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25/01/1994 | FRANCE | N°91-15212

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 janvier 1994, 91-15212


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la compagnie La Bâloise, dont le siège est ... (9e), en cassation d'un arrêt rendu le 7 mai 1991 par la cour d'appel de Paris (7e chambre, section A), au profit de :

1 / La société Hasenkamp Internationale Transporte, dont le siège est Landbergerstrasse 150, D 8000 München 2 (Allemagne),

2 / La société Firma Oskar Schunks KG, dont le siège est Postfach 7628, D 400 Dusseldorf (Allemagne),

3 / La société

Meridian Computers, dont le siège est ... à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), venant aux ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la compagnie La Bâloise, dont le siège est ... (9e), en cassation d'un arrêt rendu le 7 mai 1991 par la cour d'appel de Paris (7e chambre, section A), au profit de :

1 / La société Hasenkamp Internationale Transporte, dont le siège est Landbergerstrasse 150, D 8000 München 2 (Allemagne),

2 / La société Firma Oskar Schunks KG, dont le siège est Postfach 7628, D 400 Dusseldorf (Allemagne),

3 / La société Meridian Computers, dont le siège est ... à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), venant aux droits de la société ..., aux droits de la société International Leasing, ... (Hauts-de-Seine),

4 / La société Secodip, dont le siège est ... (Yvelines),

5 / La société Van Ameyde, dont le siège est Neulakt 60/38, 5000 Cologne (Allemagne), défenderesses à la cassation ;

La société Meridian Computers, défenderesse au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 23 novembre 1993, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Apollis, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, M. Edin, Mme Clavery, MM. Lassalle, Tricot, conseillers, M. Rémery, conseiller référendaire, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Apollis, les observations de Me Blondel, avocat de la compagnie La Bâloise, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Hasenkamp Internationale Transporte, de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la société Firma Oskar Schunks KG, de Me Barbey, avocat de la société Meridian Computers, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par la société Meridian Computers, précédemment dénommée société Meridian, que sur le pourvoi principal de la société compagnie La Bâloise ;

Dit n'y avoir lieu à mise hors de cause de la société de droit allemand Firma Oskar Schuncks KG ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Meridian Computers (l'expéditeur), précédemment dénommée société Meridian, venant aux droits de la société IBL France, elle-même aux droits de la société International Leasing, a chargé la société de droit allemand Hasenkamp Internationale Transporte (le transporteur) du transport d'un ordinateur d'Allemagne en France ; qu'au cours du déchargement, le 2 décembre 1985, chez la société Secodip (le destinataire), cet ordinateur a subi des avaries ; que l'expéditeur a assigné en réparation de ses dommages son assureur, la société compagnie La Bâloise (La Bâloise), venant aux droits du groupement d'intérêt économique Atticam, le transporteur et la société Van Ameyde, prise en qualité d'assureur de ce transporteur ; que ce dernier, appelé en garantie par La Bâloise, a demandé la garantie de son prétendu assureur, la société de droit allemand Firma Oskar Schuncks KG (société Schunks), laquelle a soutenu n'avoir que la qualité de courtier d'assurance ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses cinq branches :

Attendu que La Bâloise fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à l'expéditeur une somme en principal de 3 763 359,93 francs, alors que, selon le pourvoi, d'une part, c'est à tort que la cour d'appel raisonne à partir des règles et principes qui gouvernent l'exclusion de garanties, cependant qu'il lui appartenait de se prononcer au regard des conditions telles que posées par le contrat d'assurances, ses avenants et documents annexes régulièrement produits au regard du risque couvert, l'assureur faisant en définitive état d'un risque non accepté, d'un risque non entré dans le champ contractuel ;

