AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Martine Y..., demeurant ... (Pyrénées-Orientales), en cassation d'un arrêt rendu le 12 juillet 1989 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre, section B), au profit de M. Pierre X..., demeurant 4, cité du Port au Barcarès (Pyrénées-Orientales), défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 octobre 1993, où étaient présents : M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Gié, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, M. Gaunet, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Gié, les observations de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de Mme Y..., de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de M. X..., les conclusions de M. Gaunet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Mme Y... a acquis um appartement dont le prix a été payé, pour partie, par M. X... ; que celui-ci a demandé à Mme Y... le remboursement des sommes avancées ; que, sans contester le mandat par elle donné à M. X... de payer pour son propre compte, Mme Y... a prétendu que les paiements avaient été effectués avec des fonds qu'elle avait confiés à M. X... dans le cadre de leurs relations d'affaires ;
que l'arrêt attaqué (Montpellier, 12 juillet 1989) a condamné Mme Y... au paiement des sommes réclamées ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que, d'une part, en relevant d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce que celui qui a payé la dette d'autrui est présumé l'avoir fait de ses propres deniers, lorsque la quittance n'indique pas l'origine des fonds, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en retenant que M. X... bénéficiait de la présomption selon laquelle celui qui a payé la dette d'autrui, sans indication, dans la quittance, de l'origine des fonds, est présumé l'avoir fait de ses propres deniers, tout en affirmant ensuite que les deux reçus délivrés par le notaire avaient été établis au nom de M. Pierre X..., et indiquaient que les règlements avaient été effectués au moyen de chèques bancaires tirés sur le compte de celui-ci, la cour d'appel s'est contredite ; et alors, en outre, que la remise d'un chèque en règlement du prix d'achat d'un bien ne suffit pas à établir que le paiement a été fait avec les seuls deniers du tireur ; qu'en se bornant à retenir, à l'appui de sa décision, que les règlements avaient été effectués au moyen de chèques tirés sur le compte bancaire de M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1236 et 1999 du Code civil ; et alors, enfin, que Mme
Y... avait fait valoir dans ses conclusions que M. X..., agent immobilier et promoteur, détenait des fonds qu'elle lui avait confiés et qu'en procédant aux règlements litigieux, il s'était borné à rembourser les sommes qu'il lui devait, ce qui explique, d'une part, qu'il ait tenu à ce que son nom figure dans le reçu notarié, d'autre part, que le solde du prix ait été versé par Mme Y... elle-même, son crédit auprès de M. X... étant épuisé ; qu'à l'évidence, si M. X... avait fait l'avance personnelle des fonds qu'il a versés, il aurait fait établir un reçu à son nom, et mieux encore, il aurait exigé une reconnaissance de dette ; qu'il n'aurait pas accepté que le notaire remette les originaux des reçus à Mme Y... ; qu'en outre, il n'aurait pas attendu deux ans pour demander le paiement de sommes aussi importantes ;
qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de Mme Y..., la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que les reçus délivrés par le notaire à M. X... établissaient que les paiements avaient été faits au moyen de chèques tirés sur son compte bancaire et retenu, sans relever un moyen d'office ni se contredire, que si la quittance ne mentionne pas l'origine des fonds, celui qui a payé est présumé l'avoir fait de ses deniers personnels, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des arguments ni à de simples allégations non assorties d'offres de preuve, a souverainement retenu que Mme Y... ne rapportait pas la preuve qu'ainsi qu'elle le soutenait, les fonds ayant servi au paiement lui appartenaient ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y..., envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
La condamne à payer à M. X... la somme de 12 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du huit décembre mil neuf cent quatre-vingt-treize.