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14/12/1993 | FRANCE | N°91-14739

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 décembre 1993, 91-14739


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / la société anonyme Bonduelle, dont le siège est à Renescure (Nord),

2 / les Conserveries Associées, société anonyme, devenue Primeurop le 1er janvier 1991, dont le siège est à Russy Belmont (Oise), Vaumoise, en cassation d'un arrêt rendu le 15 mars 1991 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), au profit de :

1 / la société Guisset Conserves, société à responsabilité limitée, dont le

siège est ... à Persan (Val-d'Oise),

2 / la société civile d'exploitation agricole Guisset (SCE...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / la société anonyme Bonduelle, dont le siège est à Renescure (Nord),

2 / les Conserveries Associées, société anonyme, devenue Primeurop le 1er janvier 1991, dont le siège est à Russy Belmont (Oise), Vaumoise, en cassation d'un arrêt rendu le 15 mars 1991 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), au profit de :

1 / la société Guisset Conserves, société à responsabilité limitée, dont le siège est ... à Persan (Val-d'Oise),

2 / la société civile d'exploitation agricole Guisset (SCEA Guisset), dont le siège est ... à Persan (Val-d'Oise),

3 / M. Patrick X..., mandataire liquidateur, demeurant ... (Val-d'Oise), pris en sa qualité de représentants des créanciers au redressement judiciaire des sociétés Guisset Conserves et SCEA Guisset,

4 / M. Y..., pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Guisset, demeurant ... (Val-d'Oise), défendeurs à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 27 octobre 1993, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Le Dauphin, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pasturel, MM. Edin, Grimaldi, Apollis, Mme Clavery, MM. Lassalle, Tricot, conseillers, M. Rémery, conseiller référendaire, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Le Dauphin, les observations de Me Ryziger, avocat de la société Bonduelle et des Conserveries Associées, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la société Guisset Conserves et de la SCEA Guisset, de MM. X... et Y..., ès-qualités, les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 15 mars 1991), que par une convention du 22 mai 1986 la société Guisset Conserves et la société civile d'exploitation agricole Guisset (sociétés Guisset), se sont engagées pour une durée de cinq ans à s'approvisionner exclusivement auprès des sociétés Bonduelle et Conserveurs Associés (sociétés Bonduelle) pour toutes leurs conserves de légumes, les sociétés Bonduelle s'obligeant, de leur côté, à honorer toutes les commandes des clients des sociétés Guisset ; que les sociétés Guisset ont été mises en redressement judiciaire le 10 février 1987 ; qu'après que l'administrateur eut continué les contrats en cours un plan de redressement organisant la continuation de l'entreprise a été adopté le 18 décembre 1987 ; que les sociétés Guisset, soutenant que les sociétés Bonduelle leur avaient imposé des reports et refus de livraisons et qu'il en était résulté, à partir d'avril 1988, une perte progressive de leur clientèle, les ont assignées en paiement de dommages-intérêts ;

qu'une expertise a été ordonnée par les premiers juges ; que la cour d'appel, après avoir jugé que la rupture des relations

contractuelles était imputable aux sociétés Bonduelle, les a condamnées à payer une indemnité aux sociétés Guisset ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que les sociétés Bonduelle font grief à l'arrêt d'avoir refusé de prononcer la nullité de l'expertise alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge doit, en toute circonstance, respecter et faire respecter le principe du contradictoire ; qu'il doit s'assurer que le principe du contradictoire a été totalement respecté, au cours des mesures d'instruction ;

qu'en particulier le principe du contradictoire n'est pas respecté, lorsqu'au cours de l'expertise, les parties ayant, d'après l'expert, "commencé à aborder la question de l'évaluation du préjudice" et, divers documents ayant été remis par un tiers, les parties ont convenu, d'après les propres constations de l'expert, de fixer un autre rendez-vous d'expertise, sans que l'expert ait décidé que ledit rendez-vous ne se tiendrait pas, et que l'expert néanmoins décide de déposer son rapport, sans avoir provoqué le rendez-vous d'expertise dont il avait été convenu ; que la décision qui refuse d'annuler un pareil rapport d'expertise est entachés de violation de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que celui qui représente ou assiste une partie devant la juridiction qui a ordonné la mesure peut formuler toutes observations qu'il croit à propos ; qu'il doit être mis à même de formuler toutes observations sur tous dires écrits formulés par l'autre partie ; qu'il en est de même de la partie elle-même ;

qu'en l'espèce actuelle, lesdemanderesses avaient fait valoir que lors de la troisième réunion, et ainsi que le note l'expert, les parties avaient "commencé à aborder... la question de l'évaluation du préjudice "et convenu de fixer un autre rendez-vous d'expertise ; que dans cette perspective, il avait été convenu que, pour que ce rendez vous soit utile, les parties échangeraient des dires sur les questions financières et les préjudices ; que le conseil de Guisset l'a fait le 26 juillet ; que, cependant, l'expert a, sans en prévenir quiconque, déposé son rapport le 1er septembre, mettant ainsi, compte tenu de la nature des "congelés", le conseil des Conservateurs associés dans l'impossibilité de répliquer au dire de Guisset ; qu'en ne se prononçant pas sur ce point, et sur le point de savoir si le conseil des demanderesses avait ou non eu la possibilité de répondre au dire des sociétés Guisset et avait été mis, par l'expert, en mesure de le faire, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale, au regard des articles 16 et 162 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin que, lorsque les parties ont, sous le contrôle d'un expert, et sans que celui-ci s'y soit opposé, évoqué la nécessité d'un rendez-vous supplémentaire, et se sont mises d'accord sur la nécessité de celui-ci, sans que l'expert puisse ne pas le tenir, il doit alors mettre les parties en mesure de déposer des observations, en les avisant de son intention de déposer le rapport ; qu'en l'espèce actuelle, il résulte du propre rapport de l'expert que les parties avaient seulement commencé à évoquer certaines questions lors des rendez-vous précédents, et notamment l'évaluation du préjudice qui faisait partie de la mission de l'expert et étaient convenues d'un autre rendez-vous ; que, dès lors l'expert ne pouvait sans violer le principe du contradictoire,

