AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Gérard X..., demeurant ... à Cluses (Savoie), en cassation d'un arrêt rendu le 11 janvier 1993 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile 1ère section), au profit de la Banque populaire Anjou-Vendée, dont le siège est ... (Maine-et-Loire), défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 12 juillet 1994, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. de Gouttes, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Leclercq, les observations de Me Choucroy, avocat de M. X..., de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la Banque populaire d'Anjou-Vendée, les conclusions de M. de Gouttes, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 11 janvier 1993), qu'après la mise en liquidation des biens de la société Sacre, dont M. X... s'était porté caution solidaire à hauteur de 200 000 francs, la Banque Populaire Anjou-Vendée (la banque ) a poursuivi celui-ci en paiement ;
que M. X... a invoqué reconventionnellement la responsabilité de la banque en invoquant le montant excessif du découvert consenti par elle à la société, ainsi que la brutalité de l'interruption de son concours ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande reconventionnelle aux motifs que la banque n'avait pas imprudemment apprécié le risque financier de son concours à la société Sacre, dès lors qu'il s'agissait d'une société holding chargée de fabriquer et commercialiser à moindre coût des produits dont la vente était assurée aux autres entreprises du groupe, dont M. X... faisait partie et qu'elle bénéficiait de la cession d'un brevet de grande valeur commerciale ; alors, selon le pourvoi, que la banque n'avait jamais soulevé ces moyens dans ses écritures pour justifier le découvert par elle consenti, et s'était seulement contentée de contester le montant du découvert indiqué par M. X... dans ses conclusions ; que la cour d'appel a donc soulevé d'office et sans recueillir auparavant les observations des parties ces moyens mélangés de fait et de droit pour asseoir sa décision ; que, ce faisant, elle a violé les droits de la défense et le principe de la contradiction édicté par l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que parmi les éléments du débat, le juge peut prendre en considération même les faits que les parties n'auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir retenu une contradiction entre les moyens sur lesquels il a fondé sa prétention, alors, selon le pourvoi, qu'il n'y a aucune contradiction à faire tout à la fois grief au banquier d'avoir consenti un découvert trop important à une société et de lui avoir ensuite brutalement supprimé tout crédit, la faute consistant précisément en la réunion de ces deux éléments ; que, dans ces conditions, en reprochant à M. X... de soutenir concomitamment deux moyens opposés au soutien de son action en responsabilité, tandis que c'était précisément la conjugaison de ces deux moyens qui caractérisait la faute reprochée à la banque et qu'il lui appartenait précisément, au lieu de considérer chacun des faits reprochés au banquier sans tenir compte des autres, de rechercher si leur coordination ne caractérisait pas cette faute, la cour d'appel a violé les articles 1147 du Code civil et 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'abstraction faite du motif erroné mais surabondant relevant une contradiction entre les deux moyens soutenus par M. X..., l'arrêt retient qu'aucun des deux n'est fondé, constatant que le découvert accordé par la banque n'était pas excessif par rapport au chiffre d'affaires de l'entreprise, le soutien reçu par elle des autres sociétés du groupe et la valeur du brevet dont elle était cessionnaire, puis que la rupture de ce découvert a été conforme aux conditions légales, et, enfin, que l'effondrement de la société est la conséquence d'erreurs de gestion, sur lesquelles la banque n'a eu aucune influence ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., envers la Banque populaire Anjou-Vendée, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du quinze novembre mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.