Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 18 septembre 1991), que la société Etablissements VJF (VJF), titulaire de trois marques, la première dénominative, Joker, déposée le 23 janvier 1989, enregistrée en renouvellement sous le numéro 1 510 252 pour désigner les produits dans les classes 1 à 34, notamment les farines, les préparations faites de céréales, le pain, la pâtisserie, la deuxième, dénominative, Joker, déposée le 4 mai 1990, enregistrée en renouvellement sous le numéro 1 632 591 pour désigner les produits dans les classes 32 et 33, notamment les jus de fruits, la troisième, figurative, constituée par l'emblème d'un diablotin, déposée le 19 septembre 1988, enregistrée en renouvellement sous le numéro 1 489 501, pour désigner les produits dans les classes 32 et 33, notamment les boissons et les jus de fruits, a assigné en contrefaçon la société Puratos, titulaire de la marque internationale Joker, déposée, en visant la France, le 14 mars 1985 à l'Office mondial de la propriété industrielle enregistrée sous le numéro 492 918 pour désigner les produits dans les classes 1 à 30, notamment les produits chimiques pour le secteur de la boulangerie, de la pâtisserie, du commerce de crèmes glacées, de biscottes et de biscuits ainsi que les préparations faites de céréales, la levure et la poudre pour faire lever et la société Sogap, distributeur des produits portant cette marque ; que ces deux sociétés ont reconventionnellement demandé la déchéance pour défaut d'exploitation de la marque Joker enregistrée sous le numéro 1 510 252 pour les produits des classes 1 et 30 ;
Attendu que la société VJF fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en réparation des atteintes portées à la marque alors, selon le pourvoi, d'une part, que la notoriété d'une marque doit s'apprécier de façon objective en tenant notamment compte de l'ancienneté de la marque, des conditions de son exploitation et des efforts publicitaires consentis ; qu'en affirmant péremptoirement, pour écarter le moyen tiré de l'abus de droit, que le propriétaire de la marque " Joker ", pour désigner des boissons et notamment des jus de fruits, ne pouvait prétendre " à la notoriété exceptionnelle " de sa marque, la cour d'appel introduit une hiérarchie arbitraire au regard de la notoriété et, partant, viole les règles et principes qui gouvernent le régime juridique de la marque notoire, ensemble viole par refus d'application l'article 1382 du Code civil, alors, d'autre part, que l'abus de droit ne postule pas l'intention de nuire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel viole l'article 1382 du Code civil ; alors, de troisième part, que, comme le faisait valoir le titulaire de la marque notoire, l'abus de droit en la matière peut résulter du fait qu'un tiers s'est attribué par absence de précaution ou imprudence un avantage indu profitant ainsi de la notoriété d'une marque, ce qui génère un nécessaire affaiblissement du caractère distinctif de la marque notoire ; qu'un tel préjudice anormal résultant d'une imprudence est susceptible de caractériser l'abus de droit ; qu'en jugeant différemment, la cour d'appel viole derechef le texte cité au précédent élément de moyen ; et alors, enfin, que la simple existence d'un préjudice anormal résultant de l'affaiblissement du caractère distinctif de la marque notoire ayant vocation à bénéficier du principe d'unicité est susceptible en elle-même de caractériser l'abus de droit ; qu'en n'abordant pas la difficulté sous cet angle et en exigeant une intention de nuire, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 1382 du Code civil, ensemble les règles et principes qui gouvernent l'abus dans l'usage d'un droit de marque ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'a pas retenu le caractère exceptionnel de la notoriété invoqué par la société VJF au profit de sa marque, a énoncé, à bon droit, d'un côté, que le simple usage par un tiers d'une marque notoire pour désigner des produits différents de ceux protégés, ne constituait pas à lui seul une faute, et, d'un autre côté, que l'abus de droit pouvait résulter non seulement de l'adoption par un tiers d'une marque notoire avec l'intention de nuire au titulaire, mais encore de la confusion susceptible d'être créée dans l'esprit du public, faute par l'utilisateur d'avoir pris les précautions pour éviter une telle confusion ; qu'après avoir relevé que la société Puratos avait, tant dans l'exposition des produits commercialisés par elle, que dans ses documents publicitaires, apposé, avec la marque, sa dénomination et son emblème, la cour d'appel a pu déduire de ces constatations et appréciations l'absence de risque de confusion de la marque litigieuse pour les produits sur lesquels elle était apposée avec la marque notoire, d'où il résultait que la société VJF n'était pas fondée à invoquer la responsabilité de la société Puratos ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.