La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/11/1994 | FRANCE | N°92-20041

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 novembre 1994, 92-20041


Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par M. Y... que sur le pourvoi principal formé par la société France compensation bourse ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en août 1985, M. Y... a ouvert un compte de titres à la charge d'agent de change Baudouin, dont il connaissait l'un des commis, M. X... ; qu'en mai 1988 il a été poursuivi en paiement du solde de ce compte par le successeur de l'agent de change, la société France compensation bourse (la société FCB) ; qu'il a demandé reconventionnellement sa condamnation à lui payer la somme qu'il avait investie et perd

ue ; que le Tribunal, puis la cour d'appel ont rejeté ces demandes ;
...

Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par M. Y... que sur le pourvoi principal formé par la société France compensation bourse ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en août 1985, M. Y... a ouvert un compte de titres à la charge d'agent de change Baudouin, dont il connaissait l'un des commis, M. X... ; qu'en mai 1988 il a été poursuivi en paiement du solde de ce compte par le successeur de l'agent de change, la société France compensation bourse (la société FCB) ; qu'il a demandé reconventionnellement sa condamnation à lui payer la somme qu'il avait investie et perdue ; que le Tribunal, puis la cour d'appel ont rejeté ces demandes ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société FCB reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement du solde débiteur du compte de M. Y..., alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'elle n'a jamais convenu que " son salarié " avait " accepté de gérer le compte de M. Y... " ; qu'elle soutenait au contraire que M. X... avait expressément reconnu au cours de l'instruction pénale ouverte sur la plainte de M. Y... qu'" il n'y a pas eu de mandat de gestion " et qu'il " a accepté de gérer le portefeuille de M. Y..., ou plus exactement de passer ses ordres, à titre amical et bénévole " comme il l'aurait fait pour lui-même, de sorte qu'il n'a pas agi comme " son salarié " mais uniquement à titre personnel pour le compte de M. Y... qui devait par suite supporter les conséquences des ordres passés pour lui et que la société de bourse n'avait fait qu'exécuter ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que l'employeur ne saurait répondre du fait dommageable commis par son salarié lorsque sa victime s'est adressée à ses services à titre personnel et qu'elle ne pouvait ignorer qu'il agissait à titre personnel et non pas en qualité de préposé ; qu'il appartenait à la cour d'appel de rechercher, autrement qu'en dénaturant ses conclusions, à quel titre M. X... avait réellement agi et d'indiquer en quoi la gestion des valeurs mobilières confiées à M. X..., qui reconnaissait lui-même s'en être occupé à titre bénévole et amical, n'avait pas été accomplie à titre uniquement personnel, comme un service d'ami ; qu'il lui appartenait encore de justifier en quoi M. Y... a pu être fondé à croire que la gestion de son compte était assurée par la société de bourse, dès lors qu'au regard de la réglementation générale de la compagnie des agents de change, édictée sur le fondement du décret du 7 octobre 1890, et notamment des articles 211 et 217 de leur rédaction issue de l'arrêté d'homologation du 21 avril 1983, un mandat de gestion ne pouvait être donné que par écrit et à la seule personne de l'agent de change à l'exclusion de ses salariés qui ne pouvaient être mandataires et qu'au regard de sa relation avec la société de bourse, celle-ci qui soutenait n'avoir agi qu'en qualité de dépositaire chargé de tenir son compte et d'exécuter les ordres, n'avait facturé à M. Y... aucun honoraire de gestion mais les seules commissions de courtage prévues lors de chaque négociation de titres et qui étaient usuellement perçues lorsque le client gérait lui-même son compte ; qu'en ne s'expliquant pas à cet égard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil ; alors, qu'en outre, le mandat apparent suppose que le tiers ait pu croire à l'existence de pouvoirs du pseudo-mandataire au point d'être fondé à ne pas vérifier leur réalité ainsi qu'il en a le devoir ; qu'en s'abstenant de faire la recherche précédente, la cour d'appel n'a pas davantage donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1998 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève, sans dénaturer les conclusions de la société FCB, que le compte de M. Y... était géré par le salarié de cette société et retient que, du fait de cette gestion donnant lieu à un nombre d'opération très élevé, elle touchait, à titre de courtages, des sommes supérieures aux frais qui eussent été normaux eu égard au montant du dépôt ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a caractérisé l'existence d'un contrat de gestion de titres confié par M. Y... à la société de bourse par l'intermédiaire de son préposé, agissant dans l'intérêt de son employeur ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ces trois branches ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 61 du décret du 7 octobre 1890, applicable en la cause ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, il est interdit aux donneurs d'ordre de se prévaloir, à quelque titre que ce soit, des infractions aux règles relatives à la remise d'une couverture ;

