La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/1994 | FRANCE | N°92-19758

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 juillet 1994, 92-19758


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 11 juin 1992), que la société Ferme du Larry (la société) a refusé à partir de janvier 1989 d'acquitter sa cotisation au Comité national interprofessionnel de la pomme de terre (le comité), fixée à 20 francs sur chaque tonne de pommes de terre mises sur le marché français, en invoquant l'incompatibilité au regard des règles communautaires tant de l'article 3 de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975, relative à l'organisation interprofessionnelle agricole instituant le principe de telles cotisations, que de l'a

ccord interprofessionnel du 17 février 1988, fixant le montant de la co...

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 11 juin 1992), que la société Ferme du Larry (la société) a refusé à partir de janvier 1989 d'acquitter sa cotisation au Comité national interprofessionnel de la pomme de terre (le comité), fixée à 20 francs sur chaque tonne de pommes de terre mises sur le marché français, en invoquant l'incompatibilité au regard des règles communautaires tant de l'article 3 de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975, relative à l'organisation interprofessionnelle agricole instituant le principe de telles cotisations, que de l'accord interprofessionnel du 17 février 1988, fixant le montant de la cotisation en cause pour les campagnes 1988-1989, 1989-1990 et 1990-1991 ; que le comité a assigné la société devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Péronne en paiement d'une provision à valoir sur les cotisations non acquittées par la société ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré le juge des référés compétent, de l'avoir condamnée au paiement de diverses sommes et d'une indemnité, alors, selon le pourvoi, que la juridiction des référés n'est pas compétente pour statuer sur une difficulté sérieuse et allouer une provision lorsque l'obligation est sérieusement contestable ; qu'en l'espèce la question se posait de savoir si le CNIPT était en droit de prélever des cotisations dont la validité était contestée au regard de la norme communautaire, s'agissant de taxes parafiscales visant à subventionner la production nationale des pommes de terre ; que cette question posait une difficulté sérieuse et rendait l'obligation sérieusement contestable ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui a outrepassé ses pouvoirs, a procédé d'une violation des articles 808 et 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève à juste titre que le marché de la pomme de terre n'a pas fait l'objet d'une organisation commune de marché au sens de l'article 40 du Traité instituant la Communauté européenne ; que, selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (arrêt du 3 décembre 1987, BNIC), le Traité impose aux Etats membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles d'éliminer l'effet utile des dispositions des articles 85 et 86 du Traité CEE, et que tel est notamment le cas lorsqu'un Etat membre renforce, par un arrêté d'extension, les effets d'accords contraires à l'article 85 ; que si, selon l'article 3 de la loi du 10 juillet 1975 précitée, les organisations interprofessionnelles reconnues sont habilitées à prélever sur tous les membres des professions les constituant des cotisations résultant des accords étendus selon la procédure fixée à l'article 2, l'institution d'une telle cotisation, qui n'est pas perçue en cas de dépassement d'un quota de production mais à chaque mise sur le marché des produits concernés, et qui n'a ni pour objet ni pour effet de fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente, n'est pas contraire à l'article 85, paragraphe 1er, du Traité ; que, selon l'article 3, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1975 précité, les cotisations litigieuses peuvent, en outre, être prélevées sur les produits importés ; que ces cotisations, aux termes des accords interprofessionnels des 31 janvier 1985 et 17 février 1988, financent la mise en oeuvre par le comité des moyens permettant d'assurer la transparence du marché des pommes de terre de conservation et de transformation par une meilleure connaissance de la production et des transactions ; qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes qu'une taxe parafiscale, appliquée dans les mêmes conditions de perception aux produits nationaux et aux produits importés, dont les recettes sont affectées au profit des produits nationaux, de sorte que les avantages qui en découlent compensent en partie la charge supportée par les produits nationaux, constitue une imposition discriminatoire interdite par l'article 95 du même Traité (arrêt du 11 mars 1992, Compagnie commerciale de l'Ouest ; arrêt du 11 juin 1992, Sanders X...) ; que la Cour de justice a précisé dans ces mêmes arrêts que la taxe est incompatible avec l'article 95 du Traité, dans la seule mesure où elle compense partiellement la charge supportée par le produit national appréhendé ; qu'il résulte de l'arrêt que la société n'a ni établi ni même allégué que les produits mis en vente par elle étaient importés ; qu'elle est donc sans intérêt à invoquer l'incompatibilité de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1975, résultant de ce que les actions du comité quant à la transparence du marché de la pomme de terre profitent essentiellement aux producteurs nationaux ; que la cour d'appel en a déduit à bon droit l'absence de contestation sérieuse de la part de la société ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 92-19758
Date de la décision : 05/07/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

