AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Henri A..., demeurant à Soulac-sur-Mer (Gironde), lieudit "Le Jeune Soulac", route du Cimetière, actuellement villa "La Marquise", ..., à Soulac-sur-Mer (Gironde), en cassation d'un arrêt rendu le 11 juin 1991 par la cour d'appel de Bordeaux (6ème chambre), au profit :
1 ) de Mme Albert X... née Marianne, demeurant rue Roland Dorgelès, à Soulac-sur-Mer (Gironde),
2 ) de Mme Nicole Z..., demeurant à Talais, Saint-Vivien de Médoc (Gironde),
3 ) de Mme Françoise Y..., demeurant à Saint-Aubin de Médoc, Saint-Médard-en-Jalle (Gironde),
4 ) de M. Michel B...,
5 ) de Mme Michel B..., son épouse, demeurant ensemble rue William Signoret, à Soulac-sur-Mer (Gironde), défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 octobre 1993, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Aydalot, conseiller rapporteur, MM. Cathala, Douvreleur, Peyre, Mme Giannotti, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, conseillers, MM. Chollet, Pronier, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Vernette, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Aydalot, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. A..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des consorts X..., les conclusions de M. Vernette, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 2235 du Code civil, ensemble l'article 2246 du même code ;
Attendu que pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux ; que la citation en justice, donnée même devant un juge incompétent, interrompt la prescription ;
Attendu que, statuant sur une action en bornage de leurs fonds contigus, introduite par M. X... contre M. A..., l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 juin 1991), qui a fixé la limite séparative des propriétés selon les indications de l'expert, a écarté l'exception de prescription acquisitive présentée par M. A..., en retenant que le délai n'avait commencé à courir qu'à compter de la date d'achat du terrain, le 4 juin 1976, et avait été interrompu par l'assignation en bornage, le 19 octobre 1983 ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si M. A... avait pu joindre à sa possession celle de ses auteurs et alors que l'assignation, qui tendait exclusivement à la fixation de la ligne divisoire entre les fonds, n'était pas de nature à interrompre une prescription acquisitive, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du premier des textes susvisés et a violé le second ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 juin 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne les consorts X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Bordeaux, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix novembre mil neuf cent quatre-vingt-treize.