AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean A..., demeurant ... (Ille-et-Vilaine), en cassation d'un arrêt rendu le 7 janvier 1992 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), au profit :
1 / de M. Didier Y...,
2 / de Mme Catherine Y..., née Z..., demeurant ensemble Les Cours Gallais à Montreuil-sur-Ille (Ille-et-Vilaine), défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 juillet 1994, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Aydalot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Douvreleur, Peyre, Mme Giannotti, MM. Boscheron, Toitot, Mmes Di Marino, Borra, M. Bourrelly, conseillers, MM. Chollet, Pronier, conseillers référendaires, M. Marcelli, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Aydalot, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. A..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des époux Y..., les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 7 janvier 1992) de décider que la servitude du passage dont son fonds bénéficie sur la propriété des époux Y... est éteinte, alors, selon le moyen, "1 / que les servitudes conventionnelles ne s'éteignent pas du fait de la disparition de l'état d'enclave ;
qu'en l'espèce, la cour d'appel relève elle-même le caractère conventionnel de la servitude bénéficiant au fonds appartenant à M. A... ;
qu'en effet, la cour d'appel constate que la servitude a été créée par la volonté des parties, les époux X... accordant au fonds 879 un passage sur leur propre fonds n 880, en contrepartie de quoi le propriétaire du fonds 879 s'engageait à ne pas s'opposer à ce que les époux X... acquièrent le chemin communal traversant les parcelles 879 et 880 ; qu'ainsi, la servitude de passage au profit du fonds n° 879 a été constituée par la volonté des parties par acte du 3 octobre 1983 ; qu'en considérant qu'une telle servitude, de nature conventionnelle, pouvait s'éteindre du fait de la disparition de l'enclave, la cour d'appel a violé l'article 875-1 du Code civil par fausse application ; 2 / que la servitude de passage n'est de nature légale que lorsque l'état d'enclave a été la cause déterminante de l'acte instaurant la servitude et que cet acte s'est borné à fixer l'assiette et les modalités d'exercice de cette servitude ; qu'en l'espèce, les parties à l'acte du 3 octobre 1983 n'ont pas fixé l'assiette et les modalités de passage d'une servitude qui serait rendue nécessaire en raison d'un état d'enclave préexistant ; qu'au contraire, les parties sont convenues d'avantages réciproques, avantages créant une situation d'enclave que les parties ont résolu par la constitution d'une servitude ;
qu'ainsi, tant l'enclave que la servitude étaient de nature conventionnelle ; qu'ainsi, l'acte dont s'agit n'avait pas fixé
l'assiette d'une servitude mais avait constitué cette dernière ; qu'en considérant que cette servitude conventionnelle pouvait s'éteindre du fait de la disparition de l'état d'enclave, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 685-1 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu, par motifs propres et adoptés, que l'état d'enclave de la parcelle de M. A... avait été la cause déterminante de la stipulation conventionnelle d'une servitude de passage, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que les dispositions de l'article 685-1 du Code civil étaient applicables ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. A... à payer aux époux Y... la somme de huit mille francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Le condamne, également, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du cinq octobre mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.