REJET du pourvoi formé par :
- X... Bertrand,
- la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA), civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 12 mars 1993, qui, pour publicité illicite en faveur du tabac, a condamné le premier à 20 000 francs d'amende, a déclaré la seconde civilement responsable et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 8 et 12 de la loi du 9 juillet 1976 modifiée par la loi du 10 janvier 1991, 592 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bertrand X... coupable de publicités illicites en faveur du tabac et l'a condamné de ce chef à une amende de 20 000 francs dont le paiement incombe solidairement à la SEITA ;
" aux motifs qu'à la représentation photographique autorisée d'un paquet de cigarettes de la marque Lucky Strike et des cigarettes que l'ouverture de celui-ci permet d'apercevoir, étaient ajoutés, dans l'une de ces publicités, les mots " here comes the hard pack " et, dans les deux autres, les mots " light is light ", destinés à appeler l'attention du lecteur, dans un but incitatif évident, dans un cas sur l'avantage que l'on peut retirer de la rigidité du paquet, dans l'autre, sur la particulière légèreté du produit, et que de telles légendes ne rentraient manifestement pas dans les mentions autorisées que la loi énumère limitativement ;
" alors que ni la mention relative à la composition du produit " light is light " (léger, c'est léger), ni celle relative au confort de l'emballage " here comes the hard pack " (voici le paquet rigide) n'excèdent les limites de la publicité autorisée par la loi et qu'en déduisant de telles mentions que les publicités en cause étaient illicites, l'arrêt attaqué viole l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976 qui autorise toutes les mentions relatives à la composition et au conditionnement du produit ;
" que, de surcroît lesdites mentions, purement descriptives de la publicité autorisée par la loi, qu'il s'agisse de la composition ou du conditionnement du produit, n'avaient aucun autre caractère incitatif ou suggestif en faveur du tabac et qu'en qualifiant lesdites mentions de publicité illicite en faveur du tabac, l'arrêt attaqué viole de ce chef encore l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976 " ;
Attendu que Bertrand X... et la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA) qu'il dirige, sont poursuivis, la seconde comme civilement responsable, pour la parution dans la presse, en avril et juin 1991, d'une publicité illicite en faveur des cigarettes " Lucky Strike " ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'infraction à l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976, alors applicable, l'arrêt attaqué énonce que, dans le cas où elle est autorisée, la publicité en faveur du tabac ne peut comporter, aux termes de ce texte, d'autre mention que la dénomination du produit, sa composition, le nom et l'adresse du fabricant et, le cas échéant du distributeur, ni d'autre représentation graphique ou photographique que celle du produit, de son emballage et de l'emblème de la marque ; que la cour d'appel retient que la publicité incriminée, constituée par la représentation photographique d'un paquet de cigarettes " Lucky Strike ", est illicite dès lors qu'elle est accompagnée d'une mention en langue étrangère et de sa traduction " léger, c'est léger " ou " voici le paquet rigide " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le Comité national contre le tabagisme recevable en sa constitution de partie civile et fixé ses droits à réparation à la somme de 50 000 francs ;
" aux motifs qu'une telle constitution de partie civile était fondée dans son principe eu égard à l'objet social de la partie civile, association agréée pour la lutte contre le tabagisme et qu'eu égard aux éléments de preuve soumis à son examen le Tribunal avait fait une juste appréciation du préjudice résultant directement pour le Comité national contre le tabagisme des agissements répréhensibles de Bertrand X... ;
" alors que l'action civile est réservée à ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par l'infraction ; qu'ainsi l'arrêt attaqué qui, nonobstant l'absence de texte habilitant le Comité national contre le tabagisme à exercer les droits de la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues par la loi du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme, fixe la réparation du préjudice subi par ledit Comité en considération de son objet social et de sa qualité d'association agréée pour la lutte contre le tabagisme, ne caractérise l'existence d'aucun préjudice personnel et viole les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'en déclarant recevable et bien fondée, par les motifs repris au moyen, l'action civile du Comité national contre le tabagisme, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;
Qu'en effet, les associations dont l'objet statutaire comporte la lutte contre le tabagisme, régulièrement déclarées depuis au moins 5 ans à la date des faits, tiennent de l'article 18 de la loi du 9 juillet 1976 modifiée devenu l'article L. 355-32 du Code de la santé publique le pouvoir d'exercer les droits reconnus à la partie civile pour les infractions aux dispositions de cette loi ;
Que le moyen doit, dès lors, être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.