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15/03/1994 | FRANCE | N°92-10840

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mars 1994, 92-10840


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Octave Y..., demeurant à Ballancourt-sur-Essonne (Essonne), ..., en cassation d'un arrêt rendu le 26 novembre 1991 par la cour d'appel de Paris (3e Chambre, Section A), au profit de M. Robert X..., demeurant à Choisel (Yvelines), ..., défendeur à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 25 janvier

1994, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Loreau, conseiller rapporteu...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Octave Y..., demeurant à Ballancourt-sur-Essonne (Essonne), ..., en cassation d'un arrêt rendu le 26 novembre 1991 par la cour d'appel de Paris (3e Chambre, Section A), au profit de M. Robert X..., demeurant à Choisel (Yvelines), ..., défendeur à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 25 janvier 1994, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Loreau, conseiller rapporteur, MM. Nicot, Vigneron, Leclercq, Dumas, Gomez, Léonnet, Poullain, conseillers, M. Lacan, Mme Geerssen, M. Huglo, conseillers référendaires, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Loreau, les observations de Me Choucroy, avocat de M. Y..., de Me Copper-Royer, avocat de M. X..., les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 1991), que, le 31 mars 1966, M. Y..., directeur général de la société Supermarchés 78, et M. Z..., directeur commercial, ont cédé chacun 300 actions de cette société à M.
X...
, président de son conseil d'administration "pour tenir compte... de l'activité déployée par lui en faveur de la société en vue d'augmenter son activité, notamment en lui procurant l'exploitation des supermarchés de Gif-sur-Yvette et de Cachan" ; que ce dernier s'est engagé à rétrocéder un certain nombre d'actions au cas où la société Supermarchés 78 n'obtiendrait pas l'exploitation du supermarché de Cachan ou si, l'ayant obtenu, elle cessait cette exploitation ou, encore, cessait l'exploitation du supermarché de Gif-sur-Yvette ;

que, le 21 mars 1970, M. Z... a renoncé à la rétrocession d'actions prévue ; que, le 16 avril 1970, M. Y... a accepté que l'accord de 1966 soit modifié en ce sens que le fonds de commerce de Cachan dont l'exploitation avait été arrêtée soit remplacé par le fonds de Villebon ; qu'en 1983, la société Supermarchés 78 a été absorbée par la société As-Eco ; qu'au mois de décembre 1987, la société Intermarché a racheté les actions de la société As-Eco ;

qu'en mars 1989, M. Y... a assigné M. X... aux fins d'obtenir l'exécution de la convention de rétrocession d'actions conclue le 31 mars 1966 en demandant paiement d'une certaine somme correspondant au prix des 15 840 actions de la société As-Eco qui, selon lui, s'étaient substituées aux 300 actions de la société Supermarchés 78 ; que M. Y... a été débouté de sa demande ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, sous prétexte d'interprétation de la clause de rétrocession d'actions, l'arrêt en a dénaturé les termes clairs et précis énonçant sans ambiguïté ou imprécision "que dans le cas où la société des Supermarchés 78 n'obtiendrait pas l'exploitation du supermarché de Cachan ou si, l'ayant obtenue, elle venait, pour quelque cause que ce soit, à cesser cette exploitation ou encore à cesser l'exploitation du supermarché de Gif-sur-Yvette, M. Robert X... devrait, ainsi qu'il s'y oblige expressément, consentir gratuitement la rétrocession et le transfert de 150 actions de la société Supermarchés 78 au profit de M. Octave Y... et de 150 autres actions au profit de M. André Z... lors de la cession (sic) d'exploitation de chacun des deux supermarchés précités" ;

qu'ainsi, l'engagement de rétrocession contracté par M. X... envers ses deux coassociés qui lui avaient cédé gratuitement chacun 300 actions sur celles leur appartenant dans la société des Supermarchés 78 pour avoir procuré à cette société l'exploitation de ces deux supermarchés avait pour seule condition d'application la cessation d'exploitation de l'un ou des deux supermarchés en question par la société des Supermarchés 78, quelle que soit la cause de cette cessation d'exploitation ; que l'arrêt a donc amputé la clause de sa portée générale explicite, tant en exigeant à tort que la cessation d'exploitation ait pour cause un échec de M. X... dans le développement de la société des Supermarchés 78 et dans le maintien en activité des supermarchés, qu'en excluant arbitrairement la cessation d'exploitation de ces supermarchés par la société des Supermarchés 78 du fait de la disparition de cette société ;

que l'arrêt a donc violé l'article 1134 du Code civil ;

