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19/10/1994 | FRANCE | N°91-20292

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 octobre 1994, 91-20292


Attendu que la Centrale syndicale des travailleurs martiniquais (CSTM) a demandé le 9 novembre 1989 à la société Antilles Gaz (la société) l'ouverture de la négociation annuelle obligatoire en faisant connaître que sa délégation comprendrait : M. X..., délégué syndical, M. Y..., salarié de l'entreprise et M. Z..., permanent de la CSTM ; que la société ayant refusé la participation de M. Z..., les salariés ont déclaré se mettre en grève le 12 décembre 1989 ; que la société a saisi le tribunal de grande instance pour faire juger d'une part, que M. Z... ne pouvait pas part

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Attendu que la Centrale syndicale des travailleurs martiniquais (CSTM) a demandé le 9 novembre 1989 à la société Antilles Gaz (la société) l'ouverture de la négociation annuelle obligatoire en faisant connaître que sa délégation comprendrait : M. X..., délégué syndical, M. Y..., salarié de l'entreprise et M. Z..., permanent de la CSTM ; que la société ayant refusé la participation de M. Z..., les salariés ont déclaré se mettre en grève le 12 décembre 1989 ; que la société a saisi le tribunal de grande instance pour faire juger d'une part, que M. Z... ne pouvait pas participer à la négociation annuelle obligatoire et d'autre part que l'arrêt de travail constituait un mouvement illicite ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que le syndicat reproche d'abord à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la délégation syndicale ne pouvait comporter des personnes étrangères à l'entreprise et plus précisément M. Z..., mandataire du bureau central de la CSTM, alors que, selon le moyen, l'article L. 132-20 du Code du travail qui prévoit que la délégation des organisations syndicales représentatives, parties à la négociation d'entreprise, comprend obligatoirement le délégué syndical et que chaque organisation peut compléter sa délégation par des salariés de l'entreprise n'interdît pas la présence dans la délégation de représentants extérieurs à l'entreprise dont la désignation relève du libre choix de l'organisation syndicale ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Mais attendu qu'en disposant que la délégation syndicale lors des négociations dans l'entreprise comprend obligatoirement le délégué syndical de chacune des organisations représentatives dans l'entreprise ou, en cas de pluralité de délégués, au moins deux délégués syndicaux et facultativement des salariés de l'entreprise, dont le nombre est fixé par accord entre l'employeur et l'ensemble des organisations syndicales, l'article L. 132-20 du Code du travail a exclu, en principe, la présence dans la délégation de membres du syndicat non salariés de l'entreprise ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a décidé que la CSTM ne pouvait en application de la loi, désigner un de ses représentants pour faire partie de la délégation syndicale chargée de négocier ; que le moyen en sa première branche n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu l'article L. 132-20 du Code du travail ;

Attendu que, pour décider que M. Z..., mandataire du bureau central de la CSTM ne pouvait pas faire partie de la délégation syndicale à la négociation annuelle obligatoire, la cour d'appel a ajouté qu'un usage ne pouvait pas primer une loi ;

Attendu, cependant, que si l'article L. 132-20 du Code du travail ne prévoit pas la participation à la délégation syndicale chargée de négocier d'un représentant syndical non salarié de l'entreprise, ce texte n'interdît pas la présence dans la délégation d'un tel représentant en vertu d'un accord ou d'un usage plus favorable ; que, dès lors, en s'abstenant de rechercher si, comme le soutenait la CSTM, un usage permettait la participation à la négociation d'un représentant syndical étranger à l'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article L. 521-1 du Code de travail ;

Attendu que pour décider que les salariés n'avaient pas exercé le droit de grève, la cour d'appel retient que la grève doit être faite pour assurer le respect d'un droit légitime ; qu'en l'espèce aucun droit légitime ne pouvait être violé, la loi ne permettant pas la participation d'un syndicaliste étranger à l'entreprise à la délégation chargée de négocier ;

Attendu, cependant, que si la grève impose l'existence de revendications de nature professionnelles, le juge ne peut, sans porter atteinte au libre exercice d'un droit constitutionnellement reconnu, substituer son appréciation à celle des grévistes sur la légitimité ou le bien fondé de ces revendications, en l'absence d'abus de droit de la part des salariés ;

Et attendu qu'en cessant le travail pour obtenir la présence dans une délégation syndicale chargée de la négociation annuelle obligatoire d'un permanent syndical étranger à l'entreprise, les salariés ont voulu appuyer une revendication de caractère professionnel qui ne présentait aucun caractère abusif ; qu'en refusant d'admettre qu'ils n'avaient fait qu'exercer le droit de grève, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 avril 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 91-20292
Date de la décision : 19/10/1994
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONVENTIONS COLLECTIVES - Dispositions générales - Négociation - Négociation d'entreprise - Délégation syndicale - Composition - Représentant syndical salarié de l'entreprise - Nécessité.

1° L'article L. 132-20 du Code du travail a exclu, en principe, la présence dans la délégation syndicale, lors des négociations dans l'entreprise, de membres d'un syndicat non salariés de cette dernière.

2° CONVENTIONS COLLECTIVES - Dispositions générales - Négociation - Négociation d'entreprise - Délégation syndicale - Composition - Représentant syndical non salarié de l'entreprise - Conditions - Accord ou usage plus favorable - Nécessité.

2° L'article L. 132-20 du Code du travail n'interdît pas, cependant, la présence dans la délégation d'un représentant syndical non-salarié de l'entreprise en vertu d'un accord ou d'un usage plus favorable.

3° CONFLIT COLLECTIF DU TRAVAIL - Grève - Définition - Caractère professionnel - Arrêt de travail en vue de satisfaire des revendications professionnelles - Appréciation - Pouvoirs des juges - Limites.

3° CONFLIT COLLECTIF DU TRAVAIL - Grève - Définition - Caractère professionnel - Arrêt de travail en vue de satisfaire des revendications professionnelles - Négociation annuelle obligatoire - Délégation syndicale - Composition - Présence réclamée d'un permanent syndical étranger à l'entreprise.

3° Si la grève impose l'existence de revendications de nature professionnelle, le juge ne peut, sans porter atteinte au libre exercice d'un droit constitutionnellement reconnu, substituer son appréciation à celle des grévistes sur la légitimité ou le bien-fondé de ces revendications, en l'absence d'abus de droit de la part des salariés. Il s'ensuit qu'en cessant le travail pour obtenir la présence dans une délégation syndicale chargée de la négociation annuelle obligatoire d'un permanent syndical étranger à l'entreprise, les salariés ont voulu appuyer une revendication de caractère professionnel qui ne présentait aucun caractère abusif, et n'ont fait qu'exercer le droit de grève.


Références :

2° :
Code du travail L132-20

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 26 avril 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 oct. 1994, pourvoi n°91-20292, Bull. civ. 1994 V N° 281 p. 190
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 V N° 281 p. 190

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Kuhnmunch .
Avocat général : Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Waquet.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, M. Choucroy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:91.20292
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