AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Jean Y...,
2 / Mme Jeanine Y..., son épouse, demeurant ensemble ... (Pyrénées-Atlantiques), en cassation d'un arrêt rendu le 8 octobre 1991 par la cour d'appel de Pau (2e chambre), au profit de :
1 / M. Jean-Paul X...,
2 / Mme X..., son épouse, née Pozo Pizarro, demeurant ensemble ... (Pyrénées-Atlantiques), défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 8 février 1994, où étaient présents :
M. Bézard, président, M. Lacan, conseiller référendaire rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Lacan, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat des époux Y..., de Me Baraduc-Benabent, avocat des époux X..., les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Pau, 8 octobre 1991) que, par acte du 27 décembre 1982, les époux Y... ont cédé aux époux X... un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie qu'ils exploitaient à Mauléon ; qu'une clause de non-rétablissement pendant dix ans était stipulée au profit des acquéreurs, laquelle réservait toutefois aux époux Y... le droit de continuer à exploiter un second fonds de boulangerie-pâtisserie situé dans la même ville, à charge pour eux d'acheter aux époux X... ou à leurs successeurs exclusivement le pain ordinaire et les pains spéciaux "aux conditions de remise en usage dans la profession" ; qu'à la suite du refus des époux X... de les faire bénéficier de remises plus importantes qu'auparavant, les époux Y... ont notifié à ces derniers, le 30 mars 1987, qu'ils cessaient de se fournir auprès d'eux ; qu'assignés en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de leur responsabilité contractuelle, ils ont invoqué l'évolution des usages professionnels de la boulangerie en matière de remises et les conditions plus avantageuses qui leur auraient été proposées par d'autres fournisseurs ;
Attendu que les époux Y... reprochent à l'arrêt de leur avoir imputé la rupture des relations contractuelles et de les avoir condamnés à payer aux époux X... des dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, que, dans un contrat synallagmatique, tel celui souscrit par les parties en 1982, et dont ressortait que la clause d'approvisionnement réciproque impliquait le bénéfice d'un traitement préférentiel par rapport aux conditions de fourniture de la concurrence ordinaire, l'interdépendance des obligations ouvre le droit à l'une des parties de ne pas exécuter son engagement de s'approvisionner tant que l'autre n'a pas satisfait à son obligation de lui maintenir le traitement préférentiel convenu, peu important que la référence dans le contrat à des usages dans la profession se révèle inappropriée ; qu'en s'abstenant de toute recherche, malgré la difficulté survenue au début de 1987, sur les remises devant accompagner les fournitures à livrer par les époux X..., l'arrêt infirmatif, qui aboutit à priver les époux Y... du bénéfice de l'interdépendance d'obligations réciproques, expressément stipulées dans l'acte notarié, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1184 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé l'absence de contestation entre les parties, jusqu'à la rupture des relations contractuelles, concernant le taux des remises pratiquées par les époux X... et qui constituaient la contrepartie de l'obligation des époux Y... de se fournir chez eux, la cour d'appel a énoncé à juste titre qu'il appartenait aux bénéficiaires de ces remises d'apporter la preuve des modifications dont ils se prévalaient ; qu'ayant relevé que les factures produites n'étaient pas probantes, en l'absence d'éléments de comparaison concernant les quantités commandées, les modalités de livraison et de paiement ainsi que les reprises d'invendus, elle a fait la recherche qu'il lui est reproché d'avoir omise ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la demande d'indemnité formée par les époux X... au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que les époux X... sollicitent l'allocation d'une indemnité de 10 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il y a lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux Y..., envers les époux X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Les condamne également à payer aux époux X... la somme de 10 000 francs, exposée par ces derniers et non comprise dans les dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-neuf mars mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.