AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. X... ou Adolfo Sprovieri, domicilié 9, via Castel Vetro à Milan (Italie), en cassation d'un arrêt rendu le 14 juin 1991 par la cour d'appel de Paris (25e chambre, section B), au profit de la société Franklin holding, société anonyme dont le siège social est ... (8e), défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 mai 1994, où étaient présents :
M. Bézard, président, M. Gomez, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. de Gouttes, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Gomez, les observations de la SCP Defrenois et Levis, avocat de M. A..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de la société Franklin holding, les conclusions de M. de Gouttes, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 14 juin 1991), que la société Franklin holding a, par contrat du 4 juillet 1985, autorisé la société Interfashion di A... (société Interfashion), représentée par M. Sprovieri, à utiliser, avec paiement d'une redevance, des photographies pour illustrer un album de modèles de coiffures créés par M. Z... pour la marque Jacques Y... ; que la société Interfashion n'a pas payé la redevance malgré plusieurs mises en demeure et une ordonnance de référé devenue irrévocable lui ordonnant de remettre les pièces comptables nécessaires au calcul de ladite redevance ; que la société Franklin a assigné la société Interfashion en paiement de ces redevances ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Sprovieri fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'assignation, alors, selon le pourvoi, que la cour d'appel constate que l'acte introductif d'instance avait été délivré à "la société Interfashion...
représentée par M. Adolfo Sprovieri", et non à ce dernier personnellement ;
qu'en refusant d'annuler le jugement entrepris et en énonçant que les condamnations et interdictions prononcées par celui-ci l'avaient été contre M. Sprovieri personnellement, au seul motif que ce dernier n'avait pu se méprendre sur l'objet et le destinataire réel de l'assignation, ni prétendre que cette assignation ne le concernait pas, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que la juridiction de première instance n'avait été saisie d'aucun litige dirigé à l'encontre de M. Sprovieri personnellement, et, par suite, violé les articles 54 et 564 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le contrat litigieux a été signé par M. Sprovieri, représentant la société A..., sans qu'il soit fait mention d'une rectification, qu'à l'occasion de la procédure de référé, l'acte d'appel et les conclusions de M. Sprovieri ont été faits au nom de la société Interfashion pour le premier et de Interfashion-MA A... pour les secondes, sans qu'il ait été demandé une rectification tenant à l'inexistence de la société Interfashion, que cette procédure avait le même objet que celle dont la cour d'appel était saisie au fond et qu'un certificat de la Chambre de commerce, de l'industrie, de l'artisanat et de l'agriculture de Milan fait apparaître que M. Sprovieri exerce personnellement l'activité de fabrication et de création d'affiches et albums de photographies pour coiffeur sous la dénomination Interfashion di Sprovieri Adolfo ; qu'à partir de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a retenu que M. Sprovieri avait entretenu volontairement et de manière continue une confusion sur le caractère juridique de son activité ; qu'en décidant que M. Sprovieri, qui ne contestait pas avoir reçu l'assignation litigieuse, devait être condamné personnellement, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. Sprovieri fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la société Franklin holding le montant des redevances et des dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, que le paiement de la redevance prévue par le contrat du 4 juillet 1985 était la contrepartie de l'autorisation accordée par la société Franklin holding à M. Sprovieri "d'utiliser et de reproduire dans un album les photographies de coiffure des modèles créés par les stylistes de la marque Jacques Y...", ce qui supposait que la société Franklin holding soit titulaire de droits privatifs sur ces photographies ; qu'en se refusant dès lors à rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Franklin holding avait remis à M. Sprovieri des photographies dont elle était la propriétaire à titre exclusif, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu que le litige avait trait à l'inexécution des prestations du contrat conclu entre la société Franklin holding et M. Sprovieri, et que le jugement invoqué par M. Sprovieri, rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 24 octobre 1984, par lequel la société Franklin holding aurait été déboutée de sa demande tendant à faire interdire à M. Sprovieri la commercialisation des photographies de coiffure, était devenu irrévocable avant la conclusion dudit contrat ; qu'en refusant de procéder à la recherche prétendument omise, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Sprovieri fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, en se bornant à affirmer que l'allocation d'une indemnité de 40 000 francs à la société Franklin holding pour résistance abusive tendait à réparer un préjudice non réparé par les seuls intérêts moratoires, sans préciser en quoi aurait consisté ce préjudice, indépendant du retard, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1153 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en s'abstenant, en toute hypothèse, de préciser si la société Franklin holding avait demandé l'exécution de l'ordonnance de référé du 18 juin 1987 et de l'arrêt qui a confirmé celle-ci, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé que le jugement dont elle était saisie avait décidé l'exécution provisoire et relevé qu'il n'avait pas été exécuté, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher, pour fonder sa décision relative à la résistance abusive résultant de l'inexécution de ce jugement, si la société Franklin holding avait demandé l'exécution de l'ordonnance de référé et de l'arrêt la confirmant, dès lors que la non-exécution de ces décisions était sanctionnée par des dommages-intérêts différents de ceux critiqués par le moyen, a, en justifiant légalement sa décision, décidé que l'inexécution du jugement dont elle était saisie constituait une résistance abusive dont il résultait, pour la société Franklin holding, un préjudice dont elle a souverainement évalué la réparation ;
d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Sprovieri à une amende civile de ving mille francs envers le Trésor public ; le condamne, envers la société Franklin holding, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du cinq juillet mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.