qu'ainsi, la cour d'appel prive son arrêt de base légale au regard des principes qui s'inspirent des articles L. 113-2, L. 113-4, L. 113-8 et L. 113-9 du Code des assurances, ensemble de l'article 1134 du Code civil ; alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, l'obligation centrale relative à l'emballage approprié devait être appréciée au regard des exigences de l'assureur de la chose transportée, lequel, à cet égard, se prévalait de l'article 4.a des conditions générales de la police, qui excluait les risques résultant notamment de dommages ou préjudices nés "d'insuffisance de conditionnement, d'absence d'emballage ou d'inappropriation de celui-ci au transport effectué...", de l'avenant signé le 27 mars 1985, avec effet au 1er mars, d'où il résultait que l'assurance portait sur "du matériel informatique neuf expédié sous emballage approprié", et également du bordereau d'assurance daté du 28 novembre 1985 concernant le transport litigieux, bordereau dûment rempli par l'assuré et portant la mention suivante : "machine neuve, emballage d'origine" ; qu'en estimant néanmoins qu'était sans emport à l'égard de l'assureur la circonstance que le matériel ait perdu son emballage d'origine en ayant notamment été "dépalettisé", dès lors que l'emballage léger choisi apparaissait approprié au regard des exigences du transporteur et du fabricant, tiers par rapport au contrat d'assurance, la cour d'appel méconnaît les termes des accords ayant lié l'assureur et l'assuré, puisqu'il résulte de l'arrêt lui-même que l'ordinateur n'a pas été transporté dans son

emballage d'origine et qu'il avait été dépalettisé ;

qu'ainsi, l'arrêt se trouve privé de base légale au regard des textes visés au précédent élément de moyen, ensemble de l'article 1165 du Code civil ; alors que, de troisième part, la cour d'appel motive encore insuffisamment sa décision en ne se prononçant pas sur le point de savoir si la dépalettisation n'avait pas été à l'origine du sinistre, étant observé que l'assureur insistait sur le fait que si on avait laissé la palette, les roulettes équipant l'ordinateur seraient restées bloquées, ce qui aurait évité la chute dommageable du matériel lorsqu'il était placé sur le hayon du véhicule l'ayant transporté et en mouvement ; qu'ainsi, la cour d'appel motive insuffisamment son arrêt au regard des exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, de quatrième part, la cour d'appel se devait, en toute hypothèse, de s'exprimer sur la portée du bordereau d'assurance signé quelques jours avant le transport, en indiquant clairement, sous la rubrique "nature de l'emballage" : "machine neuve, emballage d'origine" ; qu'en gardant le silence sur cette donnée centrale, régulièrement entrée dans le débat au sens des articles 6 et 7 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel prive encore son arrêt de base légale au regard des principes qui s'inspirent des articles L. 113-2, L. 113-4, L. 113-8, L. 113-9 du Code des assurances, ensemble de l'article 1134 du Code civil ;

et alors, enfin, que la cour d'appel n'a pu, sans se contredire, en fait et partant, méconnaître les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, affirmer qu'il résulterait clairement des documents versés aux débats par le transporteur que le fabricant, à savoir la société IBM, estimait que la palette d'origine devait être remplacée pour la durée du transport par un "emballage approprié", cependant que la cour d'appel relève, par ailleurs, lorsqu'elle s'exprime sur la nature de la faute commise par le transporteur, qu'il appert des documents émanant du fabricant que les ordinateurs qui pèsent entre 50 et 1 500 kg doivent être transportés, "le cas échéant", sans emballage, étant encore rappelé que, "le cas échéant", le transporteur agréé pouvait se charger de retirer dans ses entrepôts les différents éléments d'emballage tels que glissières, palettes et cartonnages ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne peut être fait grief à l'arrêt d'avoir examiné si le sinistre entrait dans un des cas d'exclusion de garantie de la police d'assurance, dès lors que La Bâloise avait invoqué ces causes d'exclusion à l'appui de ses prétentions ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'en réponse aux prétentions de La Bâloise, selon lesquelles la police d'assurance ne couvrait le matériel neuf qu'à la condition que celui-ci voyage dans son conditionnement d'origine, l'arrêt retient, d'un côté, qu'il ressort de l'avenant du 1er mars 1985 que l'objet assuré visait un matériel informatique neuf, expédié sous emballage approprié, et, d'un autre côté, que La Bâloise ne rapportait la preuve, ni que dépalettisé puis retiré de son carton d'origine pour être ensuite recouvert par une housse matelassée antipoussière et des plaques de protection, conformément aux instructions du fournisseur, l'ordinateur ait été transporté dans un emballage ne répondant pas aux conditions du contrat, ni que le sinistre soit imputable à cette substitution d'emballage ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite et qui n'avait pas à effectuer d'autre recherche que sa décision rendait inopérante, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, enfin, qu'il ne ressort ni de ses conclusions ni de l'arrêt que La Bâloise ait prétendu que le bordereau d'assurance ait été un avenant au contrat d'assurance ; que la cour d'appel n'avait donc pas à effectuer une recherche qui ne lui avait pas été demandée ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses cinq branches, du même pourvoi :

