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01/02/1994 | FRANCE | N°92-11723

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 01 février 1994, 92-11723


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mme Mauricette Y..., épouse X..., demeurant à Compiègne (Oise), ..., agissant en sa qualité de présidente du conseil d'administration de la société Flipp 2000, dont le siège est à Reims (Marne), ..., déclarée en règlement judiciaire par jugement du 31 décembre 1985, en cassation d'un arrêt rendu le 18 décembre 1991 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), au profit de M. le receveur des impôts de Lil

le sud-est, domicilié à Lille sud-est (Nord), ... et ..., défendeur à la cass...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mme Mauricette Y..., épouse X..., demeurant à Compiègne (Oise), ..., agissant en sa qualité de présidente du conseil d'administration de la société Flipp 2000, dont le siège est à Reims (Marne), ..., déclarée en règlement judiciaire par jugement du 31 décembre 1985, en cassation d'un arrêt rendu le 18 décembre 1991 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), au profit de M. le receveur des impôts de Lille sud-est, domicilié à Lille sud-est (Nord), ... et ..., défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 30 novembre 1993, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Poullain, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Poullain, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de Mme X..., de la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat de M. le receveur des impôts de Lille sud-est, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Reims, 18 décembre 1991) qu'une vérification fiscale de la société Flipp 2000 (la société), dont Mme X... présidait le conseil d'administration, commencée le 19 septembre 1983, a été suivie d'un redressement pour les exercices 1980, 1981 et 1982 ; qu'après observations du contribuable le redressement a été confirmé en décembre 1984 pour un montant plus réduit et que sa notification a été retournée à l'expéditeur, la société n'étant plus à l'adresse indiquée ;

que la société qui avait perdu les trois quarts de son capital social a suspendu son activité en novembre 1983 ;

qu'au mois de décembre 1985, elle a vendu son matériel puis a été mise en règlement judiciaire ; que le syndic a fait savoir, par lettre du 7 août 1987, que la société ne disposait d'aucun actif ; que le receveur percepteur des impôts de Lille sud-ouest (le receveur) a assigné Mme X... sur le fondement de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales en paiement des impositions et pénalités dues par la société à la suite du redressement ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle a, en sa qualité de président-directeur général, commis des inobservations graves et répétées des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société pour les exercices 1980 à 1982, alors, selon le pourvoi, d'une part, que pour justifier l'absence d'inobservations graves et répétées des obligations fiscales qui lui incombaient, elle faisait valoir que les redressements notifiés à la société au titre de la période 1979-1982 concernaient des investissements comptabilisés en charge car inférieurs à 1 5OO francs et à ce titre non amortissables ; que les redressements relatifs aux recettes omises avaient été abandonnés de manière substantielle par l'Administration dans sa réponse aux observations du contribuable ; que les redressements sur commissions et honoraires non déclarées sur la" DAS 2" avaient également été abandonnés et que le rejet de certains frais généraux engagés dans l'intérêt exclusif de la société concernait une somme de 25 OOO francs et que les amendes non déductibles portaient sur une somme de 3 480 francs et qu'elle n'avait pu contester elle-même les impositions en cause dès lors qu'à la date de leur mise en recouvrement le 31 mai 1986, la société avait été mise en liquidation judiciaire ; qu'en ne se prononçant pas sur ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales des sociétés, par leurs dirigeants, est constituée soit par l'absence de dépôt ou le dépôt tardif des déclarations fiscales, soit par le non-paiement des impôts dus ou de certains d'entre eux, soit, enfin, par le fait de ne pas fournir les documents comptables légaux au cours d'une vérification de comptabilité ; que, "dans ces conditions", en omettant de constater que l'une ou l'autre de ces conditions était en l'espèce remplie, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'inobservations graves et répétées des obligations fiscales de Mme X... et n'a donc pas donné de base légale à sa décision au sens des dispositions de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, d'une part, que Mme X... s'est bornée dans ses conclusions à discuter le bien fondé de certains redressements et à soutenir que par sa mise en règlement judiciaire, la société avait été empêchée de les contester ; que l'arrêt retient que l'importance et le caractère répétitif de la minoration des recettes déclarées établissait son caractère volontaire et donc sa gravité et qu'un débat sur la matérialité des irrégularités, le montant des redressements et les avis d'imposition, qui n'avaient pas été contestés par le contribuable devant la juridiction administrative compétente, ne saurait s'instaurer devant les tribunaux de l'ordre judiciaire ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre Mme X... dans le détail de son argumentation, a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;

Attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé une omission de recettes de 600 000 francs sur trois ans et retenu que l'importance et la réitération pendant plusieurs années témoignaient de son caractère volontaire et de sa gravité, l'arrêt retient que, si les autres irrégularités relevées n'ont pas, individuellement, un caractère de gravité particulière, leur nombre élevé leur confère une gravité certaine qui ne saurait être atténuée par le fait qu'elles auraient été la conséquence d'erreurs comptables ou d'interprétation de la loi fiscale, tout en relevant le montant très élevé des sommes soustraites à l'impôt ;

qu'ainsi, la cour d'appel a caractérisé l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui incombaient à Mme X... en sa qualité de dirigeant d'une société ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au Trésor public la somme de 851 314 francs au titre des redressements effectués pour les années 1980 à 1983, en application des dispositions de l'article L 267 du Livre des procédures fiscales, alors, selon le pourvoi, qu'elle précisait dans ses conclusions que la suspension d'activité résultait "de la seule aggravation des difficultés de l'entreprise, commencées lors de l'exercice 1979 par la constatation d'une perte nette comptable de 180 906,48 francs reportée à nouveau par l'assemblée des actionnaires qui, aux termes d'un procès-verbal du 29 décembre 1980, et non du "1er décembre 1983", comme cité par le receveur, a prononcé la continuation de la société malgré la perte des 3/4 du capital, dans l'attente d'une assemblée générale extraordinaire devant statuer sur une augmentation du capital" ; que, dès lors, en soutenant que la société avait suspendu son activité en décembre 1983 sans déposer son bilan et qu'elle avait à cette époque perdu les 3/4 de son capital, la cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des constations et des énonciations de l'arrêt qu'au mois de novembre 1983, alors que le contrôle fiscal était en cours, la société, qui avait déjà perdu les 3/4 de son capital et dont les pertes avaient encore été considérables au cours des exercices 1982 et 1983, était déjà en état de cessation de paiements et que, pourtant, elle a suspendu son activité sans déposer son bilan ; qu'en se déterminant, hors de toute dénaturation, au vu de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel n'a pas modifié l'objet du litige ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé en sa seconde branche ;

Sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches :

Attendu que Mme X... reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'elle faisait valoir que la société avait enregistré des pertes importantes entre 1979 et 1984 sans que, pour autant, dès 1983, elle se soit trouvée en état de cessation de paiements, et que l'impossibilité de payer les impôts en cause résultait uniquement des difficultés financières de la société, directement liées à la crise du secteur d'activité des jeux automatiques qui a d'ailleurs conduit 500 entreprises à déposer leur bilan entre 1982 et 1984 ;

qu'en ne se prononçant pas sur ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'un dirigeant social ne peut être rendu responsable du défaut de paiement d'impositions qui, bien que se rapportant à la période antérieure au jugement ouvrant une procédure collective, ne sont cependant pas exigibles à la date de ce jugement, lequel interdit précisément au débiteur de régler les créances nées avant son intervention ; qu'en l'espèce il résulte de l'arrêt attaqué que les impositions litigieuses ont été mises en recouvrement le 31 mai 1985 et le 31 mai 1986, respectivement, et que le règlement judiciaire de la société a été prononcé par un jugement du 31 décembre 1985 ; que, dans ces conditions, la cour d'appel ne pouvait pas condamner Mme X... au paiement des impositions mises en recouvrement le 31 mai 1986, sans violer les dispositions de l'article L 267 du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu qu'après avoir retenu qu'en ne déposant son bilan qu'à la fin de 1985, après avoir vendu son matériel quelques jours plus tôt, la société a privé le Trésor public de toute possibilité de recouvrer ses créances en sa qualité de créancier privilégié, l'arrêt énonce que "le lien de causalité entre les fautes commises par Mme X... et l'impossibilité pour le Trésor public de recouvrer sa créance doit s'apprécier par rapport aux chances que celui-ci aurait eues de recouvrer l'impôt de 1980 à 1983 si les déclarations fiscales avaient été faites régulièrement à l'époque" ; qu'à partir de ces énonciations, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions invoquées, et qui a relevé que Mme X... avait, par sa faute, empêché la mise en recouvrement de l'impôt aux dates de son échéance normale, a pu la condamner au paiement litigieux ; d'où il suit que le pourvoi n'est pas fondé ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que le receveur des impôts de Lille sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 10 000 francs ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Rejette également la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne Mme X..., envers M. le receveur des impôts de Lille sud-est, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du premier février mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 92-11723
Date de la décision : 01/02/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Responsabilité des dirigeants - Dirigeant d'une société ou de tout autre groupement - Conditions - Société mise en redressement judiciaire - Constatations suffisantes.


Références :

Livre des procédures fiscales L267

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 18 décembre 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 01 fév. 1994, pourvoi n°92-11723


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.11723
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