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14/03/1994 | FRANCE | N°93-80897

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 mars 1994, 93-80897


CASSATION sur les pourvois formés par :
- l'administration des Douanes et Droits indirects, partie poursuivante,
- X... Pierre,
- la société anonyme Transports X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 13e chambre, en date du 25 janvier 1993, qui, dans les poursuites exercées du chef d'infractions à la réglementation des contributions indirectes, a déclaré définitives les dispositions pénales du jugement et a condamné solidairement Pierre X... et la société X... à des pénalités fiscales ainsi qu'au paiement des droits fraudés, et dit n'y avoir li

eu à contrainte par corps.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la c...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- l'administration des Douanes et Droits indirects, partie poursuivante,
- X... Pierre,
- la société anonyme Transports X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 13e chambre, en date du 25 janvier 1993, qui, dans les poursuites exercées du chef d'infractions à la réglementation des contributions indirectes, a déclaré définitives les dispositions pénales du jugement et a condamné solidairement Pierre X... et la société X... à des pénalités fiscales ainsi qu'au paiement des droits fraudés, et dit n'y avoir lieu à contrainte par corps.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le second moyen de cassation proposé par Pierre X... et la société Transports X... et pris de la violation des articles L. 213, R. 226-1 et R. 226-2 du Livre des procédures fiscales, ensemble méconnaissance des droits de la défense, des exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale et de la prohibition des arrêts de règlement telle qu'elle s'évince de l'article 5 du Code civil :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de Pierre X... et de la société anonyme Transports X... tendant à voir dire nulles les poursuites diligentées par l'administration des Impôts, et ce sur le fondement des exigences de l'article L. 213 du Livre des procédures fiscales méconnues ;
" aux motifs que si la société anonyme Transports X... et Pierre X... concluent à la nullité des poursuites sur la base des dispositions précitées du Livre des procédures fiscales, que si l'article L. 212 du Livre des procédures fiscales prévoit la nullité des procès-verbaux rédigés en matière de contributions indirectes s'ils ne l'ont pas été par les seuls agents ayant pris une part personnelle et directe à la constatation des faits constituant l'infraction, ce texte ne fait en réalité que reprendre l'article 1863 du Code général des impôts, au sujet duquel deux arrêts de la chambre criminelle du 13 mai 1976 et 14 mai 1990 ont précisé qu'ils ne faisaient pas obstacle à ce que les agents des Impôts relatent dans un procès-verbal les constatations comme les leurs et ont puisé dans le dossier de l'information judiciaire tous les éléments de preuve propres à établir une infraction fiscale ;
" alors que, d'une part, la chambre criminelle ne peut rendre des arrêts de règlement ; qu'en écartant le moyen péremptoire avancé au prétexte de l'existence de deux décisions de ladite chambre qui seraient contraires à la thèse du contrevenant, la Cour viole les textes et le principe cités au moyen ;
" alors que, d'autre part, et en toute hypothèse l'article L. 213 du Livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la cause est extrêmement clair en ce qu'il dispose qu'en matière de contributions indirectes, les procès-verbaux sont nuls s'ils n'ont pas été rédigés par les seuls agents ayant pris une part personnelle et directe à la constatation des faits qui constituent l'infraction ; qu'en écartant le moyen tiré de la nullité de la poursuite engagée au motif général et abstrait que les agents des Impôts peuvent relater dans un procès-verbal les constatations d'agents d'autres services s'ils ne présentent pas ces constatations comme les leurs, la Cour viole les textes cités au moyen ;
" et alors qu'en l'état du dossier, ensemble des constatations de l'arrêt, on ne peut savoir qui a procédé aux constatations à la base des poursuites le 18 avril 1989, si bien que ce faisant le procès-verbal établi plus d'1 an après les faits, cependant qu'il ressort nécessairement des constatations de l'arrêt que le signataire dudit procès-verbal n'a pas été un agent de l'administration fiscale ayant procédé aux constatations du 18 avril 1989, ne pouvait en l'absence d'autres éléments nullement caractérisés en l'espèce, valablement saisir la juridiction ; qu'en jugeant différemment sur le fondement de motifs tout à la fois lapidaires et inopérants, la Cour viole de plus fort les textes cités au moyen " ;
Attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni du jugement ni d'aucunes conclusions de la société anonyme Transports X..., que celle-ci ait soulevé devant les premiers juges, avant tout débat au fond, la nullité du procès-verbal, base des poursuites ; que si la cour d'appel a cru devoir à tort répondre, pour les rejeter, aux conclusions de ladite société tendant à l'annulation de la procédure, le moyen qui reprend en son nom les mêmes griefs est irrecevable devant la Cour de Cassation en application de l'article 385 du Code de procédure pénale ;
Attendu, d'autre part, que pour rejeter l'exception de nullité régulièrement présentée en cause d'appel par Pierre X..., président de la société Transports X... au moment des faits, et tirée de ce que le procès-verbal du 31 mai 1990 n'avait pas été rédigé par les seuls agents des Contributions indirectes ayant pris une part personnelle et directe à la constatation, le 18 avril 1989, des faits de transport d'alcool sous couvert d'un titre de mouvement inapplicable, objet de la prévention, l'arrêt attaqué retient que l'article L. 213 du Livre des procédures fiscales ne fait pas obstacle à ce que les inspecteurs des Impôts relatent dans un procès-verbal des constatations d'agents d'autres services s'ils ne présentent pas ces constatations comme les leurs ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et abstraction faite de motifs surabondants, l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par Pierre X... et la société Transports X... et pris de la violation de l'article L. 235 du Livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble violation de l'article 509 du Code de procédure pénale, des règles et principes qui gouvernent l'effet dévolutif de l'appel :
" en ce que la Cour, déclarant statuer sur les seuls intérêts civils, a cru pouvoir constater le caractère définitif au plan pénal du jugement rendu par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence le 13 novembre 1991 et confirmer par voie de conséquence la déclaration de culpabilité des Transports X..., tout en relevant par ailleurs que Pierre X... ne pouvait plus faire l'objet d'une condamnation pénale ;
" alors que l'acte d'appel de l'Administration, conçu en termes généraux et ne contenant aucune limitation ou réserve, déférait à la Cour la cause dans son ensemble et lui faisait obligation de statuer, aussi bien sur l'action publique que sur l'action fiscale puisqu'en matière d'infraction au régime fiscal et économique de l'alcool, l'administration des Impôts est et ne peut être qu'une partie poursuivante ; qu'en croyant pouvoir se limiter à l'examen des intérêts civils, la Cour :
" méconnaît l'étendue de sa saisine et partant viole les textes et le principe cités au moyen ;
