La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/1994 | FRANCE | N°90-16309

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 octobre 1994, 90-16309


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 avril 1990), qu'un incendie est survenu le 30 mai 1986 dans les locaux de la société de Distribution électronique de Midi-Pyrénées (société DEMP) qui, pour ce risque, était assurée auprès de la compagnie La France (l'assureur) selon une police contractée pour le compte de chacune des sociétés composant le groupe Nasa électronique, dont elle faisait partie, la gestion de cette police étant confiée à la société Groupe REA (société REA) ; que la société DEMP a fait procéder par la société Sodelec à la réfection de l'installat

ion électrique des locaux sinistrés pour un coût facturé le 31 juillet 1986 ;...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 avril 1990), qu'un incendie est survenu le 30 mai 1986 dans les locaux de la société de Distribution électronique de Midi-Pyrénées (société DEMP) qui, pour ce risque, était assurée auprès de la compagnie La France (l'assureur) selon une police contractée pour le compte de chacune des sociétés composant le groupe Nasa électronique, dont elle faisait partie, la gestion de cette police étant confiée à la société Groupe REA (société REA) ; que la société DEMP a fait procéder par la société Sodelec à la réfection de l'installation électrique des locaux sinistrés pour un coût facturé le 31 juillet 1986 ; que, le 19 août 1986, l'assureur a versé un premier acompte à valoir sur l'indemnité d'assurance dont il lui a été délivré quittance par M. X..., n'agissant pas pour le compte de la société DEMP ; que, le 23 septembre 1986, un second acompte a été remis pour lequel la quittance était signée d'une personne non identifiée ; qu'enfin le solde a été payé le 30 septembre 1986 par l'assureur entre les mains de la société REA ; que, par jugement du 23 octobre 1986, la société DEMP a été mise en redressement judiciaire, sans avoir réglé à la société Sodelec le prix de ses travaux ; que cette dernière, soutenant que l'indemnité d'assurance était destinée à permettre à la société DEMP, en tant que bénéficiaire d'une assurance pour le compte de qui il appartiendra, de payer l'entreprise chargée de réparer le sinistre, a assigné l'assureur et la société REA en paiement de dommages-intérêts, leur reprochant d'avoir, pour le premier, versé les acomptes et le solde entre les mains de personnes non mandatées par la société DEMP pour les percevoir, et, pour la seconde, d'avoir affecté, de son propre chef, le montant de l'indemnité au paiement d'un arriéré de primes d'assurances dû par diverses autres sociétés du groupe Nasa électronique ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches, du pourvoi principal de l'assureur et du pourvoi incident de la société REA :

Attendu que l'assureur et la société REA reprochent à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la société Sodelec alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'action individuelle en réparation du préjudice subi par chaque créancier personnellement ne peut être intentée par celui-ci que pour un préjudice distinct de celui causé aux autres créanciers ; qu'après avoir constaté le redressement judiciaire de la société DEMP, cocontractant de la société Sodelec, en déclarant que le détournement de l'indemnité d'assurance ne pouvait que nuire directement aux cocontractants de la société DEMP, la cour d'appel n'a pas caractérisé le préjudice spécial de la société Sodelec et son intérêt distinct de celui subi par les autres créanciers ; qu'en se fondant sur ce motif pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel a violé l'article 46 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'autre part, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société REA, courtier, était le mandataire tant du bénéficiaire de l'assurance, la société DEMP, que du souscripteur de l'assurance, la société GED, agissant pour le compte des sociétés du Groupe Nasa électronique ; qu'en qualifiant dès lors de fautive la remise par l'assureur au courtier de l'indemnité due au bénéficiaire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; alors, en outre, qu'une personne peut être engagée sur le fondement d'un mandat dès lors que le tiers est légitimement fondé à croire aux pouvoirs du mandataire apparent sans être tenu de les vérifier ; qu'en reprochant à l'assureur de s'être abstenu de vérifier la qualité et les pouvoirs des signataires des quittances des deux acomptes sans rechercher, comme elle y était invitée, si les circonstances n'autorisaient pas l'assureur à ne pas procéder à ces vérifications, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1998 du Code civil ; et alors, enfin, qu'au surplus, à supposer même que l'assureur ait commis une faute en ne vérifiant pas la qualité et les pouvoirs des deux signataires des quittances des deux acomptes de 400 000 francs chacun, cette circonstance était sans influence sur le fait qu'elle avait régulièrement réglé le solde de l'indemnité, soit 1 386 487 francs, au courtier, mandataire de l'assurée, ce qui excluait l'existence d'un lien de causalité entre cette prétendue faute et le préjudice allégué par la société Sodelec ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a donc violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel relève que l'assureur, en ne remettant pas l'indemnité, destinée en priorité au paiement des travaux commandés pour la remise en état des locaux sinistrés, à la société DEMP, bénéficiaire de l'assurance, ou à un mandataire dûment habilité, et la société REA, en détournant le montant de cette indemnité, " ont privé la société DEMP des fonds nécessaires pour régler " la société Sodelec avant l'ouverture du redressement judiciaire et ont fait " perdre à cette entreprise toute chance d'être intégralement désintéressée " ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant apparaître que la société Sodelec subissait un préjudice individuel fondé sur un intérêt distinct de celui des autres créanciers de la société DEMP, la cour d'appel a déclaré à bon droit sa demande recevable ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a retenu, d'un côté, que la société REA n'était investie, contrairement aux allégations du moyen, d'aucun mandat de la société DEMP pour percevoir en son nom l'indemnité d'assurance et, d'un autre côté, que l'assureur, " compte tenu de l'importance des indemnités d'assurance ", avait commis une imprudence en versant les sommes qu'il devait sans avoir vérifié, au vu des documents qu'il produisait lui-même aux débats, la qualité et les pouvoirs des signataires des quittances, procédant par là-même à la recherche qu'il lui est reproché d'avoir omise ;

D'où il suit que le moyen manque en fait pour partie et n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen des mêmes pourvois : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 90-16309
Date de la décision : 11/10/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Créanciers du débiteur - Action individuelle - Suspension - Portée - Action en réparation d'un préjudice contre un tiers - Préjudice individuel - Constatations suffisantes .

Ayant relevé qu'un assureur, en ne remettant pas l'indemnité, destinée en priorité au paiement des travaux commandés pour la remise en état de locaux sinistrés, à la société bénéficiaire de l'assurance, ou à un mandataire dûment habilité, et que la personne chargée de la gestion de la police d'assurance, en détournant le montant de cette indemnité, avaient privé la société bénéficiaire des fonds nécessaires pour régler l'entrepreneur avant l'ouverture de son redressement judiciaire et ont fait perdre à celui-ci toute chance d'être intégralement désintéressé, une cour d'appel, en l'état de ces constatations et appréciations, faisant apparaître que l'entrepreneur subissait un préjudice individuel fondé sur un intérêt distinct de celui des autres créanciers de la société bénéficiaire de l'assurance, a déclaré à bon droit sa demande, tendant à rechercher la responsabilité civile de l'assureur et du gestionnaire de la police, recevable.


Références :

Loi 85-98 du 25 janvier 1985

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 avril 1990


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 oct. 1994, pourvoi n°90-16309, Bull. civ. 1994 IV N° 281 p. 225
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 IV N° 281 p. 225

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Rémery.
Avocat(s) : Avocats : MM. Cossa, Choucroy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:90.16309
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award