REJET des pourvois formés par :
- X... Jacques,
- Y... Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 15 janvier 1993, qui, pour escroqueries, les a condamnés chacun à 10 mois d'emprisonnement avec sursis, a dit que ces condamnations ne seraient pas mentionnées au bulletin n° 2 du casier judiciaire et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Jacques X... et pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques X... coupable d'escroquerie et l'a condamné à une peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'au paiement, solidairement avec Pierre Y..., d'une somme de 470 000 francs à la banque Sanpaolo ;
" aux motifs que Jacques X... n'a pas hésité à signer le 27 octobre 1988, soit postérieurement à la cessation des paiements fixée au 21 octobre 1988, un bordereau d'envoi en vue de la cession des créances à la banque Sanpaolo, mais en y portant une nouvelle date d'échéance ; que Jacques X..., président du conseil d'administration, n'ignorait pas la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise et ne saurait justifier, par sa seule négligence, l'établissement dudit bordereau ; qu'il reste sans incidence en la cause que les factures litigieuses aient été enregistrées en comptabilité et que Jacques X... ait pu bénéficier de découverts auprès d'autres organismes bancaires, alors que la banque Sanpaolo était le seul établissement auquel il n'avait pas accordé sa caution personnelle ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est bien pour se procurer la trésorerie qui faisait gravement défaut à la société Software Technologies que Pierre Y... et Jacques X... ont transmis sciemment à la banque de Sanpaolo des factures non causées et se sont ainsi rendus coupables du délit d'escroquerie qui leur est reproché ;
" alors, d'une part, que dans ses conclusions d'appel (p. 7) Jacques X... faisait valoir que c'est d'un commun accord avec la banque Sanpaolo que l'échéance initialement fixée dans le bordereau d'escompte avait été prorogée, ce qui excluait toute manoeuvre frauduleuse de la part du demandeur, la banque ayant été en effet tenue au courant des problèmes rencontrés par la société Software Technologies ; qu'en se bornant à constater que Jacques X... avait signé le bordereau d'escompte en portant une nouvelle date d'échéance, sans rechercher si l'acceptation de cette prorogation par la banque ne démontrait pas que cette dernière était consciente des difficultés traversées par la société Software Technologies, ce qui lui interdisait de prétendre que la remise des fonds à la suite de l'opération d'escompte n'avait pas été librement consentie, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, que la manoeuvre constitutive de l'escroquerie ne peut résulter du seul mensonge, écrit ou verbal, émanant de l'escroc lui-même, le mensonge devant être étayé et conforté par des éléments matériels extérieurs destinés à lui donner force et crédit ; qu'en condamnant Jacques X... au seul motif qu'il avait signé le bordereau d'envoi en connaissant la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise Software Technologies, sans relever aucun élément matériel extérieur à l'écrit, la cour d'appel n'a caractérisé aucune manoeuvre frauduleuse et a privé sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Pierre Y... et pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre Y... coupable d'escroquerie et l'a condamné à une peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'au paiement, solidairement avec Jacques X..., d'une somme de 470 000 francs à la banque Sanpaolo ;
" aux motifs que Pierre Y... a apposé sa signature sur les quatre factures ne correspondant à aucune commande réelle et n'étant justifiées par aucune livraison de marchandises, ainsi que sur les bordereaux d'envoi des 20 juillet 1988 et 8 août 1988 entraînant, au profit de la partie civile, la cession des créances correspondantes ; qu'il ne saurait arguer de sa seule négligence pour avoir omis de procéder à toute vérification de factures portant sur un matériel nouveau et d'un montant inhabituel pour l'entreprise, puisqu'elles excèdent, toutes, la somme de 100 000 francs, alors qu'en sa qualité de directeur financier, il avait nécessairement connaissance de la situation critique de la société Software Technologies, à la veille de son dépôt de bilan ; que c'est bien pour se procurer la trésorerie qui faisait gravement défaut à cette société, que Pierre Y... et Jacques X... ont transmis sciemment à la banque Sanpaolo des factures non causées et se sont ainsi rendus coupables du délit d'escroquerie qui leur est reproché ;
" 1° alors que Pierre Y... faisait valoir qu'il était tenu de vérifier, non la réalité du contenu des factures, mais l'existence effective de celles-ci et qu'il résultait des déclarations de la comptable que cette dernière avait établi les factures litigieuses au vu de bons de livraison ; qu'en se bornant, dès lors, à énoncer que Pierre Y..., qui avait nécessairement connaissance de la situation critique de la société, ne pouvait arguer de sa négligence consistant à avoir omis de procéder à toute vérification de factures portant sur un matériel nouveau et d'un montant inhabituel pour l'entreprise, sans répondre aux conclusions susvisées, ni préciser en quoi la connaissance des difficultés rencontrées par la société aurait dû conduire Pierre Y... à douter de l'existence des factures litigieuses, malgré un contrôle préalable effectué par la comptable, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 2° alors que la négligence consistant à avoir omis de vérifier les factures, cette négligence serait-elle fautive, ne saurait à elle seule permettre de déduire que Pierre Y... aurait transmis sciemment à la banque des factures non causées ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale ;
" 3° alors qu'en toute hypothèse de simples mensonges écrits ne constituent pas, en l'absence d'élément extérieur de nature à leur donner force et crédit, les manoeuvres frauduleuses au sens de l'article 405 du Code pénal ; qu'en déclarant Pierre Y... coupable d'escroquerie au seul motif qu'il avait apposé sa signature sur quatre factures non causées, ainsi que sur les bordereaux d'envoi entraînant la cession des créances correspondantes au profit de la banque, la cour d'appel a, en conséquence, violé les textes visés au moyen " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que la société Software Technologies, dont Jacques X... était le président du conseil d'administration et Pierre Y... le directeur administratif et financier, a cédé à plusieurs reprises à une banque, en vue de leur escompte par application de la loi du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises, des créances représentées par des factures dont quatre se sont avérées ne correspondre à aucune commande des destinataires des factures et à aucune livraison ;
Attendu que, pour déclarer Pierre Y... et Jacques X... coupables d'escroqueries, l'arrêt attaqué relève que chacun des deux prévenus a participé sciemment aux opérations ayant eu pour effet d'obtenir l'escompte par la banque des factures non causées, en vue de procurer de la trésorerie à leur société, qui était sur le point de déposer le bilan ; que le premier a apposé sa signature sur ces factures et sur les bordereaux de cession et que le second a signé un bordereau de cession des mêmes créances, comportant une nouvelle date d'échéance ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux articulations essentielles des conclusions dont elle était saisie et a souverainement apprécié l'intention frauduleuse des prévenus, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, les factures jointes à l'appui des bordereaux de cession de créances prévus par l'article 1er de la loi du 2 janvier 1981 étant des titres, l'utilisation, en connaissance de cause, de factures fictives pour obtenir par leur escompte une ouverture de crédit, constitue une escroquerie ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.