" viole de plus fort lesdits textes puisque l'administration des Impôts ne peut en la matière qu'être qu'une partie poursuivante et non une partie civile " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par l'administration des Douanes et Droits indirects et pris de la violation des articles 1791 du Code général des impôts, 509, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de condamner Pierre X..., président-directeur général de la société anonyme Transports X... au moment des faits, à l'amende prévue par l'article 1791 du Code général des impôts et refusé de reconsidérer, sur l'appel de l'Administration, le montant de l'amende fixée au minimum par les premiers juges, à l'encontre de la société anonyme Transports X... ;
" aux motifs que l'amende pénale a été définitivement fixée à 100 francs par le jugement du 13 novembre 1991 et que ce jugement a un caractère définitif au plan pénal ;
" alors que, premièrement, dès lors que la direction générale des Impôts avait frappé d'appel le jugement du 13 novembre 1991 et que cet appel n'était pas limité, la cour d'appel avait l'obligation de reconsidérer l'amende, qui est une sanction fiscale, infligée à la société Transports X..., afin d'en fixer le montant dans la limite prévue à l'article 1791 du Code général des impôts ; qu'en refusant d'exercer ce pouvoir, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;
" alors que, deuxièmement, ayant reconnu Pierre X... coupable des faits visés à la prévention, les juges du fond étaient tenus de lui infliger une amende ; qu'à cet égard encore, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des textes susvisés ;
" et alors que, troisièmement, le jugement du 13 novembre 1991 ne pouvait pas faire obstacle au prononcé d'une amende à l'encontre de Pierre X..., non seulement parce qu'il avait été frappé d'appel par l'administration fiscale, mais également parce que les premiers juges avaient condamné, non pas Pierre X..., mais Mme X... ; que, de ce point de vue encore, l'arrêt attaqué encourt la censure au regard des textes susvisés " ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par l'administration des Douanes et Droits indirects et pris de la violation des articles 473, 591 et 593, 749 à 762 du Code de procédure pénale, 1791 du Code général des impôts, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la contrainte par corps à l'encontre de Pierre X..., président-directeur général de la société Transports X... au moment des faits ;
" aux motifs que Pierre X..., qui ne peut plus faire l'objet d'une condamnation pénale, ne saurait se voir infliger la contrainte par corps sur la base des textes du Code de procédure pénale ;
" alors que l'Administration est en droit de demander la contrainte par corps dès lors qu'une infraction à la législation sur les contributions indirectes est constatée, et qu'en refusant de la prononcer à l'encontre de X... au motif juridiquement erroné que les dispositions pénales du jugement du 13 novembre 1991 étaient définitives, les juges du fond ont violé les textes susvisés " ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par l'administration des Douanes et Droits indirects et pris de la violation des articles 443, 445, 1791 et 1805 du Code général des impôts, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé des fins de la poursuite la société L'Héritier-Guyot et Roger Y..., son président-directeur général ;
" aux motifs que la société SCAB, acquéreur des bouteilles d'alcool litigieuses, a fait procéder elle-même à l'enlèvement des marchandises par la société Transports X... ; que contrairement aux apparences, on ne saurait considérer qu'il s'agit d'un fait unique, deux opérations successives ayant eu lieu, l'une, parfaitement régulière comprenant l'enlèvement des marchandises et leur transport dans les locaux de la société Transports X..., l'autre résultant certes d'un cas fortuit (panne de camion) mais irrégulière dans la mesure où une partie de la marchandise a été laissée en chemin sans que la déclaration rectificative nécessaire ait été faite auprès de l'administration des Impôts ; que la société anonyme L'Héritier-Guyot se trouvait à cet instant dépourvue de toute possibilité d'intervenir à quelque niveau que ce fût pour infléchir le cours des événements, un tel cas de force majeure devant avoir normalement pour effet d'aboutir à sa mise hors de cause ; que les dispositions ultimes de ce texte (article 1805, alinéa 2, du Code général des impôts) relatives à la découverte de l'auteur ne précisent aucunement qu'il est nécessaire d'avoir permis soi-même une telle découverte pour se voir exonérer de poursuites ; que la société L'Héritier-Guyot, dès lors que l'auteur effectif et en l'espèce exclusif de l'infraction est connu, pouvait légitimement et légalement prétendre se voir décharger de toute responsabilité ;
" alors que, premièrement, si l'auteur d'une infraction à la législation sur les contributions indirectes peut s'exonérer en cas de force majeure, c'est à la condition qu'il démontre, et que le juge constate, l'existence de circonstances de fait établissant que, par suite d'un événement imprévisible et insurmontable, le contrevenant n'a pu se conformer à la loi ; que les énonciations de l'arrêt ne mettant pas la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que tel a bien été le cas en l'espèce, les juges du fond ont entaché leur décision d'une insuffisance de motifs au regard des textes susvisés ;
" et alors que, deuxièmement, si l'article 1805 du Code général des impôts institue une excuse absolutoire qui fait obstacle au prononcé des sanctions pénales ou fiscales, c'est à la condition que le contrevenant établisse, et que le juge constate, les éléments constitutifs d'une infraction : vol, escroquerie ou abus de confiance ; qu'en s'abstenant de caractériser les éléments constitutifs de l'une de ces infractions, les juges du fond, qui n'ont pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, ont à nouveau entaché leur décision d'une insuffisance de motifs au regard des textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de l'article L. 235 du Livre des procédures fiscales que, hors le cas où une peine privative de liberté est encourue, il appartient exclusivement à l'administration fiscale de poursuivre devant les tribunaux les infractions aux lois sur les contributions indirectes ;
Qu'il s'ensuit que l'appel de cette partie poursuivante exercé sans limitation contre une décision n'ayant pas entièrement fait droit à ses demandes, défère à la cour d'appel la cause dans son ensemble ;
Attendu que saisie uniquement de l'appel de l'administration des Douanes et Droits indirects dans des poursuites fondées sur l'article 1791 du Code général des impôts, la juridiction du second degré, " constatant le caractère définitif au plan pénal du jugement rendu par le tribunal correctionnel " et qualifiant les prévenus de " défendeurs sur intérêts civils ", a confirmé la relaxe de la société L'Héritier-Guyot et de Pierre Y..., ainsi que la déclaration de culpabilité de la société des Transports X..., a augmenté les pénalités fiscales prononcées contre cette société et les a étendues solidairement à Pierre X..., tout en omettant de prononcer à leur encontre l'amende de 100 à 5 000 francs prévue par l'article 1791 du Code général des impôts et en disant n'y avoir lieu à contrainte par corps à l'égard de Pierre X..., au motif qu'il ne pouvait plus faire l'objet d'une condamnation pénale ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine et violé les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 25 janvier 1993 ;
Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble.


