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08/06/1994 | FRANCE | N°92-13222

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 08 juin 1994, 92-13222


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société SELF (Société électrique pour la lumière et la force), dont le siège social est ... à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) ci-devant, et actuellement ... (Hauts-de-Seine), en cassation d'un arrêt rendu le 30 janvier 1992 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), au profit :

1 / du groupement d'intérêt économique (GIE) Dragages Ports, dont le siège social est ... (Yvelines),

2 / de M. X..., demeurant ... (Seine-Mar

itime), pris en sa qualité de mandataire-liquidateur de la société Chantiers de Norman...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société SELF (Société électrique pour la lumière et la force), dont le siège social est ... à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) ci-devant, et actuellement ... (Hauts-de-Seine), en cassation d'un arrêt rendu le 30 janvier 1992 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), au profit :

1 / du groupement d'intérêt économique (GIE) Dragages Ports, dont le siège social est ... (Yvelines),

2 / de M. X..., demeurant ... (Seine-Maritime), pris en sa qualité de mandataire-liquidateur de la société Chantiers de Normandie, défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 3 mai 1994, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Villien, conseiller rapporteur, MM. Douvreleur, Capoulade, Deville, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, conseillers, Mme Cobert, M. Chapron, conseillers référendaires, M. Vernette, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Villien, les observations de Me Choucroy, avocat de la société SELF, de la SCP Gatineau, avocat du GIE Dragages Ports, les conclusions de M. Vernette, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier et le deuxième moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 janvier 1992), que la Société électrique pour la lumière et la force (SELF) a, en qualité de sous-traitant de la société Chantiers de Normandie, réalisé l'installation électrique complète sur une drague dont la construction avait été commandée à cette dernière société par le groupement d'intérêt économique Dragages Ports (GIE) ;

qu'après avoir, le 8 octobre 1986, adressé au maître de l'ouvrage une lettre recommandée avec avis de réception, par laquelle elle lui faisait part de la crainte de l'entrepreneur principal de ne pouvoir régler le solde de ses factures et à laquelle elle avait joint une lettre adressée à l'entrepreneur principal pour lui demander de faire accepter par le maître de l'ouvrage le principe de son paiement direct et de conclure un avenant dans ce sens, la société SELF a, le 4 décembre 1986, après mise en redressement judiciaire de la société Chantiers de Normandie, prononcée le 4 novembre 1986, demandé au maître de l'ouvrage de ne pas se dessaisir des sommes dues à l'entrepreneur principal et a indiqué le montant du solde de sa créance ; que, n'ayant pas obtenu paiement, elle a exercé l'action directe en se fondant sur sa qualité de sous-traitant acceptée tacitement ;

Attendu que la société SELF fait grief à l'arrêt de la débouter de cette action, alors, selon le moyen, "1 ) qu'il résulte des constatations de l'arrêt, d'une part, qu'après que le sous-traitant ait pris l'initiative de faire connaître son existence, le maître de l'ouvrage n'avait pas contesté la qualité de sous-traitant de la société SELF et la connaissance qu'il pouvait avoir de son rôle dans le processus de construction du navire, qu'il avait bien évidemment usé de son droit contractuel de contrôler et surveiller l'exécution du marché et qu'à cette occasion, il n'avait pu ignorer la présence du sous-traitant ; d'autre part, que le maître de l'ouvrage ne contestait pas avoir reçu de l'entrepreneur un état des situations de paiements faits aux sous-traitants ; que ces constatations caractérisent l'acceptation du sous-traitant et l'agrément des conditions de paiement par le maître de l'ouvrage, si bien que la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 ; 2 ) que l'action directe du sous-traitant suppose seulement acceptation du sous-traitant et agrément des conditions de paiement ; qu'ainsi, en écartant l'acceptation tacite aux motifs de l'absence de communication préalable des plans du sous-traitant au maître de l'ouvrage et de l'absence de mention du nom du sous-traitant aux réunions de chantier, la cour d'appel a ajouté aux conditions de l'action directe du sous-traitant des conditions non prévues par la loi, violant l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 ; 3 ) que, comme l'avait relevé le Tribunal à l'appui de sa décision, le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés passés par le GIE Dragages Ports disposait que le silence gardé par le groupement pendant vingt et un jours à la suite d'une demande d'acceptation du sous-traitant équivalait à un accord ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui, tout en constatant que l'initiative prise par le sous-traitant de faire connaître son existence par lettre du 8 octobre 1986 n'était pas exclue par les dispositions légales, n'a opposé aucune réfutation aux motifs du jugement, qui avaient constaté que le silence gardé par le maître de l'ouvrage à la suite de l'initiative du sous-traitant valait contractuellement acceptation, a entaché sa décision d'un défaut de réponse aux conclusions, violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;

