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15/11/1994 | FRANCE | N°92-85632

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 novembre 1994, 92-85632


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze novembre mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller GUERDER, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, et de la société civile professionnelle Jean-Jacques GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL

DE BESANCON,

- LE SYNDICAT CGT DES AUTOMOBILES PEUGEOT, partie civile, contre ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze novembre mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller GUERDER, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, et de la société civile professionnelle Jean-Jacques GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BESANCON,

- LE SYNDICAT CGT DES AUTOMOBILES PEUGEOT, partie civile, contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 29 septembre 1992, qui, dans la procédure suivie contre Bernard X... et la société anonyme des automobiles Peugeot, des chefs de blessures involontaires et infraction à la réglementation de la sécurité du travail, a prononcé la relaxe du prévenu, et débouté la partie civile ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par le procureur général et pris de la violation de l'article R. 233-4 du Code du travail, défaut ou insuffisance de motifs, manque de base légale ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par le syndicat partie civile et pris de la violation des articles L. 233-1 (dans sa rédaction alors applicable), R. 233-4 et L. 263-2 du Code du travail, 320 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé le prévenu des fins de la poursuite fondée sur l'infraction portée aux dispositions relatives à la sécurité d'un travailleur affecté à une presse à mouvement alternatif, mue mécaniquement et affectée à des travaux automatiques et la commission involontaire à un salarié de blessures entraînant pour celui-ci une incapacité de travail pendant plus de trois mois, et, à cet égard, a déclaré mal fondée l'action civile du syndicat exposant ;

"aux motifs qu'il est constant que le 9 juillet 1989, vers 21 h 40, Gérard Y..., conducteur titulaire de la presse n° 436 de l'atelier nord forges du centre de production Peugeot à Sochaux dont le prévenu est responsable, a eu deux doigts écrasés sous l'outil alors qu'il procédait à un réglage consécutif à une anomalie de fonctionnement ; qu'il est établi que le salarié a condamné la marche continue de la machine, relevé les écrans métalliques de protection qui condamnent l'accès à l'outil en mouvement et commandé manuellement le mouvement de descente du coulisseau de la presse à l'aide de deux boutons-poussoirs du pupitre de commande ; que l'accident s'est produit alors que la victime tenait de la main droite une pièce sous l'outil, tenait enfoncé de la main gauche un des deux boutons-poussoirs et aurait touché avec son corps le second bouton-poussoir du pupitre ; qu'il a fallu l'intervention d'un autre salarié pour que la victime puisse dégager sa main prise sous l'outil, le coulisseau étant resté en bas ; que du fait de l'accident, la victime qui a subi une interruption totale temporaire de plus de trois mois a été amputée des deuxième et troisième phalanges du deuxième doigt droit ; qu'il est d'abord reproché au prévenu d'avoir enfreint les dispositions relatives à la sécurité d'un travailleur affecté à une presse à mouvement alternatif mue mécaniquement et affectée à des travaux automatiques, dispositions telles que prescrites par l'article R. 233-4 du Code du travail ;

qu'il établit que la presse fonctionne toujours encore telle qu'elle était lors de l'accident, dès lors qu'il n'a pas été prescrit par la direction du travail qui peut, en tant que de besoin et en vertu de ses pouvoirs, en interdire l'emploi, une modification, ni procédé à une telle modification ; que e plus, la CRAM qui a procédé à une expertise recommandait "l'utilisation de commandes bimanuelles non "synchrones mais contrôlées uniquement pour les opérations de réglages", et ne faisait nulle observation quant à la presse litigieuse ; que de surcroît, la "suggestion" n° 8902060005 tendant à voir munir les contacteurs d'une grille ou d'un "cache" pour éviter tout faux contact, n'a pas été retenue dès lors que le pupitre PAC porteur des deux boutons(poussoirs et du stop central est équipé de deux grandes oreilles ; que des caches ou grilles peuvent être la source d'accidents dès lors qu'on peut y coincer un chiffon par exemple et rendre ainsi la protection illusoire ; que la direction faisait d'ailleurs observer que les consignes de sécurité Alias 9-4 "sécurité sur presses" prescrivent d'actionner le stop, stop au demeurant non actionné par la victime selon ses propres aveux ; que de surcroît, et contrairement aux allégations du fonctionnaire de la direction du travail, ces consignes, nullement générales mais spécifiques aux presses, ont été diffusées et portées à la connaissance de la victime contre récépissé ; que le rapport du fonctionnaire verbalisateur, qui ne prescrit aucune modification pour mise en conformité, semble critiquer l'absence de caractère synchrone des boutons-pressoirs, point sur lequel la CRAM le contredit explicitement dès lors qu'il s'agit d'une phase de réglage ; que d'autre part, le dispositif "anti-répétition" dont il n'a jamais été fait état ne paraît nullement pertinent quant aux faits de la cause ; que lors des faits, l'opérateur était en train de procéder à un réglage et procédait "par à coups" en utilisant les deux boutons PAC, c'est-à -dire qu'il commandait un déplacement du coulisseau par des pressions successives sur les deux boutons, le relâchement d'un seul des deux boutons conduisait aussitôt à un arrêt du mouvement ; que contrairement aux énonciations du jugement critiqué, la presse ne continuait pas de travailler automatiquement mais par à coups, le mouvement n'étant pas cyclique mais exclusivement conditionné par la pression sur les deux boutons, puisqu'aussi bien la main de la victime est restée écrasée sous le coulisseau et qu'il a fallu l'intervention d'une tierce personne pour faire remonter ce coulisseau ; que, surabondamment, l'habileté de l'opérateur est déterminante du travail puisqu'il en va d'un réglage qui conditionne la production ultérieure ; qu'ainsi, la presse est conforme à la réglementation puisque homologué, et qu'aucune modification n'a été prescrite par les instance compétentes mais encore que les modifications qu'on peut supposer prescrites ne sont pas à retenir, selon la CRAM ; que lors de l'accident, la presse qui n'était pas en production fonctionnait par "à coups" et donc de manière non automatique en phase de réglage ;

