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29/06/1994 | FRANCE | N°92-15929;92-17763

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 29 juin 1994, 92-15929 et suivant


Joint les pourvois n°s 92-15.929 et 92-17.763 ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 92-17.763 :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 26 mai 1992), que, par acte notarié du 14 février 1985, la société Thomas Bessière et Cie (TB) a consenti une promesse de vente d'une propriété à la société Ingénierie médicale en socio-somatique (IMS), sous diverses conditions suspensives devant être réalisées dans le délai de 3 ans ; que, notamment, la formation de la vente était subordonnée au " non-exercice du droit de préemption par l'organisme bénéficiaire " ; qu

e le promettant conférait au notaire le pouvoir de faire, en son nom, toutes déclara...

Joint les pourvois n°s 92-15.929 et 92-17.763 ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 92-17.763 :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 26 mai 1992), que, par acte notarié du 14 février 1985, la société Thomas Bessière et Cie (TB) a consenti une promesse de vente d'une propriété à la société Ingénierie médicale en socio-somatique (IMS), sous diverses conditions suspensives devant être réalisées dans le délai de 3 ans ; que, notamment, la formation de la vente était subordonnée au " non-exercice du droit de préemption par l'organisme bénéficiaire " ; que le promettant conférait au notaire le pouvoir de faire, en son nom, toutes déclarations d'intention d'aliéner utiles ; que, par acte du 18 novembre 1986, le notaire a notifié au maire de la commune une déclaration d'intention d'aliéner en omettant de reproduire les dispositions contractuelles relatives à l'indexation du prix et à ses modalités de paiement ; que, par courrier du 10 mars 1987, le maire a fait connaître que la commune n'entendait pas exercer son droit de préemption, mais qu'il a écrit, le 17 juin 1987, que cette renonciation ne pouvait valoir que pour le projet tel que décrit dans la déclaration d'intention d'aliéner qui modifiait les conditions de la vente, ce qui justifiait la notification d'une nouvelle déclaration ; que, par délibération du 8 juillet 1987, le conseil municipal a émis le souhait de faire valoir son droit de préemption si une nouvelle déclaration d'intention d'aliéner venait à être établie ; que, le 3 août 1987, la société IMS s'est substituée la société Hélianthalis dans le bénéfice de la promesse de vente ; que la société substituée a notifié en même temps la levée d'option au promettant ; que les cocontractants et l'office notarial n'étant pas parvenus à régulariser une nouvelle déclaration d'intention d'aliéner, la société Hélianthalis a assigné la société TB en régularisation de la vente et a réclamé subsidiairement la condamnation, tant de la société TB que de la société civile professionnelle (SCP) de notaires, à lui payer des dommages-intérêts en réparation de son préjudice ; que la SCP notariale a été appelée en garantie par la société TB ;

Attendu que la SCP notariale Chardon-Tarrade fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une indemnité à la société TB, alors, selon le moyen, qu'il ressortait ainsi des propres constatations de l'arrêt attaqué que la véritable cause d'échec de l'opération initiale résidait non dans la faute du notaire, qui n'avait pas influencé le consentement de la mairie mais " dans l'incapacité des promoteurs... à mettre en oeuvre un programme cohérent ", de sorte qu'en retenant la responsabilité du notaire pour un préjudice qui ne résultait pas directement de sa faute mais de celle des promoteurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que la déclaration d'intention d'aliéner du 18 novembre 1986 était entachée de telles irrégularités substantielles par rapport aux indications de l'acte de cession, qu'elle était insusceptible de faire courir le délai d'exercice du droit de préemption, et que, si cette déclaration avait été conforme aux exigences, la transaction envisagée aurait pu se réaliser à terme puisque la condition essentielle tenant au non-exercice du droit de préemption aurait été irrévocablement remplie, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la société TB pouvait se prévaloir d'un dommage direct et certain résultant de l'envoi d'une déclaration d'intention d'aliéner irrégulière en son nom par le notaire, permettant ainsi à la commune de reconsidérer définitivement sa position et compromettant ainsi directement les chances des cocontractants de voir se réaliser l'opération projetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi n° 92-15.929 :

Vu l'article 1178 du Code civil, ensemble l'article 1998 du même Code ;

Attendu que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ;

