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18/10/1994 | FRANCE | N°92-20026

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 octobre 1994, 92-20026


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 1992), que la société anonyme Sidergie, dont les actions étaient inscrites au second marché, était une société holding détenant 91 % du capital de quatorze filiales ; que M. B... en était l'actionnaire majoritaire et le président de son conseil d'administration, dont les autres administrateurs étaient M. X..., vice-président, et MM. Z... et A... ; que M. X... était également gérant de la société Synergie MTA, et M. Z..., président du conseil d'administration des sociétés Manumag, Mir et Mirelec, toutes filiales de la sociétÃ

© Sidergie ; que ces dirigeants et leurs sociétés ont assigné en relève...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 1992), que la société anonyme Sidergie, dont les actions étaient inscrites au second marché, était une société holding détenant 91 % du capital de quatorze filiales ; que M. B... en était l'actionnaire majoritaire et le président de son conseil d'administration, dont les autres administrateurs étaient M. X..., vice-président, et MM. Z... et A... ; que M. X... était également gérant de la société Synergie MTA, et M. Z..., président du conseil d'administration des sociétés Manumag, Mir et Mirelec, toutes filiales de la société Sidergie ; que ces dirigeants et leurs sociétés ont assigné en relèvement de leurs fonctions M. Y... et la société FCC audit et conseil, présidée par M. Y..., qui étaient les commissaires aux comptes des sociétés précitées ; que la Compagnie régionale des commissaires aux comptes est intervenue volontairement à l'instance à titre accessoire ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, tant du pourvoi principal que du pourvoi incident, libellés en termes identiques :

Attendu que M. Y..., la société FCC audit et conseil et la Compagnie régionale des commissaires aux comptes (les consorts Y...) font grief à l'arrêt d'avoir relevé la société FCC audit et conseil de ses fonctions de commissaire aux comptes des sociétés Sidergie, Mir, Mirelec et Synergie MTA, et M. Y... de ses fonctions de commissaire aux comptes de la société Manumag, alors, selon le pourvoi, d'une part, que ne constitue pas une immixtion dans la gestion d'une société, de nature à justifier la révocation d'un commissaire aux comptes, le fait pour ce dernier de se livrer à des investigations de nature à établir que le vice-président et directeur général d'une société s'est abstenu, en infraction à la loi, de faire mention dans le rapport annuel d'une prise de participation dans une autre société ; qu'après avoir constaté que M. Y... avait entendu divers collaborateurs de la société Sidergie sur " certains faits pouvant présenter un caractère délictueux ", puis avait établi les activités occultes de M. X..., vice-président et directeur général de cette société, et avait porté ces faits à la connaissance du Parquet et de la COB, la cour d'appel ne pouvait considérer que M. Y... s'était immiscé dans la gestion de la société Sidergie en cherchant à " déstabiliser " M. X... ; qu'en fondant la révocation sur cette prétendue immixtion, la cour d'appel a violé les articles 227, 228 et 481 de la loi du 24 juillet 1966 ; et alors, d'autre part, que la renonciation à un droit peut être tacite dès lors qu'elle résulte de faits établissant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'après avoir constaté que les dirigeants de la société Sidergie avaient demandé à M. Y... de donner son avis sur le recrutement du directeur administratif et financier, que celui-ci s'était abstenu de porter à leur connaissance qu'il connaissait l'un des candidats et que, l'ayant appris, ils n'avaient pas donné suite à cet incident, la cour d'appel devait en déduire que les dirigeants avaient renoncé à reprocher à M. Y... cette immixtion dans la gestion de la société avant que M. Y... ne découvre les activités occultes de M. X... ; qu'en se fondant sur ladite prétendue immixtion pour relever de ses fonctions M. Y..., la cour d'appel a violé les articles 227 et 228 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que M. Y..., se fondant sur un prétendu mandat de M. B..., qui s'en est toujours défendu, avait coutume de se présenter comme le défenseur des intérêts de ce dernier, qu'à ce titre, il avait convoqué M. A..., administrateur, dans des formes et sous des conditions qui jetaient le discrédit sur M. X..., auquel M. B... avait délégué ses attributions, et avait soumis son interlocuteur à un véritable interrogatoire sur des faits, imputés à M. X..., pouvant présenter un caractère délictueux, qu'à plusieurs reprise, il avait invité le " président du groupe" à agir contre lui et à s'en séparer, que même après l'engagement de la procédure en relèvement, M. Y... s'est livré à une enquête sur les activités des dirigeants en recueillant des informations auprès du greffe du tribunal de commerce de Lyon et d'un ancien employé licencié pour faute lourde et passé à la concurrence ; que l'arrêt relève encore que si M. B... avait été conduit à demander la démission de M. Y..., ce n'était pas sous la menace d'une révélation des faits délictueux, puisque cette révélation n'a eu lieu que trois mois plus tard, mais en raison du danger que faisaient courir à la bonne marche des affaires du groupe les initiatives de M. Y... tendant à ruiner l'autorité de M. X... auprès de ses plus proches collaborateurs ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu retenir que M. Y... avait procédé à des demandes anormales étrangères à la mission de commissaire aux comptes et qu'il s'était immiscé dans la gestion des affaires du groupe Sidergie en se livrant à une entreprise de déstabilisation de la direction générale ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient que M. B... a adressé, le 8 mars 1991, à M. Y... une lettre critique sur son comportement lors du recrutement du directeur administratif et financier de la société Sidergie et que, dès le 20 juin suivant, il lui a demandé de lui remettre sa démission ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu en déduire que si, dans l'immédiat, M. B... n'avait pas, dans un esprit d'apaisement, donné d'autre suite à l'incident, rien ne l'empêchait d'en faire état pour démontrer l'influence qu'entendait exercer M. Y... sur l'équipe de direction ;

Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses trois branches, tant du pourvoi principal que du pourvoi incident, libellés en termes identiques :

Attendu que les consorts Y... font encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en énonçant, à la fois, que le commissariat aux comptes des sociétés Sidergie, Mir, Mirelec et Synergie MTA était assuré par la société FCC audit et conseil et que celui de la société Manumag était assuré par M. Y..., et que toutes ces sociétés avaient pour commissaire aux comptes M. Y..., la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en énonçant à la fois que M. X... était le gérant de la société Synergie tandis que M. Z... était le président du conseil d'administration des sociétés Mir, Mirelec et Manumag, et que M. X... assumait des responsabilités dans chacune de ces filiales de la société Sidergie, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une nouvelle contradiction, violant encore l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que la décision de justice qui relève de ses fonctions le commissaire aux comptes d'une société d'un groupe ne peut être étendue aux autres sociétés du même groupe, qui constituent des personnes morales distinctes, sans que, pour chacune d'entre elles, soit constaté, par des motifs distincts, une faute ou un empêchement de son propre commissaire aux comptes ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que les sociétés Sidergie détenaient 95 à 99 % du capital des sociétés Manumag, Mir, Mirelec et Synergie MTA, la cour d'appel ne pouvait se borner à relever une immixtion de M.Berbesson " dans la gestion du groupe Sidergie pour éliminer M. X..., qui assume des responsabilités dans chacune de ces filiales ", pour relever ensemble la société FFC audit et conseil et M. Y... de leurs fonctions respectives de commissaires aux comptes des différentes sociétés du groupe Sidergie, mais devait préciser la nature des responsabilités de M. X... dans chacune d'entre elles ; qu'en s'en abstenant, elle a privé sa décision de base légale au regard, ensemble, des articles 1165 du Code civil, 227 et 354 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu que l'arrêt retient que M. Y... exerçait son mandat de commissaire aux comptes dans les sociétés concernées, soit en son nom propre, soit au nom de la société FCC audit et conseil, dont il était le président, que M. X... assumait des responsabilités dans chacune des filiales, soit directement, soit au travers de la société holding, et que la situation conflictuelle créée au sein de " l'équipe dirigeante du groupe " par M. Y..., qui avait outrepassé les limites de son mandat de commissaire aux comptes au lieu de se tenir à l'impartialité et à l'objectivité requises par l'exercice de ce mandat, affectait autant les filiales que la société holding ; qu'ainsi, la cour d'appel, hors toute contradiction, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE tant le pourvoi principal que le pourvoi incident.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 92-20026
Date de la décision : 18/10/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° SOCIETE ANONYME - Commissaire aux comptes - Mission - Limites - Immixtion fautive dans les affaires de la société - Entreprise de déstabilisation de la direction générale.

1° Ayant retenu de l'analyse d'un ensemble de circonstances que le commissaire aux comptes d'une société anonyme avait procédé à des demandes anormales étrangères à sa mission et qu'il s'était immiscé dans la gestion des affaires du groupe en se livrant à une entreprise de déstabilisation de la direction générale, une cour d'appel a légalement justifié sa décision de relever ce commissaire aux comptes de ses fonctions.

2° SOCIETE (règles générales) - Groupe de sociétés - Commissaire aux comptes - Révocation pour faute - Agissements affectant tant les filiales que la société holding - Révocation étendue à l'ensemble des sociétés du groupe.

2° Justifie légalement sa décision de relever un commissaire aux comptes des fonctions exercées par celui-ci dans une société holding ainsi que les autres sociétés du même groupe la cour d'appel qui retient que ce commissaire aux comptes exerçait son mandat dans les sociétés concernées, soit en nom propre, soit au nom d'une société dont il était le président, et que la situation conflictuelle créée au sein de " l'équipe dirigeante du groupe " par le commissaire aux comptes, qui avait outrepassé les limites de son mandat au lieu de se tenir à l'impartialité et à l'objectivité requises par l'exercice de ce mandat, affectait autant les filiales que la société holding.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 juin 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 oct. 1994, pourvoi n°92-20026, Bull. civ. 1994 IV N° 303 p. 245
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 IV N° 303 p. 245

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Loreau.
Avocat(s) : Avocats : MM. Cossa, Barbey, Guinard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.20026
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