La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/02/1994 | FRANCE | N°92-10706

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 février 1994, 92-10706


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Isy X..., exerçant le commerce sous la firme Galerie Brachot, demeurant à Bruxelles 1050 (Belgique), ..., en cassation d'un arrêt rendu le 24 octobre 1991 par la cour d'appel de Paris (5e Chambre, Section B), au profit :

1 ) de la société anonyme André Chenue et fils, dont le siège est ... (17e),

2 ) de la société Derenne art transport, dont le siège est ...,

3 ) de M. Adolfo Z..., exerçant le commer

ce sous la firme "Transportes Adolfo", ..., San Feliu de Guixols (Espagne),

4 ) de la soc...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Isy X..., exerçant le commerce sous la firme Galerie Brachot, demeurant à Bruxelles 1050 (Belgique), ..., en cassation d'un arrêt rendu le 24 octobre 1991 par la cour d'appel de Paris (5e Chambre, Section B), au profit :

1 ) de la société anonyme André Chenue et fils, dont le siège est ... (17e),

2 ) de la société Derenne art transport, dont le siège est ...,

3 ) de M. Adolfo Z..., exerçant le commerce sous la firme "Transportes Adolfo", ..., San Feliu de Guixols (Espagne),

4 ) de la société Tradisa transports y distribution, dont le siège est ... de Llobregal à Barcelone (Espagne),

5 ) de la société Trans Catalunya international, dont le siège est Calla Y... 8, 10 Barcelone (Espagne), défendeurs à la cassation ;

La société Derenne art transport et la société Tradisa transports y distribucion, défenderesses au pourvoi principal, ont formé chacune un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Les demanderesses aux pourvois incidents invoquent, à l'appui de leur recours, chacune deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 5 janvier 1994, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Apollis, conseiller rapporteur, MM. Edin, Grimaldi, Mme Clavery, MM. Lassalle, Tricot, conseillers, MM. Le Dauphin, Rémery, conseillers référendaires, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Apollis, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. X..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société André Chenue et fils, de Me Baraduc-Bénabent, avocat de la société Derenne art transport, de Me Le Prado, avocat de la société Tradisa transports y distribucion, de Me Blanc, avocat de la société Trans Catalunya international, les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant tant sur les pourvois incidents formés par la société Tradisa transportes y distribucion et par la société Derenne que sur le pourvoi principal relevé par M. X... ;

Sur la demande de mise hors de cause de la société André Chenue et fils :

Attendu que les pourvois ne formulent aucune critique contre le chef de l'arrêt qui a mis hors de cause la société André Chenue et fils ; qu'il y a donc lieu d'accueillir la demande de cette dernière tendant àêtre maintenue hors de cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... à confié à la société de droit belge Derenne art transport (société Derenne) le soin de rapatrier à Tours, Paris et Bruxelles des oeuvres d'art exposées à Barcelone ; que, chargée par la société Derenne d'organiser le transport, la société de droit espagnol Trans Catalunya international (société Trans Catalunya), a commis la société de droit espagnol Tradisa transportes (société Tradisa) ;

que la remorque dans laquelle cette dernière société a chargé les oeuvres d'art a été déplacée par M. Adolfo A..., exerçant son activité sous l'enseigne "Transportes Adolfo" ; qu'à la livraison tant à Paris, entre les mains de la société André Chenue et fils qu'à Bruxelles, des avaries ont été constatées ; que M. X... a assigné en réparation de la totalité de ses dommages, les divers intervenants au transport ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de la société Tradisa transportes :

Attendu que cette société fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli l'action de M. X..., alors, selon le pourvoi, que la société Tradisa avait invoqué l'irrecevabilité de l'action dirigée à son encontre par M. X..., faisant valoir que les dispositions de l'article 101 du Code de commerce français n'étaient pas opposables au voiturier de nationalité espagnole, ayant contracté en Espagne avec un commissionnaire espagnol pour un transport, devant s'effectuer en partie sur le territoire espagnol ; que, dans le silence de la convention de Genève du 19 mai 1956 dite CMR, le droit espagnol devait s'appliquer, qu'aucune action directe n'existait en droit espagnol entre les clients du commissionnaire et les substitués de ce dernier et que seules les sociétés dont le nom figurait sur les lettres de voiture internationale auraient pu rechercher la responsabilité de la société Tradisa ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... était le destinataire des marchandises transportées d'Espagne en France et en Belgique par la société Tradisa, c'est à bon droit que l'arrêt retient que la responsabilité de cette société à l'égard de M. X... était régie par la CMR ;

que la cour d'appel a ainsi répondu pour les écarter aux conclusions prétendument délaissées ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches du même pourvoi :

Attendu que la société Tradisa fait encore grief à l'arrêt d'avoir retenu à son encontre une part de responsabilité dans la réalisation du dommage subi par M. X..., alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel a elle-même constaté que le commissionnaire principal, spécialiste en transport d'oeuvres d'art, n'avait donné aucune consigne particulière au commissionnaire intermédiaire qui n'en avait donc transmise aucune au voiturier, ce qui autorisait ce dernier à utiliser un véhicule usuel ; que la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 17 de la CMR ; alors, d'autre part, qu'en tentant de réemballer des oeuvres dont les emballages s'étaient défaits, le préposé de la société Tradisa a agi en transporteur diligent ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'une faute propre au transporteur, la cour a violé les articles 1147 du Code civil et 17 de la CMR ;

