AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. le receveur des impôts de Melun-Sénart, comptable chargé du recouvrement, domicilié en ses bureaux, cité administrative, Pré Chamblain (Seine-et-Marne), Melun, en cassation d'un arrêt rendu le 31 janvier 1992 par la cour d'appel de Paris (1e chambre, section B), au profit de M. Roland X..., demeurant ... (Seine-et-Marne), défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 janvier 1994, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Vigneron, conseiller rapporteur, M. Nicot, Mme Loreau, MM. Dumas, Gomez, Léonnet, conseillers, M. Lacan, Mme Geerssen, conseillers référendaires, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Vigneron, les observations de Me Foussard, avocat de M. le receveur des impôts de Melun-Sénart, de Me Cossa, avocat de M. X..., les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 267 du livre des procédures fiscales ;
Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société anonyme Maisons Cirif (la société) a été placée le 2 novembre 1982 en état de liquidation des biens ; que le comptable des impôts a produit sa créance le 26 janvier 1983 et que la procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif le 16 mai 1988 ; que, par assignation en date du 31 mars 1989, le receveur des impôts de Melun-Sénart a demandé qu'en application de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, M. X..., président du conseil d'administration de la société, soit déclaré solidairement responsable avec cette dernière des impôts dont elle était redevable ;
Attendu que, pour accueillir la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de l'administration, l'arrêt retient que, si la prescription quadriennale a été interrompue le 26 janvier 1983 par la production de la créance fiscale, la nouvelle prescription a commencé aussitôt à courir à l'égard de M. X... puisque "la suspension des poursuites individuelles prévue par l'article 35 de la loi du 13 juillet 1967 ne concerne pas les co-obligés du débiteur en liquidation des biens, et que le receveur des impôts est mal fondé à prétendre que jusqu'au jugement de clôture il aurait été dans l'impossibilité d'agir pour rechercher la responsabilité solidaire du dirigeant de la société débitrice" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la responsabilité solidaire prévue à l'encontre des dirigeants des sociétés n'est pas de droit, mais doit être prononcée par le juge, de sorte que M. X... n'était pas, pendant la durée de la procédure collective, co-débiteur de la société qu'il avait dirigée et que l'action ouverte au receveur des impôts pouvait être exercée contre lui tant que les poursuites tendant au recouvrement des créances fiscales n'étaient pas atteintes par la prescription, telle que fixée par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. X..., envers M. le receveur des impôts de Melun-Sénart, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du quinze mars mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.