AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme Clinique du Renaison, venant aux droits et obligations de la Polyclinique de la Livatte, laquelle a été dissoute dans le cadre d'un apport de fusion avec cessation d'activité au 25 juillet 1990 et radiée au registre du commerce le 29 août 1990, dont le siège social est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 1er octobre 1991 par la cour d'appel de Lyon (1re Chambre), au profit de M. Albert Z..., docteur en médecine, demeurant à Villerest (Loire), défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 1er juin 1994, où étaient présents :
M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Renard-Payen, Lemontey, conseillers, M. Lupi, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller doyen X..., les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Clinique du Renaison, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Z..., les conclusions de M. Lupi, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. Z... exerçait ses activités de médecin anesthésiste réanimateur depuis 1968 à la Clinique Margotton, devenue Clinique de la Livatte, puis Clinique du Renaison ; que MM. Y... et B..., cogérants de la clinique, ont proposé à M. Z... la signature d'une convention écrite dont il n'a pas accepté les termes ; que, les 11 septembre, 26 octobre 1986, les cogérants ont fait connaître par lettre à M. Z... qu'ils n'entendaient plus collaborer avec lui ; que, s'estimant victime d'une rupture abusive du contrat le liant à la clinique, M. Z... a assigné celle-ci en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que la clinique reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. Z... les sommes de 400 000 francs à titre d'indemnité compensatrice du préavis et de 600 000 francs à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat, alors qu'elle avait elle-même relevé que la rupture était la conséquence d'une décision personnelle de MM. B... et Y..., prise en leur propre nom et non en leur qualité de gérants de la clinique ;
Mais attendu que l'arrêt énonce que, si MM. A... et Y... soutiennent que leur refus de collaborer avec M. Z... constitue de leur part deux décisions personnelles les engageant l'un et l'autre en tant que médecins, il retient souverainement qu'il est établi qu'ils ont, sous le couvert d'incompatibilités personnelles, consacré la rupture du contrat verbal liant la clinique avec M. Z... ; d'où il suit que le moyen manque en fait ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le second moyen, réunis :
Vu les articles 1134 et 1184 du Code civil ;
Attendu que, pour prononcer les condamnations précitées, l'arrêt attaqué énonce que les deux décisions de cessation de collaboration ont été prises concomitamment par les deux médecins gérants de la clinique, alors que les seuls litiges démontrés ayant existé entre eux ne concernaient pas la pratique professionnelle, mais seulement la mise en place d'un contrat de collaboration écrit, et qu'il est démontré que ces décisions ont entraîné une réduction importante de l'activité de M. Z... ;
Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, d'une part, sans relever qu'un minimum d'activité avait été garanti à M. Z... par la clinique et, d'autre part, sans préciser en quoi l'attitude de MM. B... et Y... témoignait d'une intention de nuire ou d'une légèreté blâmable de nature à faire dégénérer en abus la faculté de résilier un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la clinique à payer à M. Z... une somme de six cent mille francs à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat, l'arrêt rendu le 1er octobre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Rejette, en conséquence, la demande présentée par M. Z... sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne M. Z..., envers la société Clinique du Renaison, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Lyon, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du douze juillet mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.