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03/11/1994 | FRANCE | N°93-81541

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 novembre 1994, 93-81541


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois novembre mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT, les observations de Me X..., de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de Me RYZIGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- Y... Jean-Jacques,

- Z... Serge, contre l'arrêt de la chambre d'ac

cusation de la cour d'appel de DOUAI, en date du 9 mars 1993, qui, infirmant sur le seu...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois novembre mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT, les observations de Me X..., de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de Me RYZIGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- Y... Jean-Jacques,

- Z... Serge, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de DOUAI, en date du 9 mars 1993, qui, infirmant sur le seul appel de la partie civile l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, les a renvoyés devant le tribunal correctionnel sous les préventions d'abus de biens sociaux et de complicité d'abus de biens sociaux ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu l'article 574 du Code de procédure pénale ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé en faveur de Serge A... et pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde, 104, 105, 114 et suivants, 170, 172, 206, 218, 591 à 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que la chambre d'accusation a dit n'y avoir lieu à annuler l'audition de A... en qualité de témoin par la police judiciaire le 25 juin 1992 de 14 heures à 18 heures (FD 24) ni son inculpation du même jour à 18 heures 15 (FD 26), ensemble la procédure subséquente ;

"aux motifs qu'il n'y a pas lieu à prononcer l'annulation du procès-verbal d'audition de Serge A... en qualité de témoin par la police judiciaire, alors qu'il était nommément visé dans la plainte avec constitution de partie civile, dans la mesure où il ressort de la lecture même de ce procès-verbal que Lievoux a expressément renoncé à être entendu devant le juge d'instruction en présence de son avocat ; que par ailleurs, le juge chargé du supplément d'information n'a pas commis d'excès de pouvoir en inculpant A... puisque la chambre d'accusation l'avait délégué non seulement pour inculper Gaillard mais pour procéder à tous actes et diligences qui se révèleraient nécessaires à la manifestation de la vérité (arrêt p. 8) ;

"alors que l'inculpation de A... immédiatement consécutive à son audition en qualité de témoin dans les locaux de la police judiciaire où il a été amené à renoncer au bénéfice de l'article 104 est nulle puisque pareille renonciation a été sollicitée à un moment où le principe de l'inculpation du demandeur avait nécessairement été arrêté par le magistrat instructeur" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la procédure soulevée par Serge A..., qui faisait valoir que son audition en qualité de témoin, après qu'il eut renoncé au bénéfice de l'article 104 du Code de procédure pénale dans sa rédaction alors applicable, était irrégulière dès lors qu'elle avait été suivie d'une inculpation immédiate, la chambre d'accusation se prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ;

Que le moyen, qui subordonne la régularité de la procédure organisée par le texte précité à une condition qu'il ne prévoit pas, ne saurait dès lors être admis ;

Sur le premier moyen de cassation proposé en faveur de Serge A... et pris de la violation des articles 2 et suivants, 85, 574 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif de la chambre d'accusation statuant sur le seul appel de la partie civile qu'elle a déclaré recevable a renvoyé le demandeur devant le tribunal correctionnel sous la prévention de complicité d'abus de biens sociaux ;

"aux motifs que dans la mesure où la perte de l'exploitation du casino de Malo-les-Bains pouvait résulter du délit d'abus de biens sociaux dénoncé par la partie civile, celle-ci alléguait bien un préjudice en relation directe avec la loi pénale rendant recevable sa constitution ;

"1 alors, d'une part, que l'action civile devant les tribunaux répressifs est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement enfermé dans les limites prévues par les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ; qu'à défaut de préjudice personnel certain et actuel en relation directe avec une infraction alléguée contre l'organe d'une société, la constitution de partie civile d'un actionnaire est irrecevable ; qu'en l'état de l'impossibilité où se trouvait la société de poursuivre une activité déficitaire à raison de l'abus intentionnel de minorité de l'actionnaire plaignant, la cessation de l'exploitation ne saurait être regardée comme un préjudice en relation directe avec la décision du conseil d'administration, lequel s'est borné à prendre acte d'une situation de blocage d'ores et déjà acquise en dehors de sa volonté ; qu'en se déterminant dès lors à la faveur de considérations hypothétiques et non circonstanciées, la chambre d'accusation n'a pu légalement déclarer la partie civile recevable ;

"2 ) alors, d'autre part, que la chambre d'accusation n'a pas répondu aux articulations essentielles des réquisitions de non-lieu du procureur général et des mémoires régulièrement déposés devant elle d'où il ressortait tout à la fois que le contrat de concession subordonné à l'agrément du ministre n'était pas un bien cessible susceptible d'être "détourné" au profit de tiers et que la décision sociale critiquée avait en l'espèce été prise dans l'intérêt exclusif de la société et de tous ses actionnaires pour éviter la résiliation à ses torts d'un contrat qu'elle ne pouvait désormais assumer en l'absence du concours financier de l'actionnaire plaignant ; qu'en l'absence de préjudice en relation avec une infraction caractérisée, la constitution de partie civile ne pouvait en effet être reçue" ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé en faveur de Serge A... et pris de la violation des articles 437-3 de la loi du 24 juillet 1966, 59, 60 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué infirmant sur appel de la seule partie civile une ordonnance de non-lieu a renvoyé A... devant le tribunal correctionnel sous la prévention de complicité d'abus de biens sociaux ;

