AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / La société Conforama, société anonyme dont le siège social est ..., Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne),
2 / La société Meubles Dif, société anonyme dont le siège social est ... (Allier), en cassation d'un arrêt rendu le 5 février 1992 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), au profit de la société Montluçonnaise d'ameublement, société anonyme dont le siège social est route nationale 102 à Brioude (Haute-Loire), défenderesse à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 1er décembre 1993, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Gomez, conseiller rapporteur, M. Nicot, Mme Loreau, MM. Vigneron, Leclercq, Léonnet, Poullain, conseillers, Mme Geerssen, M. Huglo, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Gomez, les observations de Me Thomas-Raquin, avocat des sociétés Conforama et Meubles Dif, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Montluçonnaise d'ameublement, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Conforama, titulaire de la marque Confo, le pays où la vie est moins chère, déposée le 5 septembre 1985, enregistrée sous le numéro 1 322 276, pour désigner les produits et les services dans les classes 9, 11, 20, 21, 24 et 27, a assigné pour contrefaçon et concurrence déloyale la société Montluçonnaise d'ameublement qui avait fait paraître, courant juin et juillet 1990, dans un journal, des publicités indiquant "le magasin de Montluçon où la vie est toujours moins chère", ainsi qu'en bas de page "Meuble ménager But" : choisissez But" ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 1er et 3 de la loi du 31 décembre 1964 ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société Conforama tendant à faire condamner la société Montluçonnaise d'ameublement pour contrefaçon de la marque, la cour d'appel énonce que la marque doit servir à distinguer un produit ou un service et retient la nullité de la marque litigieuse dont "les termes généraux ou abstraits ne servent à distinguer ni un produit, ni un objet, ni un service" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le caractère distinctif de la marque doit servir à identifier un produit ou un service en l'attribuant sans erreur au titulaire de la marque sans qu'il soit nécessaire que le signe protégé ait un rapport avec ce produit ou service ainsi désigné, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 février 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
REJETTE la demande présentée par la société Montluçonnaise d'ameublement sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la société Montluçonnaise d'ameublement, envers les sociétés Conforama et Meubles Dif, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cur d'appel de Riom, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du premier février mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.