alors, d'autre part, que les règles de la fusion par absorption de la société Supermarchés 78 par la société As-Eco ne pouvaient avoir pour effet de rendre caduc l'engagement de rétrocession de M. X... qui n'avait pas été consenti à l'égard de la société absorbée mais à l'égard de deux personnes physiques coassociées, en sorte que la disparition de cette personne morale constituait de plus fort la condition d'application de la rétrocession du fait même qu'elle était cause de la cessation d'exploitation des deux supermarchés en question par la société des Supermarchés 78, sans qu'importe que ces supermarchés soient restés dans le patrimoine de la société absorbante ; que l'arrêt a donc violé les articles 372-1 de la loi du 24 juillet 1966 et 1134 du Code civil ; alors, en outre, que l'arrêt a méconnu la loi de la convention du 31 mars 1966 qui établit une corrélation à cette date entre la cession gratuite par MM. Y... et Z... de 300 de leurs actions sur un capital de 4 000 actions et l'engagement de rétrocession du bénéficiaire de la moitié de ces actions lors de la cessation d'exploitation de chacun des deux supermarchés en question par la société des Supermarchés 78 ; qu'il s'ensuivait nécessairement que si ces deux supermarchés n'étaient plus exploités par cette société, la rétrocession devait être de la totalité des actions en question, en tenant compte des augmentations de capital correspondantes ;

que l'arrêt a donc violé l'article 1134 du Code civil ; et alors,

enfin, que l'arrêt a présumé la renonciation de M. Y... à se prévaloir de l'engagement de rétrocession d'actions de M. X... en raison de son prétendu silence lors de la fusion, bien que, ainsi que le rappelaient les conclusions, M. Y... ait toujours refusé de souscrire un acte de renonciation, comme l'avait fait M. Z..., et que le silence d'un cocontractant ne peut à lui seul emporter renonciation au bénéfice du contrat ; que l'arrêt a ainsi violé de plus fort l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'appréciation du sens et de la portée d'une convention sans reproduction inexacte de ses termes n'est pas susceptible d'être critiquée au moyen de griefs de dénaturation ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que la clause litigieuse prévoyait seulement la restitution des actions de la société Supermarchés 78, cette clause ne pouvant jouer que si cette société, qui cessait l'exploitation des fonds de commerce, continuait elle-même d'exister, tandis qu'au contraire, l'exploitation de ces fonds, transmis par voie de fusion à la société As-Eco, était poursuivie par la société absorbante, la cour d'appel a pu décider que la disparition de la société Supermarchés 78 avait rendu cette clause inapplicable ;

Attendu, en outre, que l'arrêt ayant retenu que les conditions d'application de la clause de rétrocession n'avaient jamais été réunies, le grief de la troisième branche est inopérant ;

Attendu, enfin, que l'arrêt n'a pas dit que le silence de M. Y... au moment de la fusion laissait présumer qu'il avait renoncé à se prévaloir de l'engagement de rétrocession souscrit par M. X..., mais que ce silence s'expliquait par le fait que les deux fonds litigieux avaient été transmis avec l'ensemble du patrimoine de la société Supermarchés 78 à la société As-Eco et avaient figuré comme élément des actifs de la société absorbée en fonction desquels avait été fixée la parité d'échange des titres de celle-ci avec la société absorbante, tandis que l'exploitation des fonds était poursuivie par cette dernière, ce dont il résultait que M. X... avait rempli son obligation de maintenir l'exploitation des fonds d'abord dans la société Supermarchés 78, puis dans la société As-Eco ; que le moyen manque en fait ;

Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Y... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. X... la somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'une cassation obtenue sur le premier moyen entraînera cassation de ce chef par voie de conséquence ; et alors, d'autre part, que l'arrêt n'a pas caractérisé l'abus de procédure, eu égard au fait qu'il a dû procéder lui-même à une interprétation laborieuse de la clause litigieuse par des motifs propres, sans tenir compte des erreurs d'interprétation commises par les premiers juges ; que l'arrêt a donc violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que le premier moyen a été déclaré non fondé ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient que M. Y... avait mis en oeuvre la clause d'un accord devenu sans portée eu égard aux circonstances, que cette action exprimait une volonté délibérée puisqu'introduite par la personne qui avait participé aux côtés de M. Delorozoy au développement de l'entreprise, en a retiré le bénéfice et savait mieux que quiconque la portée qu'en droit et en équité, la clause de rétrocession des actions devait avoir, que cette action a porté préjudice à M. X... qui, assumant des fonctions publiques importantes, s'était vu accuser à tort par une personne l'ayant côtoyé pendant de longues années, d'avoir manqué à ses engagements ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu décider que l'action introduite par M. Y... était abusive ;

Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli en ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y..., envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du quinze mars mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 92-10840
Date de la décision : 15/03/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (3e Chambre, Section A), 26 novembre 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 mar. 1994, pourvoi n°92-10840


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.10840
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