Mais attendu qu'aux termes du paragraphe 3 de l'article 17 de la CMR, le transporteur ne peut, pour se décharger de sa responsabilité, exciper des défectuosités du véhicule dont il se sert pour effectuer le transport ;

qu'ayant retenu que l'utilisation par la société Tradisa d'un camion semi-remorque de 25 tonnes de charge utile à la place d'un véhicule moins important avec équipement adapté pour le transport d'oeuvres d'art avait contribué à la réalisation du dommage, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de la société Derenne :

Attendu que la société Derenne fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli l'action de M. X... en dépit de son indemnisation par la société Nordstern, son assureur, alors, selon le pourvoi, qu'en s'abstenant de rechercher si les indemnités perçues par M. X... de la Nordstern ne couvraient pas à tout le moins l'intégralité du dommage réellement subi par M. X..., qui ne pouvait, dès lors, percevoir une seconde indemnité en réparation du même dommage, la cour d'appel a violé ensemble les articles 31 du nouveau Code de procédure civile et 1147 du Code civil ;

Mais attendu que, pour décider que M. X... avait intérêt à agir, l'arrêt retient que ce dernier réclame des indemnités supérieures à celles perçues de son assureur et correspondant à la partie non réparée de son préjudice ;

que la cour d'appel a ainsi effectué la recherche prétendument omise ;

Et sur le second moyen du même pourvoi :

Attendu que la société Derenne fait encore grief à l'arrêt d'avoir retenu à sa charge une obligation de résultat, alors, selon le pourvoi, qu'après avoir elle-même admis que la société Derenne s'était chargée des opérations de retour dans les mêmes conditions qu'à l'aller, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir d'analyser le contrat alors conclu entre M. X... et la société Derenne ;

qu'elle ne pouvait en particulier s'abstenir de répondre aux conclusions par lesquelles cette société faisait valoir, "que dans les propositions faites pour l'organisation du transport litigieux, elle offrit d'intervenir en qualité de transporteur effectif et de commissionnaire-transporteur, ce que M. X... refusa pour des motifs d'économie ; que l'option retenue par M. X... ne confia à la société Derenne que le rôle de "commissionnaire-transporteur" (SIC) et, par conséquent, que la responsabilité normale de l'obligé à la mise en oeuvre de moyens et non de l'obligé à fournir un résultat" ; qu'en s'abstenant de procéder à cette analyse et de répondre aux dites conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, pour retenir à l'encontre de la société Derenne une obligation de résultat, l'arrêt retient qu'en acceptant par des telex et courriers homologuant les démarches en cours, d'organiser de bout en bout au retour, comme à l'aller, le voyage des oeuvres d'art à moindre frais, cette société ne s'est pas comportée en simple expéditeur mandataire, mais en véritable commissionnaire transporteur du droit belge ; que la cour d'appel a ainsi répondu aux conclusions prétendument omises ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal pris, en sa première branche :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli sa demande d'indemnisation, mais d'en avoir limité son nmontant, en vertu de l'article 23 de la CMR, alors, selon le pourvoi, que si le commissionnaire de transport peut bénéficier des limitations légales dont peut se prévaloir le transporteur substitué, encore faut-il que ce commissionnaire n'ait pas commis de faute personnelle ;

qu'ayant constaté dans sa décision que tant la société Derenne que la société Trans Catalunya avaient toutes deux commis des fautes personnelles, la cour d'appel ne pouvait faire bénéficier celles-ci de la limitation de responsabilité édictée par la CMR au profit des seuls transporteurs ; qu'en statuant néanmoins ainsi, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 23 de la CMR ;

Mais attendu qu'aux prétentions de la société Tradisa selon lesquelles, en l'absence de faute lourde de sa part, il convenait, à titre subsidiaire, de faire application de la limitation d'indemnité des articles 23 et 25 de la CMR, M. X... n'a pas opposé le moyen qu'il invoque pour la première fois devant la Cour de Cassation ;

que ce moyen est donc nouveau et, étant mélangé de fait, irrecevable ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche de ce même pourvoi :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour plafonner l'indemnité allouée à M. X... à 8,33 unités de compte par kilogramme de poids brut manquant ou déprécié, l'arrêt retient que la limitation de responsabilité invoquée par le transporteur sur le fondement de l'article 23 de la CMR, reste fondée à son égard et par répercussion à l'ensemble des intermédiaires dans le contrat de transport, les commissionnaires ne pouvant être plus sanctionnés que le voiturier ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions par lesquelles M. X... invoquait la faute lourde du transporteur excluant, en vertu de l'article 29 de la CMR, la limitation d'indemnité invoquée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a limité l'indemnisation de M. X... en vertu du paragraphe 3 de l'article 23 de la CMR, l'arrêt rendu le 24 octobre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne les défendeurs au pourvoi principal, envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-deux février mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 92-10706
Date de la décision : 22/02/1994
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

(pour les seules parties soulignées) TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Transport international - Convention de Genève dite CMR - Application - Responsabilité du transporteur - Défectuosité du véhicule utilisé.


Références :

Convention de Genève du 19 mai 1956 art. 17

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 octobre 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 fév. 1994, pourvoi n°92-10706


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.10706
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award