AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme Charbonnière et pétrolière Patin, dont le société est sis ... à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), en cassation d'un arrêt rendu le 3 mai 1990 par la cour d'appel de Montpellier (chambre sociale), au profit de M. Augustin Y..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 novembre 1993, où étaient présents : M. Lecante, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Bignon, conseiller référendaire rapporteur, MM. Bèque, Boubli, conseillers, M. Kessous, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Bignon, les observations de Me Delvolvé, avocat de la société Charbonnière et pétrolière Patin, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon les juges du fond, qu'engagé le 19 août 1948 par les Houillères du Bassin du Centre et du Midi, M. Y... a fait l'objet de diverses mutations dans des sociétés du groupe auquel appartenait la société, et depuis le début de l'année 1984 a été au service de la société nouvelle méridionale des combustibles ; qu'il a été, à compter du 1er janvier 1981 au service de la société Charbonnière et Pétrolière Patin ; que cette société a, proposé au salarié, chef d'agence à Montpellier, sa mutation en la même qualité à l'agence de Nimes Avignon, ce que l'intéressé a refusé, le 2 septembre 1985 ; que l'autorité administrative a refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique du salarié, considérant que la mutation n'était pas justifiée par une cause économique ; que entre-temps, après avoir convoqué le salarié à entretien préalable, la société l'a, par lettre du 20 septembre 1985, licencié pour motif économique dans les formes du droit commun, en raison du refus de sa mutation ;
Sur le premier moyen :
Attendu, que la société Patin fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 3 mai 1990) de l'avoir condamnée à payer au salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que le caractère non économique de la restructuration invoquée par la société pour justifier la mutation de M. X... n'impliquait pas qu'elle fût dépourvue de caractère réel et sérieux ; et qu'en s'abstenant de rechercher si la mutation de M. Y... n'était pas justifiée par la restructuration de l'ensemble des services de l'entreprise pour une meilleure efficacité commerciale, telle qu'invoquée par la société Patin dans ses conclusions d'appel (p. 6, 7 et 12) la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et a violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que le motif du licenciement ne reposait que sur le refus du salarié d'accepter une mutation fondée sur une restructuration effectuée dans l'intérêt de l'entreprise et que l'autorité administrative avait, par une décision devenue definitive, reconnu l'absence de réalité de ce motif, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société reproche encore à l'arrêt d'avoir décidé que pour le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'ancienneté du salarié devait être décomptée à partir de son embauche par les Houillères du bassin du centre et du midi le 19 août 1948 ;
alors que, selon le moyen, d'une part, en l'état de lacessation d'activité de M. Y... au service de la société nouvelle méridionale des combustibles dans le seul but de bénéficier de certains avantages de retraite et de son embauche par la société charbonnière et pétrolière Patin, il appartenait à M. Y... de démontrer que le nouvel employeur avait contracté l'obligation de reprendre son ancienneté acquise précédemment pour le calcul de son indemnité de licenciement ; et qu'en mettant à la charge de la SCP Patin la preuve de l'inexistence de cette obligation la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ; et alors que, d'autre part, ni le fait que la SCP Patin ait maintenu pour établir la rémunération de M. Y... son ancienneté acquise depuis 1948, ni les termes de la lettre du 22 décembre 1980 émanant de la société nouvelle méridionale des combustibles n'étaient de nature à établir l'existence d'un engagement pris par la SCP Patin sur la prise en compte de l'ancienneté acquise au service de la société nouvelle méridionale des combustibles pour le calcul de son indemnité de licenciement ; et qu'ainsi la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'appréciant l'ensemble des éléments de la cause, la cour d'appel a estimé que le contrat de travail du salarié avait été, en 1981 transféré à la société Patin, avec maintien de son ancienneté ; que le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause cette appréciation, ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Charbonnière et Pétrolière Patin, envers M. Y..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du douze janvier mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.