"1 ) alors que, d'une part, la chambre d'accusation n'a pas caractérisé l'élément matériel du délit principal d'abus de biens sociaux au regard des conclusions péremptoires de la défense sur le caractère incessible du contrat de concession et l'intérêt social s'attachant à la dénonciation de ce contrat qui ne pouvait recevoir exécution à raison du seul comportement de l'actionnaire minoritaire ;

"2 ) alors que, d'autre part, la chambre d'accusation n'a énoncé en ce qui concerne A... aucune circonstance propre à justifier son renvoi devant la juridiction correctionnelle du chef de complicité d'abus de biens sociaux, privant ainsi sa décision de motifs" ;

Sur le premier moyen de cassation proposé en faveur de Jean-Jacques Y... et pris de la violation des articles 2 et suivants, 85 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué infirmant une ordonnance de non-lieu sur le seul appel de la partie civile, a renvoyé le demandeur devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'abus de biens sociaux et retenu la recevabilité de la constitution de partie civile de la SA Forges Thermal, actionnaire minoritaire ;

"au motif que "dans la mesure où la perte de l'exploitation du casino de Malo-les-Bains pouvait résulter du délit d'abus de biens sociaux dénoncé par la partie civile, celle-ci alléguait bien un préjudice en relation directe avec une infraction à la loi pénale rendant recevable sa constitution ;

"alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale, la recevabilité de la partie civile à mettre en oeuvre l'action publique suppose l'existence d'un préjudice personnel certain et actuel en relation directe avec l'infraction ;

qu'en se bornant à retenir d'une manière hypothétique, sans faire aucune référence aux circonstances concrètes de l'espèce, l'éventualité d'une relation entre la prétendue perte d'exploitation du casino de Malo-les-Bains, de nature à porter préjudice à la société Forges Thermal, et le délit d'abus de biens sociaux dénoncé, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;

"alors, d'autre part, que tant le ministère public dans ses réquisitions, que la défense dans ses mémoires régulièrement déposés devant la chambre d'accusation, avaient fait valoir que le contrat de concession à la résiliation duquel avait procédé Gaillard ne constituait pas un élément d'actif de la société, que sa mise en oeuvre était au demeurant soumise à l'obtention d'une autorisation ministérielle impossible à obtenir en l'état du manque d'actif de la société, de l'accumulation de ses pertes et de la non-conformité de ses statuts, que la société Forges Thermal qui avait délibérément bloqué toute possibilité d'action de la société fermière du casino de Dunkerque ne pouvait se prévaloir des résultats d'une situation qu'elle avait elle-même contribué à créer et que Gaillard avait été contraint de dénoncer le contrat de concession pour préserver l'intérêt de la société et donc de l'ensemble des actionnaires ;

qu'en s'abstenant de répondre à ces articulations essentielles, de nature à établir l'irrecevabilité de l'action civile de la société Forges Thermal en l'absence de tout préjudice personnel et actuel ayant un lien de cause à effet direct avec une prétendue activité délictuelle de Gaillard, la cour d'appel a privé l'arrêt attaqué de toute existence légale" ;

Sur le second moyen de cassation proposé en faveur de Jean-Jacques Y... et pris de la violation des articles 437-3 de la loi du 24 juillet 1966, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué infirmant sur appel de la seule partie civile une ordonnance de non-lieu a renvoyé Gaillard devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'abus de biens sociaux ;

"alors que dans des conclusions régulièrement déposées et laissées sans réponse par la chambre d'accusation, Gaillard avait fait valoir que le contrat de concession unissant la ville de Dunkerque ne constituait par un bien de la société porté à son actif et que sa mise en oeuvre était de surcroît subordonnée à l'obtention d'une autorisation ministérielle impossible à obtenir en l'état des finances et des statuts de ladite société, que dès lors, la dénonciation de ce contrat ne pouvait constituer l'usage d'un bien de la société, élément nécessaire à caractériser le délit poursuivi ; qu'il avait fait valoir également que l'intérêt social constitué par la mise en oeuvre de la réouverture du casino avait été irrémédiablement compromis par la résistance abusive de la société Forges Thermal et que la décision qu'il s'était trouvé contraint de prendre du fait de l'usage abusif du droit de blocage des associés minoritaires était la seule conforme à l'intérêt social et exclusive de toute intention frauduleuse ; qu'en s'étant abstenu de statuer sur la nature juridique du contrat de concession pour déterminer s'il constituait ou non un bien de la société susceptible de faire l'objet d'un usage abusif, et en s'étant borné à affirmer que l'intérêt social commandait la mise en oeuvre de la réouverture du casino sans s'expliquer sur les raisons avancées par le demandeur pour en justifier l'impossibilité absolue, l'arrêt attaqué a délibérément ignoré un système péremptoire de défense, et se trouve ainsi privé de toute existence légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que ces moyens se bornent à critiquer les énonciations de l'arrêt relatives aux charges que la chambre d'accusation a retenues contre les prévenus et aux qualifications qu'elles a données aux faits poursuivis ; que, ces énonciations ne contenant aucune disposition définitive que le tribunal n'aurait pas le pouvoir de modifier, les moyens sont irrecevables en application de l'article 574 du Code de procédure pénale ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publi- que, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Milleville conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Batut conseiller rapporteur, MM. Guerder, Pinsseau, Joly, Martin conseillers de la chambre, Mme Fossaert-Sabatier, M. de Larosière de Champfeu conseillers référendaires, M. Dintilhac avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-81541
Date de la décision : 03/11/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre d'accusation de la cour d'appel de DOUAI, 09 mars 1993


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 nov. 1994, pourvoi n°93-81541


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:93.81541
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