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04/10/1994 | FRANCE | N°94-83603

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 octobre 1994, 94-83603


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre octobre mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire de LAROSIERE de CHAMPFEU, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- A... Gaetano, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'AIX-EN-PRO

VENCE, en date du 2 juin 1994, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre octobre mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire de LAROSIERE de CHAMPFEU, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- A... Gaetano, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 2 juin 1994, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du Gouvernement italien, a émis un avis favorable ;

Sur la recevabilité des pourvois :

Attendu qu'après s'être pourvu le 2 juin 1994 par l'intermédiaire d'un avoué, Gaetano A... a fait une déclaration de pourvoi contre la même décision au greffe de la maison d'arrêt, le 3 juin suivant ; que le demandeur ayant épuisé, par l'usage qu'il en avait fait, le droit de se pourvoir, le second pourvoi est irrecevable ;

Sur le premier pourvoi :

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 31, 32, 34, 39, 192, 199, 485, 510, 511, 591 et 592 du Code de procédure pénale ,

"en ce que l'arrêt attaqué précise d'une part (page trois, paragraphe premier), que "Monsieur le président Mistral a, conformément aux dispositions de l'article 199 du Code de procédure pénale, donné lecture de l'arrêt en audience publique à l'audience du 2 juin 1994, en présence de l'extradable et de ses avocats français et italien" et indique, d'autre part (page 10), que l'arrêt a été rendu "en audience publique le 2 juin 1994, la Cour étant composée comme à l'audience du 5 mai 1994 où siégeaient M. Mistral, président et MM. Chalumeau et Maestroni, conseillers, M. l'avocat général Bouaziz" ;

"alors que le ministère public fait partie essentielle et intégrante des juridictions répressives qui ne peuvent procéder au jugement des affaires qu'en sa présence et avec son concours ; qu'il ne peut être pallié à l'absence de constatation de la présence du ministère public à l'audience du 2 juin 1994 dans les mentions figurant à la troisième page de l'arrêt par celles figurant à la dixième page, ces mentions étant en totale contradiction avec les premières puisque faisant état d'une composition de la chambre d'accusation radicalement différente ; qu'en l'état de ces mentions contradictoires interdisant à la chambre criminelle de s'assurer de ce que le ministère public était bien représenté lors de la reddition de l'avis de la chambre d'accusation, l'arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Attendu que l'arrêt attaqué mentionne que la lecture en a été faite par le président, "en présence de l'extradable et de l'interprète" et qu'à cette audience siégeait, notamment, "Monsieur l'avocat général Bouaziz" ;

Qu'ainsi le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 14 et 15 de la loi du 10 mars 1927, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce qu'il ne résulte d'aucune des pièces de la procédure qu'un procès-verbal d'interrogatoire de A... ait été dressé conformément aux prescriptions de l'article 14 de la loi du 10 mars 1927 ;

"alors qu'en matière d'extradition, les débats devant la chambre d'accusation s'ouvrent par un interrogatoire dont il est dressé procès-verbal ; que cette formalité est substantielle et doit être accomplie par la chambre d'accusation régulièrement composée en audience publique, et en présence du ministère public et du conseil de l'étranger ; qu'aucun procès-verbal n'ayant été dressé comportant les déclarations faites par A... lors de son interrogatoire devant la chambre d'accusation, l'arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Attendu que, contrairement à ce qu'allègue le demandeur, il résulte des pièces de la procédure qu'à la copie de l'arrêt attaqué est joint, en double exemplaire, le procès-verbal d'interrogatoire prévu par l'article 14 de la loi du 10 mars 1927 ;

Qu'ainsi le moyen, qui repose sur une affirmation de fait inexacte, doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 14 de la loi du 10 mars 1927, 407 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué ne constate pas que Mme Y..., interprète assermenté en langue italienne, ait prêté serment avant d'accomplir sa mission lors des audiences des 5 mai et 2 juin 1994 ;

"alors que tout interprète qui apporte son concours à la justice doit prêter serment conformément à la loi ; que cette formalité substantielle prévue par l'article 407 du Code de procédure pénale s'impose en matière extraditionnelle devant la chambre d'accusation en vertu des principes généraux du droit dès lors qu'elle est prescrite non seulement dans l'intérêt de celui que l'interprète doit assister, mais encore pour le bien de la justice ; que par ailleurs, tout interprète, même assermenté comme expert en exécution des dispositions de l'article 160 du Code de procédure pénale, est tenu de prêter le serment requis par l'article 407 de ce Code toutes les fois qu'il est commis pour assurer ses fonctions à l'audience ;

que l'arrêt qui ne mentionne pas l'exécution de cette formalité ne répond pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Attendu que les dispositions de l'article 102 du Code de procédure pénale relatives au concours d'un interprète devant le juge d'instruction et la chambre d'accusation, n'étant pas incompatibles avec celles de la loi du 10 mars 1927, sont applicables en matière d'extradition ; qu'il en résulte que seul l'interprète qui n'est pas assermenté est tenu de prêter serment ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1er et 26 de la Convention européenne d'extradition, 1er des réserves du Gouvernement français consignées dans l'instrument de ratification du 10 février 1986, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que la chambre d'accusation a émis un avis favorable à l'extradition de A... ;

"aux motifs que contrairement à ce qui est dit dans les mémoires, la procédure italienne est devenue depuis 1989 une procédure accusatoire devant la juridiction de jugement, et les éléments recueillis au cours de l'enquête préliminaire ne sont pas produits lors du procès ;