REFERE - Contestation sérieuse - Applications diverses - Communauté économique européenne - Articles 40, 85 et 95 du traité de Rome - Pomme de terre - Cotisation - Compatibilité .

COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Libre concurrence - Articles 85 et 86 du traité de Rome - Article 85 - Pomme de terre - Cotisation - Perception à chaque mise sur le marché - Cotisation ne fixant pas le prix - Compatibilité

AGRICULTURE - Comité interprofessionnel - Cotisations établies par un accord interprofessionnel - Cotisation sur la pomme de terre - Communauté économique européenne - Articles 40, 85 et 95 du traité de Rome - Compatibilité

COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Impôts et taxes - Impositions intérieures - Caractère discriminatoire - Action en justice - Intérêt - Demandeur vendeur de produits importés - Absence de preuve - Irrecevabilité

Ayant relevé à juste titre que le marché de la pomme de terre n'a pas fait l'objet d'une organisation commune de marché au sens de l'article 40 du Traité instituant la Communauté européenne ; que, selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (arrêt du 3 décembre 1987, BNIC), le Traité impose aux Etats membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles d'éliminer l'effet utile des dispositions des articles 85 et 86 du Traité CEE, et que tel est notamment le cas lorsqu'un Etat membre renforce, par un arrêté d'extension, les effets d'accords contraires à l'article 85 ; que si, selon l'article 3 de la loi du 10 juillet 1975 précitée, les organisations interprofessionnelles reconnues sont habilitées à prélever sur tous les membres des professions les constituant des cotisations résultant des accords étendus selon la procédure fixée à l'article 2, l'institution d'une telle cotisation, qui n'est pas perçue en cas de dépassement d'un quota de production mais à chaque mise sur le marché des produits concernés, et qui n'a ni pour objet ni pour effet de fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente, n'est pas contraire à l'article 85, paragraphe 1er, du Traité ; que, selon l'article 3, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1975 précité, les cotisations litigieuses peuvent en outre être prélevées sur les produits importés ; que ces cotisations, aux termes des accords interprofessionnels des 31 janvier 1985 et 17 février 1988, financent la mise en oeuvre par le comité des moyens permettant d'assurer la transparence du marché des pommes de terre de conservation et de transformation par une meilleure connaissance de la production et des transactions ; qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes qu'une taxe parafiscale, appliquée dans les mêmes conditions de perception aux produits nationaux et aux produits importés, dont les recettes sont affectées au profit des produits nationaux, de sorte que les avantages qui en découlent compensent en partie la charge supportée par les produits nationaux, constitue une imposition discriminatoire interdite par l'article 95 du même Traité (arrêt du 11 mars 1992, Compagnie commerciale de l'Ouest ; arrêt du 11 juin 1992, Sanders Adour) ; que la Cour de justice a précisé dans ces mêmes arrêts que la taxe est incompatible avec l'article 95 du Traité, dans la seule mesure où elle compense partiellement la charge supportée par le produit national appréhendé ; et ayant constaté que la société n'a ni établi ni même allégué que les produits mis en vente par elle étaient importés et qu'elle est donc sans intérêt à invoquer l'incompatibilité de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1975, résultant de ce que les actions du comité quant à la transparence du marché de la pomme de terre profitent essentiellement aux producteurs nationaux, une cour d'appel en a déduit à bon droit l'absence de contestation sérieuse.


Références :

Loi 75-600 du 10 juillet 1975 art. 3 al. 2
Traité de Rome du 25 mars 1957 CEE art. 85, art. 86, art. 40, art. 95

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 11 juin 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 jui. 1994, pourvoi n°92-19758, Bull. civ. 1994 IV N° 257 p. 203
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 IV N° 257 p. 203

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Huglo.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Peignot et Garreau, M. Choucroy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.19758
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award