Attendu que, pour débouter la société Helianthalis de sa demande en réalisation de la vente, l'arrêt retient que si la déclaration d'intention d'aliéner déposée par la SCP notariale Chardon-Tarrade avait été conforme aux exigences, la transaction envisagée entre les sociétés " TB " et " IMS " aurait pu se réaliser à terme, puisque la condition essentielle tenant au non-exercice du droit de préemption aurait été irrévocablement remplie, que, cependant, par la seule faute du notaire, agissant comme déclarant en tant que mandataire des cocontractantes, la réponse positive, datée du 10 mars 1987, s'est trouvée dépourvue de toute valeur juridique ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que le notaire avait agi pour le compte de la société Thomas Bessière en exécution du mandat reçu de celle-ci, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

Et sur le deuxième moyen du pourvoi n° 92-15.929 :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que, pour débouter la société Helianthalis de son action en réparation dirigée contre le notaire et la société Thomas Bessière et Cie, l'arrêt retient que la substitution de la SCI Helianthalis à la société à responsabilité limitée IMS, assortie d'une levée d'option, n'est intervenue que le 3 août 1987, après revirement définitif et notoire de la commune, dès le 8 juillet 1987, quant à l'exercice du droit de préemption, qu'elle ne saurait prétendre avec pertinence avoir subi un dommage quelconque causé par la faute du notaire, dès lors qu'elle n'est intervenue dans l'opération qu'à une époque où la transaction originaire ne pouvait plus prospérer et où l'officier ministériel n'était plus en mesure de régulariser lui-même la situation ;

Qu'en statuant ainsi, tout en retenant que le notaire, qui avait délivré une déclaration d'intention d'aliéner entachée d'irrégularités substantielles ayant permis à la commune de reconsidérer sa position, avait compromis directement les chances des parties de voir se réaliser leur transaction, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi n° 92-15.929 :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a condamné la SCP notariale Chardon-Tarrade à payer une indemnité à la société Thomas-Bessière et Cie, l'arrêt rendu le 26 mai 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 92-15929;92-17763
Date de la décision : 29/06/1994
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Faute - Promesse de vente - Immeuble - Condition suspensive - Existence d'un droit de préemption - Déclaration d'intention d'aliéner - Irrégularité - Portée .

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Faute - Promesse de vente - Immeuble - Condition suspensive - Existence d'un droit de préemption - Obligation pour le notaire d'envoyer une déclaration d'aliéner régulière

VENTE - Promesse de vente - Immeuble - Condition suspensive - Existence d'un droit de préemption - Déclaration d'aliéner - Obligation pour le notaire d'envoyer une déclaration régulière - Manquement - Faute du notaire

URBANISME - Droit de préemption urbain - Promesse de vente - Notification à la commune - Déclaration d'intention d'aliéner - Régularité - Nécessité

La cour d'appel qui retient souverainement que la déclaration d'intention d'aliéner était entachée de telles irrégularités substantielles par rapport aux indications de l'acte de cession, qu'elle était insusceptible de faire courir le délai d'exercice du droit de préemption, et que, si cette déclaration avait été conforme aux exigences, la transaction envisagée aurait pu se réaliser à terme puisque la condition essentielle tenant au non-exercice du droit de préemption aurait été irrévocablement remplie, en déduit, à bon droit, que la société pouvait se prévaloir d'un dommage direct et certain résultant de l'envoi d'une déclaration d'intention d'aliéner irrégulière en son nom par le notaire, permettant ainsi à la commune de reconsidérer définitivement sa position et compromettant ainsi directement les chances des cocontractants de voir se réaliser l'opération projetée.


Références :

Code civil 1178, 1998, 1382

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 26 mai 1992

A RAPPROCHER : Chambre civile 1, 1993-03-17, Bulletin 1993, III, n° 115, p. 77 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 29 jui. 1994, pourvoi n°92-15929;92-17763, Bull. civ. 1994 III N° 138 p. 86
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 III N° 138 p. 86

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Beauvois .
Avocat général : Avocat général : M. Baechlin.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Giannotti.
Avocat(s) : Avocats : la SCP de Chaisemartin et Courjon, Mme Baraduc-Bénabent, la SCP Boré et Xavier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.15929
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