déposer son rapport, sans avoir provoqué ce rendez-vous ou, s'il estimait ne pas devoir le tenir, mis les parties en demeure de déposer des observations sur les problèmes qui devaient faire l'objet de ce rendez-vous ; que la cour d'appel n'a pu considérer que l'expert avait respecté le principe du contradictoire en ce qui concerne l'évaluation du préjudice, sans tenir de quatrième rendez-vous et sans avoir mis les parties en mesure de déposer de dernières observations ; qu'ainsi la décision attaquée est entachée de violation de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir retenu exactement qu'il appartient à l'expert de décider du nombre des réunions d'expertise, l'arrêt relève qu'il résulte de la relation des opérations d'expertise que l'expert, après s'être fait communiquer les dossiers et les avoir étudiés, a tenu une première réunion où il a demandé aux parties de nombreux renseignements et la production de documents, qu'une deuxième réunion a eu lieu portant principalement sur les modalités de règlement des factures et sur l'examen des documents adressés par les parties et qu'elle a été suivie d'une troisième réunion au cours de laquelle ont été abordés les retards dans les livraisons, la perte de clientèle et la question de l'évaluation du préjudice ; que l'arrêt ajoute que dans leur dire adressé le 11 septembre 1989 à l'expert, postérieurement au dépôt du rapport, les sociétés Bonduelle se bornent à rappeler en quelques lignes ce que la "société Conserveurs associés... a déjà dit et écrit...", ce qui établit qu'une discussion contradictoire a bien eu lieu devant l'expert au sujet de l'évaluation du préjudice ;

que de ces constatations et énonciations la cour d'appel a pu déduire qu'il n'avait pas été porté atteinte aux droits de la défense et ainsi écarter l'exception de nullité ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que formulant les griefs de manque de base légale ci-après reproduits en annexe les sociétés Bonduelle font grief à l'arrêt d'avoir considéré que les sociétés Guisset n'encouraient aucune responsabilité dans la rupture des relations contractuelles ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que le calcul des délais de réglement devait être effectué conformément à la convention des parties qui prévoyait, sans avoir été modifiée sur ce point, un paiement dans un délai de cinq jours suivant la date de facturation, l'arrêt constate que le tableau produit par les sociétés Bonduelle pour justifier du non-respect des délais de paiement prend comme point de départ la date de l'enlèvement de la marchandise et comme point d'arrivée la date à laquelle le compte bancaire des sociétés Bonduelle était crédité de sorte qu'il ne peut être retenu ; que l'arrêt ajoute qu'il ne résulte pas des tableaux établis par l'expert que les sociétés Guisset aient manqué, de manière significative, aux délais de paiement très contraignants qui leur étaient imposés et que les sociétés Bonduelle ne justifient pas leur avoir reproché, à un moment quelconque, de tels manquements ; qu'en l'état de ces constatations la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir souverain d'appréciation en estimant que les griefs formulés, à cet égard, par les sociétés Bonduelle n'étaient pas de nature à justifier la rupture par celles-ci du contrat litigieux ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le dépôt de garantie d'un million de francs avait été constitué à l'initiative de l'administrateur du redressement judiciaire des sociétés Guisset, dans le cadre de sa mission, afin de ne pas créer de dettes postérieures à l'ouverture de la procédure pendant la période d'observation, sans que l'on puisse en déduire une modification de la convention des parties telle qu'elle avait été établie le 22 mai 1986 de sorte que les sociétés Bonduelle ne pouvaient exciper de la disparition d'une prétendue garantie pour cesser leurs livraisons à la société Guisset Conserves ; que la cour d'appel a ainsi procédé à la recherche prétendument omise ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que formulant les griefs ci-après reproduits en annexe les sociétés Bonduelle font encore grief à l'arrêt de les avoir condamnées à payer des dommages-intérêts aux sociétés Guisset ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté qu'il résultait des éléments versés aux débats que les sociétés Guisset avaient définitivement perdu leur clientèle, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a relevé que les sociétés Bonduelle, qui soutenaient que ces sociétés n'auraient pu, en tout état de cause, poursuivre leur activité, n'établissaient pas le bien fondé de cette allégation ;

Attendu, d'autre part, qu'en retenant que la clientèle des sociétés Guisset, constituée pour une partie importante de centrales d'achat, avait une valeur certaine, la cour d'appel a caractérisé le préjudice direct et certain subi par ces sociétés en raison des fautes contractuelles des sociétés Bonduelle ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Bonduelle et les Conserveries Associées, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du quatorze décembre mil neuf cent quatre-vingt-treize.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 91-14739
Date de la décision : 14/12/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

(pour le 1er moyen) MESURES D'INSTRUCTION - Mesures d'instruction exécutées par un technicien - Expertise - Mission - Conduite des opérations - Nombre et objet des réunions - Violation des droits de la défense (non).


Références :

Nouveau Code de procédure civile 16 et 162

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 15 mars 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 déc. 1993, pourvoi n°91-14739


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.14739
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