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Appel des administrations publiques - Administration des Impôts - Infraction non sanctionnée d'une peine privative de liberté - Effet dévolutif - Etendue.

IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Procédure - Action publique - Exercice - Administration des Impôts - Infraction non sanctionnée d'une peine privative de liberté

Il résulte de l'article L. 235 du Livre des procédures fiscales que, hors le cas où une peine privative de liberté est encourue, il appartient exclusivement à l'administration fiscale de poursuivre devant les tribunaux les infractions aux lois sur les contributions indirectes. (1). Il s'ensuit que l'appel de cette partie poursuivante exercé contre une décision n'ayant pas entièrement fait droit à ses conclusions défère à la cour d'appel la cause dans son ensemble. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, constatant à tort le caractère définitif du jugement au plan pénal, et qualifiant les prévenus de " défendeurs sur intérêts civils ", se prononce sur les pénalités fiscales, à l'exclusion de l'amende prévue par l'article 1791 du Code général des impôts et de la contrainte par corps.


Références :

CGI 1791
CGI L235 livre des procédures fiscales
Code de procédure pénale 509

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 25 janvier 1993

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1979-02-27, Bulletin criminel 1979, n° 86, p. 243 (rejet et cassation partielle).


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 14 mar. 1994, pourvoi n°93-80897, Bull. crim. criminel 1994 N° 95 p. 207
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1994 N° 95 p. 207
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Composition du Tribunal
Président : Président : M. Tacchella, conseiller doyen faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Amiel.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Culié.
Avocat(s) : Avocats : MM. Foussard, Blondel, Brouchot.

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 14/03/1994
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 93-80897
Numéro NOR : JURITEXT000007067147 ?
Numéro d'affaire : 93-80897
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;1994-03-14;93.80897 ?
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