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16/03/1994 | FRANCE | N°91-16513

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 16 mars 1994, 91-16513


Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 18 avril 1991), que, propriétaires de parcelles incluses dans le territoire d'associations communales de chasse agréées en application de la loi du 10 juillet 1964 et, à ce titre, membres de droit de ces associations, M. X..., M. Z... et Mme Y... se sont opposés à cette adhésion et ont revendiqué leur qualité de tiers par rapport à ces associations, non tenus à l'apport de leur droit de chasse ;

Attendu que M. X..., M. Z... et Mme Y... font grief Ã

  l'arrêt de rejeter leur demande en retenant que l'atteinte, par la loi, au...

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 18 avril 1991), que, propriétaires de parcelles incluses dans le territoire d'associations communales de chasse agréées en application de la loi du 10 juillet 1964 et, à ce titre, membres de droit de ces associations, M. X..., M. Z... et Mme Y... se sont opposés à cette adhésion et ont revendiqué leur qualité de tiers par rapport à ces associations, non tenus à l'apport de leur droit de chasse ;

Attendu que M. X..., M. Z... et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en retenant que l'atteinte, par la loi, au droit de propriété était justifiée par l'intérêt général, alors, selon le moyen, 1°) que les atteintes portées par le législateur à l'exercice du droit de propriété ne demeurent compatibles avec le protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme que si la loi a pour objet de " réglementer l'usage des biens" conformément à l'intérêt général ; que le transfert du droit de chasse, attribut du droit de propriété, aux ACCA n'a d'autre justification, aux termes de la loi du 10 juillet 1964 (loi Verdeille), que de permettre à celles-ci de favoriser le développement du gibier, la répression du braconnage et de permettre aux chasseurs un meilleur exercice de leur sport ; que la loi Verdeille ne comporte aucune disposition destinée à assurer la protection de la faune sauvage et de la nature, patrimoine commun de l'humanité ; que l'objectif visé par le législateur n'est donc pas d'utilité publique et n'est conforme qu'à l'intérêt des chasseurs à l'exclusion de l'intérêt général ; qu'en énonçant, néanmoins, que l'interdiction faite aux propriétaires soumis à la loi Verdeille de s'opposer à l'exercice par autrui de la chasse sur leur propriété n'était pas incompatible avec la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a violé l'article 1er du protocole additionnel à ladite convention ; 2°) que la constitution des ACCA n'est obligatoire que dans vingt-huit départements sur quatre-vingt-quinze ; que, dans ces départements, seuls les propriétaires de terres d'un seul tenant inférieur à vingt hectares sont soumis au transfert du droit de chasse aux ACCA ; que ces limites au champ d'application de la loi du 10 juillet 1964 démontrent que l'atteinte apportée à l'exercice du droit de propriété n'est pas justifiée par l'intérêt général ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ; 3°) que la jouissance du droit de propriété doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur la fortune ; que la loi du 10 juillet 1964 n'accorde qu'aux propriétaires d'un domaine d'une superficie minimum de vingt hectares d'un seul tenant le droit de s'opposer à l'apport de leur droit de chasse à une ACCA ; que la cour d'appel ne pouvait, dès lors, déclarer que la loi du 10 juillet 1964 était compatible avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme sans violer ladite Convention ;

Mais attendu que les dispositions de l'article 1 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales reconnaissant aux Etats le droit de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général et la cour d'appel ayant retenu, d'une part, que les dispositions de la loi du 10 juillet 1964 étaient relatives aussi bien à la protection de l'environnement et de la faune contre la chasse sauvage, les dégradations de toutes sortes ou une gestion anarchique, qu'à l'organisation et à la réglementation du sport lui-même et, d'autre part, que le regroupement de petites propriétés en des territoires de chasse suffisants et, de ce fait, en mesure d'offrir au plus grand nombre l'accès à des loisirs qui ne pourraient autrement que demeurer réservés aux possesseurs d'un patrimoine foncier important, prive de tout fondement le grief d'une discrimination par la fortune, le moyen n'est pas fondé de ce chef ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatrième et cinquième branches :

Attendu que M. X..., M. Z... et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes en retenant que la loi de 1964 ne porte pas atteinte à la liberté d'association garantie par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors, selon le moyen, d'une part, que l'adhésion forcée à une association de chasse, dont l'objet est l'organisation et le développement de l'activité cynégétique de ses membres, d'un propriétaire foncier qui est par conviction hostile à la chasse comporte une atteinte grave aux principes de la liberté d'association et de la liberté de pensée et d'opinion garantie par la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 9, 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l'homme ; d'autre part, que l'adhésion forcée d'un opposant à la chasse à une association destinée à organiser, développer et promouvoir ce sport n'est en rien justifiée par l'intérêt public ou par les nécessités de protection des droits et libertés d'autrui ; que la cour d'appel a estimé, néanmoins, que l'adhésion forcée n'était pas génératrice d'entrave à la liberté d'association, dès lors que cette adhésion n'emportait aucune obligation à la charge du propriétaire concerné ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'il n'était mis aucune obligation à la charge des membres de droit que sont les propriétaires ayant apporté leurs terrains à l'association, à l'égard desquels n'étaient prévues ni dispositions coercitives ni sanctions, que ces membres pouvaient participer à l'action de l'association ou s'en abstenir et que la mission de service public de l'association excluant tout rapport contractuel entre les adhérents, l'admission de droit et gratuitement des propriétaires tenus à apport n'était qu'une contrepartie de cet apport, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 91-16513
Date de la décision : 16/03/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Premier protocole additionnel - Article 1er - Réglementation de l'usage des biens - Droit de chasse - Associations communales et intercommunales de chasse agréées - Apport des droits de chasse - Loi du 10 juillet 1964 - Compatibilité.

1° CHASSE - Associations communales et intercommunales de chasse agréées - Apport des droits de chasse - Apport obligatoire - Compatibilité avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

1° Les dispositions de l'article 1 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales reconnaissant aux Etats le droit de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général, la cour d'appel qui a relevé, d'une part, que les dispositions de la loi du 10 juillet 1964 étaient relatives aussi bien à la protection de l'environnement et de la faune contre la chasse sauvage, les dégradations de toutes sortes ou une gestion anarchique, qu'à l'organisation et à la réglementation du sport lui-même et, d'autre part, que le regroupement de petites propriétés en des territoires de chasse suffisants et, de ce fait, en mesure d'offrir au plus grand nombre l'accès à des loisirs qui ne pourraient, autrement, que demeurer réservés aux possesseurs d'un patrimoine foncier important, a retenu que le grief d'une discrimination par la fortune n'était pas fondé et que l'atteinte portée par la loi au droit de propriété était justifiée par l'intérêt général.

2° CHASSE - Associations communales et intercommunales de chasse agréées - Membres - Propriétaire de droits de chasse ayant fait apport de ses droits - Obligations - Etendue.

2° Il n'est mis aucune obligation à la charge des membres de droit que sont les propriétaires ayant apporté leurs terrains à l'association communale de chasse.


Références :

1° :
Loi 64-696 du 10 juillet 1964

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 18 avril 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 16 mar. 1994, pourvoi n°91-16513, Bull. civ. 1994 III N° 55 p. 32
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 III N° 55 p. 32

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Beauvois .
Avocat général : Avocat général : M. Vernette.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Douvreleur.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Boré et Xavier, la SCP de Chaisemartin et Courjon.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:91.16513
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