"alors que dans leurs écritures régulièrement soumises à l'examen de la chambre d'accusation, les conseils de A... faisaient valoir que la procédure d'instruction italienne ne respectait pas les garanties les plus fondamentales des droits de la défense puisque, notamment, le cours de l'instruction demeure totalement secret durant des périodes parfois très longues au cours desquelles les défenseurs de l'intéressé ne peuvent avoir accès au dossier ;

qu'en se bornant à faire état des modifications intervenues en 1989 instituant un mode accusatoire procédural sans cependant s'expliquer sur le moyen qui lui était soumis, et duquel il ressortait que nonobstant son caractère nouvellement accusatoire, la procédure d'instruction sur laquelle se fondait la demande d'extradition demeurait attentatoire aux droits de la défense et était, de ce fait, contraire aux réserves faites par le Gouvernement français dans l'instrument de ratification du 10 février 1986 aux termes desquelles l'extradition ne sera pas accordée lorsque la personne réclamée serait jugée par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense, la chambre d'accusation a privé l'arrêt attaqué, en la forme, des conditions essentielles de son existence légale" ;

Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 3, 10 et 14 de la Convention européenne d'extradition, 3, 4, 5, 16 et 17 de la loi du 10 mars 1927, 5, 265 et 266 du Code pénal, 5 du Code civil, 6, 7, 8 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4-1 du protocole n° 7 de cette convention, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a émis un avis favorable à la demande d'extradition de A... pour l'exécution d'un mandat d'arrêt, en date du 24 décembre 1993, concernant des crimes d'assassinat, d'infractions à la législation sur les armes et de recel de vol ;

"aux motifs que les faits sur lesquels est fondée la demande d'extradition se rapportent à l'assassinat d'Ignazio Z..., parent éloigné de A... ; que cet assassinat aurait été motivé dans le cadre de la stratégie générale de Cosa Nostra qui désire éliminer ceux qui se sont occupés davantage de leurs intérêts personnels et n'a aucun aspect politique ni aucun lien de connexité avec une infraction politique ; qu'à supposer que les enquêtes ou poursuites menées contre Giulio X... aient un aspect politique, une simple perquisition effectuée chez A... concernant un plat en argent que lui aurait donné Giulio X... n'a pas de lien évident avec les faits servant de base à la demande d'extradition ; que les faits d'assassinat dont A... est soupçonné ne dissimulent aucun but politique afin de le poursuivre en réalité pour des opinions politiques risquant d'aggraver sa situation ;

"alors, d'une part, que, dans ses écritures, A... faisait notamment valoir que les pièces de la procédure diligentée à son encontre portaient le même numéro que celui sous lequel était instruite la procédure ouverte contre Giulio X..., ancien président du conseil italien ; qu'en s'abstenant d'apporter la moindre réponse à ce moyen pourtant déterminant, puisque de nature à établir un lien de connexité évident entre la demande d'extradition et la procédure menée contre Giulio X... et donc à faire apparaître le caractère politique de la procédure extraditionnelle qui devait conduire la chambre d'accusation à émettre un avis défavorable en application des dispositions de l'article 3 de la Convention européenne d'extradition, l'arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;

"alors, d'autre part, que l'extradition doit être refusée, et faire l'objet d'un avis défavorable, s'il existe des raisons sérieuses de croire que la demande est motivée en réalité par le désir de poursuivre ou de punir l'intéressé à raison de considérations de nature notamment politiques, ou que sa situation risque d'être aggravée à raison de telles considérations ; qu'à supposer que les faits sur lesquels se fonde la demande d'extradition ne revêtent pas un caractère politique, la chambre d'accusation devait cependant se prononcer, comme l'y invitaient les écritures de A..., sur la question de savoir si, étant maintes fois présenté comme lié à Giulio X..., A... ne verrait pas automatiquement et de ce seul fait sa situation très sérieusement aggravée devant les autorités judiciaires italiennes ; qu'en se bornant à affirmer que "les faits dont A... est soupçonné ne dissimulent aucun but politique de le poursuivre pour des opinions politiques risquant d'aggraver sa situation", la chambre d'accusation qui a ainsi délaissé les écritures dont elle était régulièrement saisie a privé l'arrêt attaqué, en la forme, des conditions essentielles de son existence légale ;

"alors, enfin, que l'arrêt attaqué qui n'indique à aucun moment en quoi consiste l'essentiel les faits d'infractions à la législation sur les armes et de recel de vol donnant lieu à la demande d'extradition n'a pas rendu un avis motivé au sens de l'article 16 de la loi du 10 mars 1927 et qu'ainsi, il ne répond pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que ces moyens reviennent à critiquer les motifs de l'arrêt qui se rattachent directement et servent de support à l'avis de la chambre d'accusation sur la suite à donner à la demande d'extradition ;

Qu'ils sont irrecevables, en application de l'article 16 de la loi du 10 mars 1927 ;

Et attendu que la chambre d'accusation était compétente et régulièrement composée ; que la procédure est régulière ;

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi formé le 3 juin 1994 ;

REJETTE le pourvoi formé le 2 juin 1994 ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Milleville conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. de Larosière de Champfeu conseiller rapporteur, MM. Guerder, Pinsseau, Joly, Martin conseillers de la chambre, Mmes Batut, Fossaert-Sabatier conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Arnoult greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-83603
Date de la décision : 04/10/1994
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le 3e moyen) INTERPRETE - Serment - Chambre d'accusation - Procédure extraditionnelle - Nécessité - Interprète assermenté (non).


Références :

Code de procédure pénale 102
Loi du 10 mars 1927

Décision attaquée : Chambre d'accusation de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 02 juin 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 oct. 1994, pourvoi n°94-83603


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:94.83603
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