AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Me Jean-Pierre Y..., notaire, demeurant ... à Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise), en cassation d'un arrêt rendu le 27 mai 1991 par la cour d'appel de Paris (1re chambre, section A), au profit de :
1 / La société anonyme Galerie Marek, dont le siège est ... (8e),
2 / M. Fernand X..., demeurant ... à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 décembre 1993, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Chollet, conseiller référendaire rapporteur, MM. Cathala, Douvreleur, Peyre, Mme Giannotti, MM. Aydalot, Boscheron, Toitot, Mmes Di Marino, Borra, conseillers, M. Pronier, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Chollet, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de Me Y..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Galerie Marek, de Me Choucroy, avocat de M. X..., les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 1991), que M. X..., propriétaire de locaux à usage commercial donnés en location à la société Galerie Marek, lui ayant fait délivrer, le 27 février 1989, congé avec offre de renouvellement du bail, a ultérieurement rétracté cette offre, la société preneuse n'étant pas inscrite au registre du commerce ; que la société Galerie Marek, assignée en expulsion par le bailleur, a sollicité la condamnation de Me Y..., notaire rédacteur de l'acte de cession du fonds de commerce exploité dans les lieux loués, à réparer le préjudice subi du fait du non-renouvellement du bail ;
Attendu que Me Y... fait grief à l'arrêt de le déclarer seul responsable, alors, selon le moyen, "1 ) que le propriétaire qui a donné à bail des locaux en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce, qui n'a jamais prétendu ignorer l'adresse où le locataire exploitait effectivement son fonds, qui a même fait délivrer un congé avec offre de renouvellement, ne peut a posteriori se prévaloir du défaut d'inscription au registre du commerce de son locataire pour revenir sur les termes de son offre acceptée et refuser le renouvellement du bail ; qu'en faisant droit à une telle demande formulée par M. X..., la cour d'appel a violé l'article 1er du décret du 30 septembre 1953 ; 2 ) que la cour d'appel a constaté que le notaire avait rédigé l'acte de cession le 4 août 1988 et avait chargé le 16 décembre 1988 les "Petites Affiches parisiennes" de faire le nécessaire pour la modification à apporter à l'immatriculation de sa cliente ; qu'elle a, par ailleurs, constaté que le bailleur avait, le 27 février 1989, délivré un congé avec offre de renouvellement au locataire et que ce n'était que le 13 mars 1990 que ledit bailleur avait assigné la société Galerie Marek en validation de congé sans
indemnité d'éviction au motif que celle-ci n'aurait pas été immatriculée au registre du commerce ;
qu'en déclarant que le notaire aurait commis une faute en restant inactif pendant quatre mois sans justifier de l'existence d'une obligation légale exigeant l'accomplissement de cette formalité dans ledit délai, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3 ) qu'en tout état de cause, en s'abstenant de constater que cette inaction pendant quatre mois aurait empêché l'immatriculation au registre du commerce et aurait entraîné le refus par le bailleur de renouveler le bail comme il l'avait offert, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
4 ) que lenotaire n'est tenu d'éclairer les parties que sur ce qu'elles sont censées ignorer ; que Me Y... avait fait valoir que la société Galerie Marek avait été immatriculée au registre du commerce et avait donc déjà dû procéder à la déclaration de vente d'objets mobiliers puisqu'il s'agissait du même commerce que celui exploité dans les locaux donnés à bail par M. X... ; qu'en estimant que cette circonstance était insuffisante pour décharger le notaire de son obligation de conseil à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil" ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé, par motifs adoptés, qu'il n'était pas établi que M. X... avait eu connaissance de l'absence d'immatriculation de la société Galerie Marek pour les locaux loués avant la délivrance du congé et constaté que la locataire avait refusé le prix proposé dans le congé, la cour d'appel a exactement décidé que la société Galerie Marek ne pouvait, à défaut d'inscription de ces locaux au registre du commerce à la date du congé, bénéficier des dispositions de l'article 8 du décret du 30 septembre 1953 ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui a relevé que l'article 27-2 du décret du 30 mai 1984 imposait au notaire rédigeant un acte comportant pour les parties intéressées une incidence quelconque en matière de registre du commerce de procéder aux formalités correspondantes, a exactement retenu que Me Y..., qui était resté inactif plus de quatre mois après l'acte d'acquisition du fonds de commerce, avait commis une faute, et a légalement justifié sa décision en retenant, après avoir constaté que la société Marek n'avait pas acquis les connaissances juridiques et techniques nécessaires, que Me Y..., tenu d'assurer l'efficacité de l'acte qu'il dressait, n'avait pas respecté son devoir de conseil quant aux conséquences juridiques que le non-accomplissement de formalités préalables pouvait entraîner en retardant la modification du registre du commerce ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Me Y..., envers la société Galerie Marek et M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-six janvier mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.