Mais attendu, d'une part, que l'acceptation tacite ne pouvant résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté du maître de l'ouvrage d'accepter le sous-traitant, la cour d'appel, qui a relevé que le GIE Dragages Ports n'avait contesté, ni après la lettre du 8 octobre 1986, ni après le 4 décembre 1986, date d'introduction de l'action directe, la qualité de sous-traitant de la société SELF et la connaissance qu'elle pouvait avoir dans le processus de construction du navire, qu'elle n'avait pu, lors du contrôle de l'exécution du marché, ignorer la présence du sous-traitant et qu'elle ne contestait pas avoir reçu de l'entrepreneur un état des situations de paiements faits aux sous-traitants, en a exactement déduit, sans ajouter aux conditions de l'action directe du sous-traitant des conditions non prévues par la loi, que le comportement du GIE Dragages Ports ne pouvait constituer l'acceptation tacite de la société SELF comme sous-traitant ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que, par la lettre du 8 octobre 1986, la société SELF avait seulement pris l'initiative de faire connaître son existence au maître de l'ouvrage, et que cette lettre ne constituait pas une demande d'acceptation du sous-traitant présentée par l'entrepreneur principal, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société SELF fait grief à l'arrêt de la débouter de son action directe, alors, selon le moyen, "1 ) que, dès lors que la société SELF avait produit l'échéancier des facturations et paiements établissant l'existence de règlements importants au titre du marché postérieurement à la mise en demeure du 4 décembre 1986, il appartenait au GIE Dragages Ports de contester la portée de cet échéancier et des factures produites, et d'établir que ces factures concernaient des travaux effectués après la mise en demeure et le redressement judiciaire, si bien qu'en faisant profiter le doute sur les travaux réglés au GIE Dragages Ports, qui avait la charge de la preuve et qui seul pouvait établir le détail des factures, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ; 2 ) qu'en ne recherchant pas, comme l'y invitait la société, si les paiements faits, par application du cahier des clauses administratives particulières, après réception de l'ouvrage et expiration de la période de garantie, qui soldaient l'ensemble du marché et concernaient donc des travaux effectués avant le redressement judiciaire, n'avaient pas été faits en méconnaissance des effets de la mise en demeure du 4 décembre 1986 et de l'action directe du sous-traitant, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse aux conclusions, violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 3 et 12 de la loi du 31 décembre 1975" ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu qu'il n'était pas établi que les travaux facturés en février et mars 1987 avaient été effectués avant la notification de la demande de paiement direct et avant la mise en redressement judiciaire de l'entrepreneur principal et constaté qu'à la date du 4 décembre 1986, le maître de l'ouvrage avait intégralement payé les factures émises antérieurement à ce redressement judiciaire au titre des travaux exécutés, la cour d'appel a, sans inverser la charge de la preuve, répondu aux conclusions et légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la société SELF fait grief à l'arrêt de la débouter de son action directe, alors, selon le moyen, "qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le GIE Dragages Ports avait connu -et n'avait pas contesté- la qualité de sous-traitant de la société SELF, en particulier après la lettre du 8 octobre 1986, à une époque où l'entrepreneur n'était pas en redressement judiciaire et où le sous-traitant pouvait être agréé, si bien que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du Code civil" ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société SELF n'avait saisi le GIE Dragages Ports d'une demande de paiement direct en qualité de sous-traitant qu'après la mise en redressement judiciaire de la société Chantiers de Normandie et que la demande d'acceptation du sous-traitant ne pouvait plus être faite par l'administrateur judiciaire, sous peine de rompre l'égalité entre les créanciers, la cour d'appel a pu retenir qu'il ne pouvait être reproché au maître de l'ouvrage d'avoir négligé de mettre en demeure l'entrepreneur principal de régulariser sa situation vis-à -vis du sous-traitant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société SELF, envers le GIE Dragages Ports et M. X..., ès qualités, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du huit juin mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 92-13222
Date de la décision : 08/06/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (13e chambre), 30 janvier 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 08 jui. 1994, pourvoi n°92-13222


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEAUVOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.13222
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