AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société des Etablissements MPG, société anonyme dont le siège est ... au Havre (Seine-Maritime), en cassation d'un arrêt rendu le 11 juillet 1991 par la cour d'appel de Poitiers (Chambre civile, 1re section), au profit de :
1 / L'Amicale du personnel de l'hôpital de La Rochelle, groupement d'achats, dont le siège est au centre hospitalier de La Rochelle à La Rochelle (Seine-Maritime),
2 / M. X..., représentant des créanciers du redressement judiciaire de l'Amicale du personnel de l'hôpital de La Rochelle, demeurant ... (Seine-Maritime), défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 mars 1994, où étaient présents : M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Ancel, conseiller rapporteur, MM. Thierry, Renard-Payen, Lemontey, Chartier, Mme Gié, conseillers, M. Savatier, Mme Catry, conseillers référendaires, M. Lupi, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Ancel, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de la société des Etablissements MPG, de Me Vuitton, avocat de l'Amicale du personnel de l'hôpital de La Rochelle, les conclusions de M. Lupi, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, selon les juges du fond, la société des Etablissements MPG, qui pratique la vente sur catalogue par capitalisation, a remis à l'Amicale du personnel de l'hôpital de La Rochelle, agissant en qualité de groupement d'achats, un certain nombre de timbres, affectés d'une valeur de 4,35 francs chacun, destinés aux adhérents de l'amicale et leur permettant d'en faire l'acquisition pour constituer une épargne destinée à l'achat des produits proposés sur catalogue ; que la société MPG, faisant valoir que l'amicale ne lui avait pas réglé la valeur d'un certain nombre de timbres, l'a fait assigner en paiement d'une somme de 116 136,30 francs, ainsi qu'en dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société MPG fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en paiement, alors qu'elle avait relevé à la fois l'existence d'un contrat de dépôt et l'inexécution, par l'amicale, des obligations découlant pour elle de ce contrat ;
que la cour d'appel aurait, en outre, dénaturé les termes du litige, en énonçant que la société MPG ne pouvait fonder sa décision sur le fait que les livraisons n'avaient pas été faites, alors qu'elle constatait l'existence des ventes réalisées au profit des adhérents ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a retenu que les timbres n'étaient que l'instrument de capitalisation d'acomptes sur le paiement des marchandises distribuées par la société MPG, avec le concours de l'amicale en tant que groupement d'achats, et que la société MPG, qui ne justifiait d'aucune livraison sans contrepartie, ne disposait donc d'aucune créance à l'égard de l'amicale ;
que, par ces seuls motifs, la décision se trouve sur ce point légalement justifiée, la cour d'appel n'ayant pas retenu la qualification de dépôt invoquée par la première branche du moyen, ni méconnu les termes du litige ;
qu'en outre, elle a constaté que les ventes n'avaient pas pu se réaliser, ce qui rend inopérant le grief de la troisième branche ;
Que le moyen doit donc être écarté ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que, pour débouter la société MPG de sa demande de dommages-intérêts, la cour d'appel a énoncé que la défaillance de l'amicale dans le circuit commercial ne saurait constituer un titre à réparation, dès lors que ce groupement apparaissait dans le catalogue comme le correspondant, voire comme un responsable du réseau de vente ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la défaillance qu'elle constatait n'avait pas eu pour effet de provoquer un préjudice commercial, tel qu'il était invoqué par la société MPG, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société des Etablissements MPG de sa demande tendant à l'indemnisation d'un préjudice commercial, l'arrêt rendu le 11 juillet 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers autrement composée ;
REJETTE en conséquence la demande présentée par l'Amicale du personnel de l'hôpital de La Rochelle sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne l'Amicale du personnel de l'hôpital de La Rochelle, envers la société des Etablissements MPG, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Poitiers, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix-huit mai mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.