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15/03/1994 | FRANCE | N°91-13523

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mars 1994, 91-13523


Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 5 février 1991) que le 30 mai 1985, le président du tribunal de commerce de Nanterre a enjoint, sous astreinte, à la société Boulogne distribution, de cesser de mettre en vente, dans un magasin à l'enseigne Leclerc, des produits de la société Guy X... et de la société Lancôme, a ordonné une saisie et désigné un huissier pour rechercher d'autres points de vente ; que le 28 mai 1986, la cour d'appel de Versailles a confirmé cette décision ; que le 11 janvier 1989, la Cour de Cassation a cassé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devan

t la cour d'appel de Dijon ; que le 16 octobre 1990, la cour d'appel d...

Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 5 février 1991) que le 30 mai 1985, le président du tribunal de commerce de Nanterre a enjoint, sous astreinte, à la société Boulogne distribution, de cesser de mettre en vente, dans un magasin à l'enseigne Leclerc, des produits de la société Guy X... et de la société Lancôme, a ordonné une saisie et désigné un huissier pour rechercher d'autres points de vente ; que le 28 mai 1986, la cour d'appel de Versailles a confirmé cette décision ; que le 11 janvier 1989, la Cour de Cassation a cassé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Dijon ; que le 16 octobre 1990, la cour d'appel de Dijon a réformé l'ordonnance de référé du 30 mai 1985 en décidant qu'il ne pouvait pas être fait interdiction à la société Boulogne distribution de commercialiser les produits des sociétés Guy X... et Lancôme et a ordonné la mainlevée des mesures de saisie ; que cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi ; qu'entre temps, les sociétés Guy X... et Lancôme ont assigné la société Boulogne distribution au fond devant le tribunal de commerce de Nanterre ; que l'arrêt déféré, statuant sur l'appel formé contre cette décision, après avoir énoncé que l'arrêt de la cour d'appel de Dijon avait rendu lettre morte l'interdiction de vente prononcée par le président du tribunal de commerce en référé et qu'étaient non avenus les constats d'huissier dressés en exécution de cette ordonnance et de l'arrêt qui l'avait confirmé, a réformé le jugement en ce qu'il avait liquidé l'astreinte et l'a confirmé en ce qu'il avait ordonné saisie et confiscation des produits, enjoint cessation de la vente sous astreinte et condamné la société Boulogne distribution au paiement de dommages et intérêts ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 625 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu selon ce texte que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ;

Attendu que, par arrêt de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation (numéro 1725), rendu le 24 novembre 1992, l'arrêt de la cour d'appel de Dijon du 16 octobre 1990 a été cassé ; qu'en raison de cette cassation, il s'ensuit qu'en l'état, la saisie et la confiscation des produits et l'injonction de cessation de la mise en vente des produits sous astreinte ne sont pas possibles ; que l'arrêt rendu le 5 février 1991 par la cour d'appel de Versailles se trouve donc annulé par voie de conséquence de la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Dijon du 16 octobre 1990 en ce qu'il a réformé le jugement de référé qui avait prononcé la liquidation de l'astreinte, commis un huissier pour procéder à la saisie de documents et factures et ordonné publication ;

Sur le moyen unique pris en ses quatre branches du pourvoi principal :

Attendu que la société Boulogne distribution fait grief à l'arrêt de lui avoir ordonné de cesser la vente des produits litigieux et d'en avoir ordonné la saisie et la confiscation alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en ayant fondé sa décision sur ces motifs d'ordre général visant la licéité de principe du système de distribution sélective, sans avoir recherché en fait si les parfumeurs Lancôme et Guy X... avaient rapporté la preuve, qui leur incombait, de la réunion effective des conditions de licéité et d'étanchéité de leur réseau respectif, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, alors, d'autre part que, au surplus, en affirmant que le " détail de cette mise en oeuvre " des principes, gouvernant la licéité et l'étanchéité d'un réseau de distribution sélective, n'aurait " pas été en cause dans le présent débat ", tandis que le distributeur non agréé avait conclu qu'il incombait aux parfumeurs d'" apporter la preuve (...) des exigences formulées dans (leurs) contrats " (et que leur système de distribution sélective) repose sur des critères objectifs de caractère qualitatif, qu'il n'introduit aucune restriction quantitative injustifiée, qu'il ne comporte pas de clauses ayant un objet ou un effet anti-concurrentiel, que les conditions qui s'appliquent à la sélection des distributeurs agréés sont appliquées de manière non discriminatoire et uniforme et qu'elle n'a pas enfin la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie des produits en cause ", la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4, 5 et 7 du nouveau Code de procédure civile, 1134 du Code civil ; alors, en outre que, en ayant imputé une " faute délictuelle ", après avoir postulé l'irrégularité de l'acquisition des produits litigieux par le distributeur non agréé, après avoir constaté que ce dernier s'était " gardé de fournir les factures révélant ses sources d'approvisionnement ", la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; alors, enfin que, en ayant fondé sa décision sur ces motifs d'ordre affirmatif, sans avoir constaté en fait que les parfumeurs auraient rapporté la preuve, qui leur incombait, de l'irrégularité effective de l'acquisition des produits litigieux par le distributeur non agréé et sans laquelle ce dernier ne pouvait se voir imputer une " faute délictuelle " pour avoir revendu ces produits en marge des réseaux de distribution sélective, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, après avoir relevé que le contrat liant la société Lancôme et la société Guy X... aux distributeurs agréés était le contrat type approuvé après modification par la Direction générale de la Concurrence de la Commission des Communautés européennes, et que ce contrat avait pour finalité la mise en vente dans un environnement commercial mettant en valeur la qualité des produits commercialisés, a fait apparaître que la preuve avait été rapportée de la licéité du réseau de distribution sélective mis en oeuvre par les sociétés X... et Lancôme ;