qu'aucune inobservation ne peut être reprochée au prévenu et que l'on chercherait vainement la faute de ce dernier à l'origine de l'accident de travail en cause ; qu'aucune maladresse, imprudence, inattention, négligence ne sont alléguées ni démontrées ;

"alors que selon l'alinéa 2 de l'article R. 233-4 du Code du travail, en cas de réparation d'un organe mécanique d'une presse à mouvement alternatif mue mécaniquement et utilisée à des travaux automatiques, l'arrêt de la machine doit être assuré dans tous les cas par la suppression de la liaison entre cette dernière et la force qui l'anime ;

qu'en se déterminant par ces motifs, en l'espèce, qui, notamment, n'établissent pas l'impossibilité dans laquelle se serait trouvé le prévenu de munir la machine d'un système assurant dans tous les cas l'arrêt de celle-ci par la suppression de la liaison existant entre elle et la force qui l'animait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, en outre, qu'en affirmant que lors de l'accident, la presse qui n'était pas en production fonctionnait "par à coups", et donc de manière non automatique en phase de réglage, la cour d'appel n'a pas derechef légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

"alors, enfin, qu'en se fondant sur l'absence de prescription d'une modification par les instances compétentes, la cour d'appel a statué par un motif inopérant" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu lesdits articles ;

Attendu, d'une part, que selon l'alinéa 2 de l'article R. 233-4 du Code du travail, en sa rédaction antérieure au décret du 11 janvier 1993, en cas de réparation d'un organe mécanique d'une presse à mouvement alternatif mue mécaniquement et utilisée à des travaux automatiques, l'arrêt de la machine doit être assuré dans tous les cas par la suppression de la liaison entre cette dernière et la force qui l'anime ;

Attendu, d'autre part, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du procès-verbal de l'inspecteur du travail, base de la poursuite, que Gérard Y..., conducteur d'une presse à mouvement alternatif au centre de production des automobiles Peugeot, à Sochaux, a subi l'écrasement de deux doigts de la main droite, en procédant au réglage de la machine, le 9 juillet 1989, vers 21 heures ; que selon les juges, après avoir débrayé la marche continue de la machine, et relevé les écrans de protection, le salarié a commandé manuellement le mouvement de descente du coulisseau de la presse à l'aide des boutons-poussoirs du pupitre de commande ; que le coulisseau s'est abattu sur la main droite de l'ouvrier avec laquelle celui-ci tentait de retirer une pièce à emboutir, tandis qu'il appuyait de la main gauche sur l'un des boutons-poussoirs ;

Attendu que Bernard X..., directeur de l'usine, responsable de l'hygiène et de la sécurité, a été poursuivi, à raison de ces faits, pour délit de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail personnel pendant plus de trois mois, et infraction à la réglementation de la sécurité du travail, prévue et réprimée par les articles R. 233-4, L. 263-2, L. 263-6 du Code du travail ;

Attendu que pour renvoyer le prévenu des fins de la poursuite, et débouter le syndicat partie civile, la cour d'appel déduit des motifs reproduits aux moyens que les règles de sécurité applicables à la presse en cause n'ont pas été transgressées, et ajoute qu'aucune maladresse, imprudence, inattention, négligence ne sont alléguées ni démontrées ;

Mais attendu qu'en se fondant sur de tels motifs, qui n'établissent ni l'impossibilité dans laquelle se serait trouvé le prévenu de munir la machine d'un système assurant dans tous les cas l'arrêt de celle-ci par la suppression de la liaison existant entre elle et la force qui l'animait, ni l'imputabilité des blessures à une faute exclusive de la victime, la cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision ;

Que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, en date du 29 septembre 1992, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Besançon, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Milleville conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Guerder conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Joly, Martin conseillers de la chambre, Mmes Batut, Fossaert-Sabatier, M. de Larosière de Champfeu conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Nicolas greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-85632
Date de la décision : 15/11/1994
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 29 septembre 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 nov. 1994, pourvoi n°92-85632


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.85632
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