Attendu que La Bâloise fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi qu'il a fait, alors que, selon le pourvoi, d'une part, la cour d'appel ne répond pas au moyen faisant valoir qu'aux termes de la police d'assurances, n'était pas garantie la perte de valeur, ainsi que cela s'évinçait des dispositions des articles 3 et 4 b des conditions générales de la police, d'où il résulte clairement que sont exclus les risques résultant de différences de cours ; qu'en ne s'exprimant pas sur ce moyen central tiré des stipulations de la police d'assurances, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 121-1 du Code des assurances ; alors que, d'autre part, la cour d'appel ne répond pas davantage au moyen subsidiaire faisant état de l'inertie de l'assuré qui, par ses retards accumulés dans la façon de gérer le dommage, en a aggravé par son fait les conséquences, ce qui était de nature à diminuer, eu égard à des manquements avérés, son droit à indemnisation ; qu'en ne répondant pas davantage à ce moyen, la cour d'appel méconnaît les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

alors que, par ailleurs, si l'indemnité d'assurance versée à l'assuré doit obéir au principe de la réparation intégrale, eu égard aux prévisions contractuelles qui restent centrales, dès lors qu'une partie du préjudice souffert -en l'occurence substantiel- résulte, non du sinistre lui-même, mais d'une décote inéluctable due à un marché tout à fait spécifique, s'agissant d'un matériel de haute technologie, la simple mise sur le marché engendrant ladite décote, sauf clause expresse visant l'indemnisation de ce type de préjudice singulier, nullement constaté en l'espèce et pour cause puisque ce risque était exclu, les juges ne peuvent, sauf à méconnaître le contrat d'assurance lui-même, ensemble le principe de la réparation intégrale tel qu'il doit être mise en oeuvre en contemplation dudit

contrat, mettre à la charge de l'assureur une telle décote, due de surcroît au fait que le fabricant n'a pas voulu réparer un matériel réparable et n'a pas accepté de contrat d'entretien, autant de données totalement étrangères au risque couvert ; qu'en jugeant comme elle l'a fait, la cour d'appel viole les articles 1134 et L. 121-1 du Code des assurances ; alors qu'en outre, il ne résulte pas de l'arrêt que les juges du fond se soient placés au jour du sinistre pour apprécier le dommage susceptible d'être couvert par l'assurance de chose, si bien que la décision attaquée est privée de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 121-1 du Code des assurances ; et alors, enfin, que la cour d'appel statue sur le fondement de motifs "conjecturaux" en faisant état de la revente dudit matériel par son acquéreur initial après le sinistre et après qu'il ait été réparé, sans avoir déterminé ce prix de revente, cependant que ledit prix était de nature à avoir une incidence sur la détermination du dommage couvert par la police, eu égard à la méthode retenue par la cour d'appel ; qu'ainsi, l'arrêt querellé ne met pas à même la Cour de Cassation d'exercer son contrôle, en méconnaissant les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et en privant son arrêt de base légale au regard des articles 1134 et L. 121-1 du Code des assurances ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que l'assureur ne peut prétendre limiter sa garantie au coût de la réparation de l'ordinateur endommagé, dès lors que, malgré cette réparation, le matériel a subi une dévalorisation considérable, et ce d'autant plus que le fournisseur IBM a refusé de le requalifier pour un contrat d'entretien, ce qui a affecté sa valeur marchande ; que la cour d'appel, qui n'a fait application, ni d'une variation de cours exclue du champ contractuel, ni d'une décote proprement dite, mais de la dépréciation de l'ordinateur après sa réparation afin d'estimer sa valeur de sauvetage et, partant, le préjudice réparable effectivement subi, a répondu aux conclusions invoquées et a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, que, pour indemniser le propriétaire de la perte de valeur de sa machine après sa remise en état, c'est sans se fonder sur des motifs "conjecturaux" que l'arrêt a apprécié souverainement la valeur de cette machine, non pas à la date à laquelle elle a été revendue, mais à la date à laquelle elle aurait pu l'être, à savoir octobre novembre 1986, date à laquelle le sinistre a été définitivement consommé, peu important, dès lors, les atermoiements reprochés à l'expéditeur avant cette date ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions sans incidence sur la solution du litige, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen du même pourvoi :

