AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 ) M. Paul A..., demeurant ... les Vosges (Vosges),
2 ) M. Eric A..., demeurant ... Les Vosges (Vosges),
3 ) M. Bertrand Y..., pris en sa qualité de liquidateur de la société Vosges Caravanes, demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 9 octobre 1991 par la cour d'appel de Nancy (2ème chambre), au profit de :
1 ) M. Michel Z..., demeurant ... les Vosges (Vosges),
2 ) Mme X..., Josée, Alberte Gonand, épouse de M. Z..., demeurant ... les Vosges (Vosges), défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 29 juin 1994, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Lacan, conseiller référendaire rapporteur, M. Nicot, Mme Loreau, MM. Vigneron, Leclercq, Dumas, Gomez, Léonnet, Canivet, conseillers, Mme Geerssen, M. Huglo, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Lacan, les observations de Me Henry, avocat des consorts A... et B...
Y..., de Me Vuitton, avocat des époux Z..., les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Nancy, 9 octobre 1991) que, par acte du 12 avril 1986, les époux Z... ont vendu les parts qu'ils possédaient dans la société à responsabilité limitée Vosges caravanes à M. Paul A..., qui en a été désigné comme gérant ; que, par acte du 17 mai 1986, ils ont vendu à la société Vosges caravanes un fonds de commerce d'achat- vente, réparation et location de caravanes exploité jusqu'alors en location-gérance par cette dernière ; que, reprochant aux époux Z... de l'avoir volontairement tenu dans l'ignorance de ce que le contrat de concession exclusive passé avec un fabricant de caravanes, avait été conclu par celui-ci intuitu personnae et pouvait être résilié de plein droit en cas de cession du fonds, M. A... a assigné les vendeurs en annulation, pour réticences dolosives, des deux cessions sus-mentionnées ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. A... et M. Y..., liquidateur de la société Vosges caravanes, reprochent à l'arrêt de les avoir déboutés de leur action, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'article 1116 du Code civil, tout contrat doit être annulé, dès lors qu'il est établi que l'un des contractants s'est rendu coupable de réticence dolosive envers l'autre partie, en omettant d'indiquer à son co-contractant un élément de fait rentrant dans le champ contractuel, dans le souci de tromper ce dernier sur l'étendue des droits lui étant transféré et d'obtenir, par voie de conséquence, son consentement à la conclusion d'un tel contrat ; qu'ainsi le cour d'appel, qui avait retenu de l'expertise l'absence de connaissance par M. A... de l'existence du contrat de concession conclu par la société Vosges caravanes avec la société Burstner, en se bornant à écarter la demande en nullité pour réticence dolosive formée par l'acquéreur du fait que l'acte notarié indiquait expressément qu'aucun contrat spécial de fournitures exclusives de marchandises souscrit par le vendeur n'était compris dans la cession du fonds, sans rechercher, ainsi que M. A... l'y invitait en ses écritures, si une telle omission n'avait pas eu un caractère déterminant, l'acquéreur ayant été alerté, connaissant le caractère intuitu personnae du contrat de fourniture, des dangers de l'acquisition de parts sociales d'une société dont le distributeur allait rompre toutes relations contractuelles, ainsi que de l'acquisition du fonds, les deux opérations étant étroitement liées, a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1116 du Code civil, les juges du fond, saisis d'une action en nullité par l'acquéreur, sont tenus de rechercher, dès lors qu'il est constant qu'un fait a été gardé sous silence par le vendeur et que ce fait pouvait être déterminant du consentement de l'acquéreur, si une telle réticence ne constitue pas un manquement à l'obligation de bonne foi pesant sur le vendeur, donnant lieu à annulation du contrat ; d'où il suit que la cour d'appel, constatant l'absence d'indication par le vendeur des parts sociales et du fonds de commerce du caractère intuitu personnae du contrat de concession conclu avec la société Burstner, fournisseur de la société cédée exploitant le fonds cédé, n'a pas donné de base légale à son arrêt au regard de l'article 1116 du Code civil, en se bornant à énoncer que l'indication dans l'acte de vente du fonds de commerce de ce que cette cession ne comportait aucun contrat spécial de fournitures exclusives, de sorte que le vendeur n'avait aucune obligation de mentionner l'existence du contrat le liant à la société Burstner, sans rechercher si ledit vendeur n'était pas tenu de façon générale, compte tenu du lien existant entre l'acte de cession des parts sociales et la vente du fonds, d'une obligation d'information de l'acquéreur de l'existence d'un contrat de concession conclu intuitu personnae, dans le cadre de son obligation de bonne foi à l'encontre de l'acquéreur ; qu'ainsi, l'arrêt a violé le texte susvisé ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que M. Paul A... savait, lors de l'achat du fonds, que le contrat de fourniture exclusive des caravanes Burstner souscrit par M. Z... ne ferait pas partie des éléments cédés, la cour d'appel n'avait pas à faire les recherches invoquées, fondées sur le caractère déterminant d'une telle ignorance et sur l'obligation qu'aurait eue le vendeur de la dissiper ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que les consorts A... et le liquidateur reprochent encore à l'arrêt de les avoir condamnés à payer aux époux Z... une certaine somme pour procédure abusive, alors, selon le pourvoi, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en l'espèce, l'arrêt confirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions, a condamné les consorts A... pour procédure abusive, sans préciser les motifs d'une telle condamnation, à l'instar des premiers juges ; de sorte que l'arrêt a violé ensemble les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il ne résulte, ni du dossier de la procédure, ni de l'arrêt, que les consorts A... et le liquidateur aient critiqué cette disposition du jugement dans leurs conclusions d'appel ; que le moyen est donc nouveau et que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;
Sur la demande d'indemnité formée par les époux Z... au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir la demande d'indemnité de 10 000 francs, formée par les époux Z... au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
REJETTE la demande présentée par les époux Z... sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Condamne les consorts A... et B...
Y..., envers les époux Z..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du deux novembre mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.