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29/03/1994 | FRANCE | N°92-12351

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 mars 1994, 92-12351


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société anonyme Signoles, dont le siège social est ... (Aude), en cassation d'un arrêt rendu le 16 octobre 1991 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre, section B), au profit de la société Levi Strauss et Co, société de droit de l'Etat du Delaware (Etats-Unis d'Amérique), dont le siège social est Levi's plaza, 1155 Battery street, ... Etats-Unis d'Amérique), défenderesse à la cassation ;

La demanderesse

invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au prése...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société anonyme Signoles, dont le siège social est ... (Aude), en cassation d'un arrêt rendu le 16 octobre 1991 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre, section B), au profit de la société Levi Strauss et Co, société de droit de l'Etat du Delaware (Etats-Unis d'Amérique), dont le siège social est Levi's plaza, 1155 Battery street, ... Etats-Unis d'Amérique), défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 8 février 1994, où étaient présents :

M. Bézard, président, M. Gomez, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Gomez, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de la société Signoles, de Me Thomas-Raquin, avocat de la société Levi Strauss et Co, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 octobre 1991), que la société Levi Strauss, titulaire de la marque 501, enregistrée sous le numéro 1.243.900, pour désigner un pantalon appelé "jean", et de la marque enregistrée sous le numéro 1.266.773, caractérisée par une surpiqûre double traversant horizontalement le milieu de la poche du pantalon avec la forme incurvée d'une aile de mouette, a assigné pour contrefaçon et imitation illicite la société Signoles qui fabrique et commercialise des "jeans" portant la marque Chipie ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société Signoles fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'imitation frauduleuse de la marque enregistrée sous le numéro 1.266.773, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la marque n'est susceptible de protection qu'à la condition qu'il y ait identité entre la marque et le signe et que le signe soit propre à distinguer les produits d'une société par rapport à ceux d'une autre ; qu'il ne saurait y avoir protection d'un signe qui n'est qu'un élément de la marque ;

qu'en l'espèce, la société Signoles avait fait valoir dans ses conclusions que la société Levi Strauss avait déposé plusieurs signes avant de déposer le signe "aile de mouette" ; que tous ces différents signes tendaient à donner aux poches des "jeans" Levi Strauss un dessin caractéristique ; qu'en considérant que le signe "aile de mouette" était identifiable à la marque et permettait à lui seul de distinguer les "jeans" Levi Strauss des "jeans" commercialisés par la société Signoles, sans rechercher si le signe "aile de mouette" était seul identifiable à la marque et ne s'insérait pas dans un faisceau de signes constituant, seuls, la marque des "jeans" vendus par Levi Strauss, la cour d'appel a privé

sa décision de base légale au regard de l'article 28 de la loi du 31 décembre 1964 et de l'article 2 de la directive n° 89/104 du Conseil des communautés en date du 21 décembre 1988 ;

alors, d'autre part, que, en toute hypothèse, l'imitation frauduleuse n'est caractérisée qu'à la condition que soit lui-même caractérisé le risque de confusion par l'acheteur des produits présents sur le marché ; que ce risque de confusion s'apprécie au regard de la connaissance de la marque litigieuse qu'ont les consommateurs sur le marché et de l'association qui est faite par les consommateurs entre la marque et tel produit spécifique commercialisé par une société déterminée ;

qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'action en imitation frauduleuse était fondée en se bornant à énoncer par voie de pure affirmation que la marque "aile de mouette" servait à distinguer les "jeans" Levi Strauss, lesquels avaient un rayonnement mondial ; qu'en statuant ainsi, sans relever que, sur le marché des consommateurs, la marque "aile de mouette" était connue et nécessairement associée aux "jeans" commercialisés par la société Levi Strauss, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 28 de la loi du 31 décembre 1964 et au regard de la directive n° 89/104 du conseil des communautés, en date du 21 décembre 1988 ; alors, au surplus, qu'il n'y a imitation frauduleuse d'une marque que si la comparaison des deux marques apposées fait ressortir une ressemblance d'ensemble patente, susceptible de créer la confusion chez l'acquéreur ; que les juges du fond ont donc l'obligation de comparer l'ensemble des signes figuratifs composant les marques et non une partie isolée de ces signes ; qu'en l'espèce, la marque "aile de mouette" déposée par la société Levi Strauss ne consistait pas seulement en un dessin de surpiqûre apposé sur les poches du "jean", mais en un ensemble de signes caractérisant une configuration de la poche qui différait de celle des "jeans" commercialisés par la société Signoles ; que, pour caractériser l'imitation frauduleuse, la cour d'appel s'est bornée à examiner le détail des surpiqûres des poches, sans prendre en considération le dessin d'ensemble des poches respectives ;

qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 28 de la loi du 31 décembre 1964 et de l'article 2 de la directive du conseil des communautés du 21 décembre 1988 ; alors, enfin, que, dans ses conclusions d'appel laissées sans réponse, la société Signoles avait fait valoir que la configuration de la poche du "jean" qu'elle commercialisait différait grandement de celle du "jean" Levi Strauss et qu'ainsi aucun risque de confusion n'existait pour l'acquéreur ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève que les surpiqûres placées sur les pantalons de la société Levi Strauss et sur ceux de la société Signoles sont doubles et placées au milieu de la poche, allant d'un côté à l'autre de celle-ci et épousant la même forme en arc de cercle, et retient que le signe utilisé par la société Signoles sur les vêtements commercialisés par elle reproduit les caractéristiques principales de la marque déposée par la société Levi Strauss et crée une impression d'ensemble susceptible de provoquer une confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine de ces marchandises ;

qu'à partir de ces constatations et de ces appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si la marque litigieuse dont la société Levi Strauss était titulaire devait, pour identifier les vêtements, être comparée avec l'ensemble des signes déposés au titre de marques par cette société et si ce signe était nécessairement associé aux produits commercialisés par cette dernière, et qui n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes relatives aux différences alléguées de la forme de la poche du vêtement, l'imitation s'appréciant par rapport aux ressemblances, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Signoles fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'imitation frauduleuse de la marque enregistrée sous le numéro 1.243.900, alors, selon le pourvoi, que doit être déclaré nul et ne peut donc être protégé le signe qui est dépourvu de tout caractère distinctif et ne peut donc constituer une marque ; qu'en l'espèce, le signe "501", dont protection est recherchée par la société Levi Strauss, ne contient aucun caractère distinctif permettant à l'acquéreur de savoir qu'il s'agit d'un "jean" ; qu'en accordant protection à ce signe, qui ne pouvait valablement constituer une marque, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 de la directive n° 89/104 prise par le conseil des communautés européennes le 21 décembre 1988 ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des conclusions que le moyen tiré de la nullité de la marque litigieuse ait été soutenu devant la cour d'appel ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ; d'où il suit que le moyen est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Signoles à payer à la société Levi Strauss la somme de 10 000 francs par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne la société Signoles, envers la société Levi Strauss et Co, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-neuf mars mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 92-12351
Date de la décision : 29/03/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

MARQUE DE FABRIQUE - Atteintes portées à la marque - Imitation frauduleuse - Appréciation par rapport aux ressemblances - Pantalons "jeans".


Références :

Loi 64-1360 du 31 décembre 1964 art. 28

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 16 octobre 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 mar. 1994, pourvoi n°92-12351


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.12351
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