Attendu que La Bâloise fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à l'expéditeur une somme de 65 230 francs au titre des frais de transport de la marchandise endommagée, alors, selon le pourvoi, que, s'agissant d'une assurance de chose, ainsi que le reconnaît la cour d'appel elle-même, les frais de transport, spécialement d'un matériel fourni en remplacement de celui sinistré, ne pouvaient être couverts par la police telle que souscrite ; qu'en décidant le contraire, sur le fondement d'une affirmation lapidaire et inopérante, la cour d'appel viole les articles 1134 du Code civil et L. 121-1 du Code des assurances ;

Mais attendu que, dans ses conclusions d'appel, La Bâloise a reconnu que les frais litigieux entraient dans l'objet de sa garantie ; que le moyen qui contredit l'argumentation soutenue devant les juges du fond est irrecevable ;

Et sur le quatrième moyen du même pourvoi :

Attendu que La Bâloise fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer les intérêts des sommes allouées à compter de l'assignation du 7 juillet 1986, alors, selon le pourvoi, que l'arrêt, sur cette question de la détermination du montant des indemnités susceptibles de revenir à l'assuré, eu égard aux discussions qui ont porté sur ce point et sur le principe même de la garantie, est constitutif de droit et non déclaratif, si bien que les intérêts légaux ne pouvaient utilement commencer à courir qu'à compter de l'arrêt de la cour d'appel, tout au plus du jugement confirmé, sur les chiffres retenus ; qu'en décidant, néanmoins, que les intérêts légaux devaient commencer à courir à compter de la date de l'assignation, la cour d'appel viole l'article 1153-1 du Code civil ;

Mais attendu qu'en fixant à une date autre que celle de sa décision le point de départ des intérêts, la cour d'appel n'a fait qu'user de la faculté remise à sa discrétion par l'article 1153-1 du Code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le premier moyen du pourvoi incident de la société Meridian Computers, et sur le cinquième moyen du pourvoi principal, réunis :

Attendu que l'expéditeur et son assureur, La Bâloise, font grief à l'arrêt d'avoir écarté la faute lourde du transporteur, alors, selon les pourvois, d'une part, que la faute lourde est caractérisée par une négligence d'une extrême gravité dénotant l'inaptitude du professionnel à l'accomplissement de la tâche qu'il a acceptée ; que le fait, pour deux chauffeurs seulement, de procéder au déchargement, sur un terrain en pente, d'un appareil pesant plus de 800 kg, au centre de gravité élevé, après s'être seulement "arrimés, avec des sangles munies de crochets, à la base de l'ordinateur", l'un d'entre eux devant de plus actionner au pied le hayon élévateur, constitue, compte tenu de la grande probabilité de chute qui résulte de telles circonstances de travail, une négligence d'une extrême gravité caractérisant la faute lourde ; que la cour d'appel a donc violé l'article 23 de la convention CMR ; et alors, d'autre part, que l'accumulation des manquements émanant du transporteur fait qu'eu égard à la nature de l'objet transporté, la faute lourde était bien caractérisée, ledit transporteur ayant pris le risque de

