ARRÊT N° 2
REJET du pourvoi formé par :
- l'Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (AGRIF), partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 8 juillet 1992, qui, dans les poursuites par elle exercées contre Eric X..., Jean-Christophe Y... et Christine Z..., ainsi que la société l'Echo des Savanes pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe de personnes à raison de son appartenance à une religion déterminée et complicité, a confirmé le jugement du tribunal correctionnel qui, après relaxe des prévenus, l'a déboutée de son action civile.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 24, dernier alinéa, de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que le délit de provocation à la discrimination religieuse n'était pas constitué ;
" aux motifs que " si l'on peut trouver l'article de mauvais goût et susceptible de choquer des catholiques, il n'est pas en revanche de nature à susciter la haine, la violence ou la discrimination à l'égard de citoyens de religion catholique " et que cela résulte du " caractère satirique " du magazine, du " côté " farce et canular " de l'article, de sa " charge ironique et moqueuse " et du fait que " les personnes ayant accepté de " se confesser " ne sont aucunement présentées avec des traits de caractère tels que, par exemple, la veulerie, la bassesse, l'esprit de domination, l'appât du gain ou la recherche de bénéfices sociaux au détriment des autres catégories de personnes " ;
" alors que le fait de tourner en dérision par voie de presse une religion à travers une de ses pratiques fondamentales incite le lecteur à des sentiments d'exclusion et de mépris à l'égard des adeptes de cette religion et constitue donc une provocation à la discrimination, à la haine et à la violence au sens de l'article 24, dernier alinéa, de la loi du 29 juillet 1881 " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que l'association Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne a fait citer devant le tribunal correctionnel Eric X..., directeur de publication du mensuel l'Echo des Savanes, Jean-Christophe Y... et Christine Z..., dite Corinne A..., journalistes à ce périodique, ainsi que la société éditrice l'Echo des Savanes, le premier comme auteur principal, les deux autres comme complices, la dernière comme civilement responsable, à raison du délit de provocation raciale commis au moyen de la publication en mai 1991 dans le numéro 91 du mensuel précité d'un article intitulé : " Confessions en direct : déguisés en curés, nous avons recueilli vos péchés ", ledit article figurant aux pages 30 à 37 et comprenant des photographies des deux reporters vêtus l'un en prêtre, l'autre en religieuse, auprès d'une camionnette surmontée d'une croix très apparente et aménagée en confessionnal avec prie-Dieu et crucifix, interpellant des passants sur la voie publique pour leur proposer une confession ; que la citation incriminant en son entier le texte accompagnant ces clichés retenait, à titre d'exemples, les passages suivants :
page 32 : " Au top 50 des péchés avoués celui de l'adultère est numéro un. Comble de la rigolade pour nos deux reporters qui, entre les traditionnels Pater, durent conseiller à plusieurs reprises les préservatifs... " ;
page 35 : " Bien, va en paix, tu mentiras moins et réciteras 87 Pater et 54 Ave... "
" Peine extrêmement sévère. Mais facile à purger, ce pécheur connaissait ses Pater et ses Ave sur le bout de ses doigts impurs... " ;
page 35, encadré : " Terriblement excité par la cornette de notre consoeur, un noir splendide succombe à la tentation du confessionnal... " ;
page 36, encadré : " Un client raconte sa vie, prenant le confessionnal pour le cabinet d'un psy... " ;
Attendu que, pour confirmer le jugement relaxant les prévenus et déboutant la partie civile de son action, et après en avoir adopté les motifs selon lesquels, notamment, s'il tendait à tourner en dérision la confession en usage dans l'Eglise catholique, l'article incriminé ne suscitait aucun sentiment d'hostilité envers les adeptes de cette religion, la cour d'appel, par des motifs propres, en partie repris au moyen, énonce que ledit article n'est pas de nature à inciter à la haine, à la violence ou à la discrimination envers des citoyens de religion catholique ;
Attendu qu'en statuant ainsi, les juges ont fait l'exacte application de la loi sans encourir le grief allégué au moyen, lequel doit dès lors être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.