Attendu que, pour rejeter la demande de la société FCB en paiement du solde débiteur de son compte par M. Y..., l'arrêt relève qu'elle a continué à procéder à des opérations après lui avoir demandé de procéder à la couverture de son compte et sans attendre qu'il l'ait fait ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. Y..., l'arrêt, qui, par ses mentions relatives à la demande de couverture, relève que des opérations à terme étaient effectuées sur son compte, retient que, régulièrement informé par la transmission des avis d'opéré, des comptes de liquidation et des relevés mensuels, il ne pouvait ignorer que le placement opéré par lui présentait un caractère aléatoire ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que la société de bourse s'était acquittée du devoir qu'elle a, quelles que soient les relations contractuelles entre elle et son client, de l'informer, à l'origine de ces relations contractuelles, des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme, hors le cas où il en a connaissance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 92-20041
Date de la décision : 02/11/1994
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° BOURSE DE VALEURS - Intermédiaire - Contrat de gestion de titres - Existence - Critère - Perception au titre du courtage de sommes supérieures aux frais normaux eu égard au montant du dépôt.

1° Ayant relevé que le compte d'un donneur d'ordre était géré par le salarié d'une société de bourse et retenu que, du fait de cette gestion donnant lieu à un nombre d'opérations très élevé, elle touchait, à titre de courtages, des sommes supérieures aux frais qui eussent été normaux eu égard au montant du dépôt, une cour d'appel caractérise l'existence d'un contrat de gestion de titres confié par le donneur d'ordre à la société de bourse par l'intermédiaire de son préposé agissant dans l'intérêt de son employeur.

2° BOURSE DE VALEURS - Agent de change - Opération à terme - Nécessité d'exiger une couverture - Inobservation - Interdiction faite au donneur d'ordre de s'en prévaloir - Portée.

2° BOURSE DE VALEURS - Intermédiaire - Marché à terme - Couverture - Infraction aux règles relatives à la remise d'une couverture - Possibilité pour le donneur d'ordre de s'en prévaloir (non).

2° Aux termes de l'article 61 du décret du 7 octobre 1890, il est interdit aux donneurs d'ordre de se prévaloir, à quelque titre que ce soit, des infractions aux règles relatives à la remise d'une couverture ; viole dès lors ce texte la cour d'appel qui, pour rejeter la demande de la société de bourse en paiement du solde débiteur du compte, relève qu'elle a continué à procéder à des opérations après avoir demandé de procéder à la couverture de son compte et sans attendre qu'il l'ait fait.

3° BOURSE DE VALEURS - Intermédiaire - Marché à terme - Opérations spéculatives - Risques encourus par le donneur d'ordre - Obligation d'information.

3° Ne donne pas de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil à sa décision rejetant la demande du donneur d'ordre en paiement de la somme investie et perdue la cour d'appel qui relève que des opérations à terme étaient effectuées sur le compte et retient que, régulièrement informé par la transmission des avis d'opéré, des comptes de liquidation et des relevés mensuels, le donneur d'ordre ne pouvait ignorer que le placement opéré par lui présentait un caractère aléatoire, de tels motifs étant impropres à établir que la société de bourse s'était acquittée du devoir qu'elle a, quelles que soient les relations contractuelles entre elle et son client, de l'informer, à l'origine de ces relations contractuelles, des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme, hors le cas où il en a connaissance.


Références :

2° :
3° :
Code civil 1147
Décret du 07 octobre 1890 art. 61

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 juillet 1992

A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1993-02-23, Bulletin 1993, IV, n° 68 (2), p. 46 (cassation)

arrêt cité. A RAPPROCHER : (3°). Chambre commerciale, 1993-05-18, Bulletin 1993, IV, n° 188, p. 134 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 nov. 1994, pourvoi n°92-20041, Bull. civ. 1994 IV N° 319 p. 260
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 IV N° 319 p. 260

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Poullain.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Piwnica et Molinié, M. Le Prado.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.20041
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award