dépalettiser l'ordinateur sans qu'IBM ait été informée de cette donnée, ainsi que cela résulte de l'arrêt, ayant pris le risque de laisser ainsi l'instrument sur des roues, ce qui le rendait mobile et spécialement dangereux à manier quant on songe que le véhicule qui le transportait a été immobilisé pour l'opération de déchargement dans une rue de forte déclivité, avec un hayon présentant la particularité technique de pouvoir être positionné parallèlement à toute surface, même inclinée ; que, de surcroît, le matériel a été placé au bord du hayon d'un véhicule et donc près du vide, ce qui était de nature à rendre propice une chute ; que deux personnes seulement étaient là pour procéder à la manipulation d'un ordinateur valant plus de 6 millions de francs et pesant environ une tonne, ce qui créait un risque d'autant plus grand que c'était l'un de ces deux transporteurs qui actionnait lui-même, par une pédale à pied, le hayon, en ayant placé sur un sol en forte déclivité la commande, ce qui était en soi de nature à favoriser un déséquilibrage avec les conséquences prévisibles de celui-ci, à savoir le blocage soudain du hayon, le choc en retour et la destabilisation du matériel, d'où une chute qui s'avérait absolument incontournable puisque rien ne bloquait l'engin, engin d'autant plus instable qu'il avait un centre de gravité élevé ; qu'en l'état de cette accumulation de manquements, de risques pris dans d'invraisemblables conditions, révélant l'inaptitude du transporteur dans l'accomplissement de sa mission, c'est à tort que la cour d'appel, qui n'a pas examiné comme elle se le devait cette convergence impressionnante de données, a estimé que la faute lourde du transporteur n'était pas caractérisée, si bien qu'en statuant sur le fondement de motifs inopérants, elle viole la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR, et plus précisément son article 23, avec les conséquences qui s'ensuivaient sur les droits de l'assureur de la victime à l'endroit du transporteur ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la "dépalettisation" dans l'entrepôt du transporteur et l'arrimage dans le camion ont été effectués conformément aux instructions du fournisseur IBM, que le camion était pourvu des équipements nécessaires pour ce type de transport et que le hayon élévateur était conforme aux normes applicables en la matière, que les chauffeurs étaient expérimentés et spécialisés dans le transport d'ordinateurs, notamment ceux fabriqués par IBM, que le positionnement du véhicule sur une pente avait, en l'absence de quai de déchargement, été rendu nécessaire dès lors que la livraison devait être effectuée au sous-sol de l'immeuble du destinataire, que les deux chauffeurs se sont arrimés, avec des sangles munies de crochet, à la base de l'ordinateur qu'ils ont fait rouler jusque sur le hayon élévateur du camion, que si le déchargement ne s'est pas déroulé sans incident jusqu'à son terme c'est que le pied du chauffeur chargé de manoeuvrer le hayon a dérapé sur la commande, provoquant un arrêt brusque du mouvement descendant du hayon et une secousse qui a déstabilisé l'ordinateur ;

que la cour d'appel a pu déduire de ses constatations que la maladresse du chauffeur ne revêtait pas le caractère d'une faute lourde confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée et lui interdisant d'invoquer la limitation d'indemnité de l'article 23 de la Convention de Genève du 19 mai 1956, relative au contrat de

transport international de marchandises par route, dite CMR ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen du pourvoi incident de la société Meridian Computers :

Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, pour débouter cette société de sa demande dirigée contre la société Schunks, prise en qualité d'assureur du transporteur, l'arrêt retient que les sociétés Van Ameyde, Secodip et Schunks ont été attraites en cause d'appel sans qu'aucune demande ne soit dirigée contre elles ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société Meridian Computers avait demandé, dans ses conclusions d'appel signifiées le 5 septembre 1990, de "condamner la société Hasenkamp, transporteur, Schuncks, assureur de Hasenkamp, et La Bâloise, assureur de la demanderesse, solidairement ou in solidum, voire individuellement ou l'un à défaut de l'autre, à réparer l'entier préjudice subi...", la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Meridian Computers de sa demande dirigée contre la société Schunks, l'arrêt rendu le 7 mai 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne la compagnie La Bâloise, les sociétés Hasenkamp Internationale Transporte, Firma Oskar Schunks KG, Secodip et Van Ameyde, envers la société Meridian Computers, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-cinq janvier mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 91-15212
Date de la décision : 25/01/1994
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (7e chambre, section A), 07 mai 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 jan. 1994, pourvoi n°91-15212


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:91.15212
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