Attendu, en second lieu, qu'après avoir constaté qu'il était constant que la société Boulogne distribution n'avait pas la qualité de distributeur agréé du réseau de distribution sélective et que la société Boulogne distribution avait refusé de révéler ses sources d'approvisionnement des produits commercialisés au mépris du réseau, et ayant souverainement estimé qu'il était ainsi prouvé que la société Boulogne distribution s'était approvisionnée auprès de distributeurs agréés ayant enfreint leurs obligations de membre du réseau de distribution sélective, la cour d'appel a pu décider que la mise en vente de produits obtenus dans de telles conditions était constitutive de concurrence déloyale ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal ;

DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi incident.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 91-13523
Date de la décision : 15/03/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° CASSATION - Cassation par voie de conséquence - Applications diverses - Vente - Cassation de l'arrêt l'autorisant - Annulation du second arrêt l'interdisant.

1° La cassation entraîne sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; l'arrêt de la Cour de Cassation rendu en 1992 ayant cassé l'arrêt d'une cour d'appel rendu en 1990 il s'ensuit que la saisie et la confiscation des produits et l'injonction de cessation de la mise en vente des produits sous astreinte ne sont pas possibles et l'arrêt rendu en 1991 par une autre cour d'appel se trouve annulé par voie de conséquence.

2° VENTE - Vente commerciale - Distribution sélective - Licéité - Appréciation - Contrat type approuvé par la Direction générale de la Concurrence - Mise en valeur de la qualité des produits.

2° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Vente - Distribution sélective - Licéité - Appréciation - Contrat type approuvé par la Direction générale de la Concurrence - Mise en valeur de la qualité des produits.

2° Une cour d'appel après avoir relevé que le contrat liant deux sociétés de parfums aux distributeurs agréés était le contrat type, approuvé après modification par la Direction générale de la Concurrence de la Commission des Communautés européennes, et que ce contrat avait pour finalité la mise en vente dans un environnement commercial mettant en valeur la qualité des produits commercialisés, a fait apparaître que la preuve avait été rapportée de la licéité du réseau de distribution sélective mis en oeuvre par les sociétés de parfums.

3° CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Faute - Contrat de distribution sélective - Vente par un tiers de produits faisant l'objet du contrat - Acquisition irrégulière des produits - Preuve - Refus de justifier leur provenance.

3° VENTE - Vente commerciale - Distribution sélective - Violation - Violation par un tiers - Tiers ayant agi sciemment au mépris du réseau de distribution sélective - Concurrence déloyale.

3° Une cour d'appel, après avoir constaté que le distributeur de parfums n'était pas agréé par le réseau de distribution sélective et qu'il avait refusé de révéler ses sources d'approvisionnement des produits commercialisés au mépris de ce réseau et ayant souverainement estimé qu'il était ainsi prouvé que le distributeur s'était approvisionné auprès de distributeurs agréés ayant enfreint leur obligation de membres du réseau de distribution sélective, a pu décider que la mise en vente de produits obtenus dans de telles conditions était constitutive de concurrence déloyale.


Références :

nouveau Code de procédure civile 625

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 05 février 1991

DANS LE MEME SENS : (3°). Chambre commerciale, 1992-10-27, Bulletin 1992, IV, n° 322 (1), p. 229 (rejet). A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1992-10-27, Bulletin 1992, IV, n° 332 (1), p. 235 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 mar. 1994, pourvoi n°91-13523, Bull. civ. 1994 IV N° 108 p. 83
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 IV N° 108 p. 83

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Curti.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Gomez.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Tiffreau et Thouin-Palat, M. Ryziger.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:91.13523
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