouter les parties civiles, seules appelantes d'un jugement de relaxe, la cour d'appel, après avoir admis à bon droit le caractère diffamatoire des imputations incriminées, et après avoir précisé que " l'immunité ne saurait être accordée à raison de la seule qualité de bouffon ", énonce que le prévenu, humoriste et artiste comique renommé, avait été convié dans l'émission " pour faire rire " ; que les juges observent qu'il s'est employé à tourner en dérision des sujets graves, et estiment que, même si ses propos pouvaient être assimilés pour partie à de l'information, il n'était pas tenu au même devoir d'information exacte et vérifiée qu'un journaliste ; qu'ils relèvent que des journaux avaient, avant l'interview, mentionné l'hypothèse selon laquelle plusieurs partis politiques, dont le Y..., auraient touché de l'argent de l'Irak, et que Z... avait conclu son propos en ajoutant " et il y a d'autres partis plus respectables qui ont touché du pognon de Saddam Hussein " ;
Mais attendu qu'en déduisant de ces seules énonciations que le prévenu, en qualité d'humoriste, n'avait pas dépassé les limites de la liberté d'expression, ni manqué de prudence, tout en constatant que les propos incriminés avaient été proférés dans le contexte d'une émission d'information générale, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du principe susénoncé ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 17 septembre 1992, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-85281
Date de la décision : 29/11/1994
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Mauvaise foi - Preuve contraire - Humoriste (non).

PRESSE - Diffamation - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Mauvaise foi - Preuve contraire - Conditions

Les imputations diffamatoires impliquant l'intention coupable de leur auteur, c'est à celui-ci qu'incombe la preuve des faits justificatifs nécessaires à l'admission de sa bonne foi. Le bénéfice de la bonne foi ne peut être légalement accordé à un humoriste qui a manqué de prudence en proférant des propos diffamatoires envers un homme politique, dans le contexte d'une émission d'information générale. (1).


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 29 al. 1, art. 32 al. 1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 septembre 1992

CONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre criminelle, 1986-12-16, Bulletin criminel 1986, n° 374, p. 976 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1989-11-07, Bulletin criminel 1989, n° 403, p. 969 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1992-10-20, Bulletin criminel 1992, n° 329, p. 906 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 nov. 1994, pourvoi n°92-85281, Bull. crim. criminel 1994 N° 382 p. 934
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1994 N° 382 p. 934

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Milleville, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Dintilhac.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guerder.
Avocat(s) : Avocats : M. Pradon, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.85281
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