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21/06/1994 | FRANCE | N°92-16197

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 juin 1994, 92-16197


Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, que la société Comptoir nouveau de la parfumerie Parfums Hermès (société Hermès) et la Société française de soins et de parfums (la société FSP) ont obtenu, le 7 mars 1985, une ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Poitiers faisant interdiction à la société Rocadis, exploitant un centre distribution Leclercq, de mettre en vente les produits de parfumerie fabriqués et vendus par elles ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 1108 et 1134 du C

ode civil ;

Attendu que, pour infirmer cette ordonnance, l'arrêt attaqué retient ...

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, que la société Comptoir nouveau de la parfumerie Parfums Hermès (société Hermès) et la Société française de soins et de parfums (la société FSP) ont obtenu, le 7 mars 1985, une ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Poitiers faisant interdiction à la société Rocadis, exploitant un centre distribution Leclercq, de mettre en vente les produits de parfumerie fabriqués et vendus par elles ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 1108 et 1134 du Code civil ;

Attendu que, pour infirmer cette ordonnance, l'arrêt attaqué retient que le fait même que la société Rocadis ait pu s'approvisionner en parfums met sérieusement en doute l'étanchéité des réseaux de distribution sélective des sociétés Hermès et FSP ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors, que les sociétés Hermès et FSP faisaient valoir qu'elles étaient liées avec leurs revendeurs par des contrats faisant interdiction à ces derniers de vendre en dehors des réseaux agréés et que le fait, retenu par l'arrêt, que la société Rocadis ait pu s'approvisionner en parfums litigieux n'était pas de nature à démontrer, à lui seul, l'illicéité du réseau de distribution sélective des sociétés Hermès et de FSP, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 85 du Traité instituant la Communauté européenne ;

Attendu que, pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient également qu'il est difficile d'admettre que la vente des parfums dans des points de distribution volontairement limités en nombre dans des quartiers urbains bien précis, et avec un service particulier de conseil ou de démonstration dans un cadre luxueux puisse l'emporter sur la préoccupation économique essentielle des consommateurs de se les procurer au meilleur prix ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (arrêt du 25 octobre 1983, AEG contre Commission), " il existe des exigences légitimes, tel le maintien d'un commerce spécialisé capable de fournir des prestations spécifiques pour des produits de haute qualité et technicité, qui justifient une réduction de la concurrence par les prix au bénéfice d'une concurrence portant sur d'autres éléments que les prix " et " les systèmes de distribution sélective constituent donc, du fait qu'ils visent à atteindre un résultat légitime, qui est de nature à améliorer la concurrence, là où celle-ci ne s'exerce pas seulement sur les prix, un élément de concurrence conforme à l'article 85, paragraphe 1 " du Traité instituant la Communauté économique européenne, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 873 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 44, alinéa 1er, de la loi du 27 décembre 1973 et l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que, pour écarter la responsabilité de la société Rocadis pour publicité trompeuse ou concurrence déloyale, l'arrêt retient que la société Rocadis était étrangère à l'apposition sur les emballages des parfums de la mention selon laquelle ils ne pouvaient être vendus que par des distributeurs agréés ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une telle mention non démentie par le vendeur était de nature à faire croire à la clientèle que la société Rocadis avait la qualité de distributeur agréé des sociétés Hermes et FSP, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mai 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 92-16197
Date de la décision : 21/06/1994
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° VENTE - Vente commerciale - Distribution sélective - Licéité - Preuve - Doute sur l'étanchéité du réseau (non).

1° Ne donne pas de base légale à sa décision rejetant la demande d'interdiction de vente présentée à l'encontre d'un tiers à un réseau de distribution sélective la cour d'appel qui retient que le fait même que ce tiers ait pu s'approvisionner en ces produits met sérieusement en doute l'étanchéité du réseau de distribution sélective, alors que le titulaire du réseau faisait valoir qu'il était lié avec ses revendeurs par des contrats faisant interdiction à ces derniers de vendre en dehors des réseaux agréés et que le fait que le tiers ait pu s'approvisionner n'était pas de nature à démontrer, à lui seul, l'illicéité du réseau de distribution sélective.

2° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Libre concurrence - Articles 85 et 86 du traité de Rome - Article 85 - paragraphe 1er - Accords visés - Vente - Distribution sélective - Objectif d'un résultat légitime.

2° Ne donne pas de base légale à cette même décision la cour d'appel qui retient qu'il est difficile d'admettre que la vente des parfums dans des points de distribution volontairement limités en nombre dans des quartiers urbains bien précis, et avec un service particulier de conseil ou de démonstration dans un cadre luxueux puisse l'emporter sur la préoccupation économique essentielle des consommateurs de se les procurer au meilleur prix alors que, selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (arrêt du 25 octobre 1983, AEG contre Commission), " il existe des exigences légitimes, tel le maintien d'un commerce spécialisé capable de fournir des prestations spécifiques pour des produits de haute qualité et technicité, qui justifient une réduction de la concurrence par les prix au bénéfice d'une concurrence portant sur d'autres éléments que les prix " et " les systèmes de distribution sélective constituent donc, du fait qu'ils visent à atteindre un résultat légitime, qui est de nature à améliorer la concurrence, là où celle-ci ne s'exerce pas seulement sur les prix, un élément de concurrence conforme à l'article 85, paragraphe 1 " du traité instituant la Communauté économique européenne.

3° VENTE - Vente commerciale - Distribution sélective - Commercialisation d'un produit par un distributeur non agréé - Concurrence déloyale - Condition.

3° VENTE - Vente commerciale - Distribution sélective - Commercialisation d'un produit par un distributeur non agréé - Publicité trompeuse - Condition.

3° La mention non démentie par le vendeur selon laquelle les produits ne peuvent être vendus que par des distributeurs agréés est de nature à faire croire à la clientèle que le tiers vendeur avait la qualité de distributeur agréé ; la vente dans de telles circonstances constitue des actes de publicité trompeuse et de concurrence déloyale.


Références :

1° :
2° :
Code civil 1108, 1134
traité de Rome du 25 mars 1957 art. 85 Par. 1, art. 86

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 13 mai 1992

A RAPPROCHER : (1°). Chambre commerciale, 1992-10-27, Bulletin 1992, IV, n° 332 (1), p. 235 (rejet), et les arrêts cités. A RAPPROCHER : (3°). Chambre commerciale, 1992-10-27, Bulletin 1992, IV, n° 322 (2), p. 229 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 jui. 1994, pourvoi n°92-16197, Bull. civ. 1994 IV N° 235 p. 184
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 IV N° 235 p. 184

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Huglo.
Avocat(s) : Avocats : Mme Thomas-Raquin, la SCP Tiffreau et Thouin-Palat.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.16197
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