La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/1993 | FRANCE | N°91-18910

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 novembre 1993, 91-18910


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Robert X..., demeurant à Boulogne-sur-Seine (Hauts-de-Seine), ..., en cassation d'un arrêt rendu le 6 juin 1991 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, section 1), au profit de M. le receveur des Impôts de Boulogne Sud, domicilié à Boulogne (Hauts-de-Seine), ..., défendeur à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR

, en l'audience publique du 6 juillet 1993, où étaient présents : M. Bézard, préside...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Robert X..., demeurant à Boulogne-sur-Seine (Hauts-de-Seine), ..., en cassation d'un arrêt rendu le 6 juin 1991 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, section 1), au profit de M. le receveur des Impôts de Boulogne Sud, domicilié à Boulogne (Hauts-de-Seine), ..., défendeur à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 6 juillet 1993, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Loreau, conseiller rapporteur, MM. Nicot, Vigneron, Leclercq, dumas, Gomez, Léonnet, Poullain, conseillers, M. Lacan, Mme Geerssen, M. Huglo, conseillers référendaires, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Loreau, les observations de la SCP Lesourd et Baudin, avocat de M. X..., de Me Foussard, avocat du receveur des Impôts de Boulogne Sud, les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 juin 1991), que la société à responsabilité limitée Brouard Electricité (la société), dont M. X... était le gérant, a été mise en liquidation des biens le 15 mars 1985 ; que le receveur des Impôts de Boulogne-Sud a produit le 2 septembre 1985 entre les mains du syndic sa créance au titre des impositions et pénalités dues par la société pour une somme globale de 946 388,45 francs ; que la clôture de la procédure collective a été prononcée pour insuffisance d'actif le 8 juillet 1987 ; que le receveur des Impôts a assigné le 14 décembre 1989 M. X... pour le faire déclarer solidairement responsable de cette dette fiscale en vertu des dispositions de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'action en responsabilité des dirigeants sociaux instituée par les articles L. 266 et L. 267 du Livre des procédures fiscales est une procédure spécifique en recouvrement de l'impôt incluse dans le chapitre ler du Titre IV du Livre des procédures fiscales consacré aux procédures de recouvrement, qu'elle est donc régie par la section IV de ce même chapitre (articles L. 274 et s.) sur la prescription de l'action en vue du recouvrement ; qu'il résulte des dispositions combinées de ces textes, violées par l'arrêt, que si l'action en responsabilité contre les dirigeants part de la mise en rcouvrement délivrée à la personne morale, la solidarité prononcée par le juge rend le dirigeant débiteur de l'impôt pour l'avenir mais ne produit aucun effet rétroactif de sorte qu'à l'égard de ce dirigeant, seuls sont interruptifs de prescription les actes antérieurs au jugement qui émanent de lui ou lui sont notifiés ; alors d'autre part, que si l'action ouverte au receveur des Impôts par les articles L. 266 et L. 267 du Livre des procédures fiscales peuvent être exercées tant que les poursuites

tendant au recouvrement des créances fiscales ne sont pas atteintes par la prescription telle que fixée par les articles L. 274 et L. 275 du Livre des procédures fiscales, ces derniers textes qui instituent des règles spécifiques applicables à la prescription de l'action en recouvrement disposent que cette prescription peut être interrompue selon certaines modalités mais excluent tout régime de suspension du cours de la prescription ; que cela s'explique d'autant mieux que, lorsque le débiteur est en état de liquidation des biens, le Trésor public n'est pas privé de toute possibilité d'agir et conserve son droit de poursuite individuelle en se conformant aux prescriptions du second alinéa de l'article 80 de la loi du 13 juillet 1967 ; que dès lors, l'arrêt procède de la violation des articles L. 274 et L. 275 du Livre des procédures fiscales ; et alors enfin, que la solidarité instituée par les articles L. 266 et L. 267 n'a pas pour effet d'étendre au dirigeant social mis en cause par l'administration la règle de la suspension des poursuites individuelles résultant de la procédure collective ouverte contre la seule personne morale et n'est donc pas de nature à empêcher en quoi que ce soit l'administration de poursuivre le dirigeant en cause pour avoir paiement de sa créance ;

que l'arrêt procède donc d'une violationde l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales d'où il résulte que la personne poursuivie en qualité de débiteur solidaire d'une dette fiscale peut opposer à l'administration des Impôts les exceptions qui lui sont personnelles, toutes celles qui résultent de la nature de l'obligation ainsi que celles qui sont communes à tous les co-débiteurs ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la production de la créance a interrompu la prescription et que cet effet interruptif s'est trouvé prolongé jusqu'à la date à laquelle la procédure collective est parvenue à son terme par le jugement de clôture pour insuffisance d'actif en date du 8 juillet 1987, de sorte qu'un nouveau délai de quatre ans a commencé à courir à compter de cette date, l'absence de mise en oeuvre de la procédure prévue par l'article 80 de la loi du 13 juillet 1967 par le créancier étant sans influence sur la prescription ; que la cour d'appel en a déduit, à bon droit, qu'à la date de l'assignation, le délai de prescription n'était pas expiré ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... fait également grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors selon le pourvoi, d'une part, qu'il ressort du tableau récapitulatif versé aux débats et établi par le receveur principal, demandeur à l'instance, le 12 décembre 1989 que la somme litigieuse de 946 388,49 francs pour laquelle condamnation a été prononcée contre M. X... comprend à concurrence de 324 150 francs en principal et 253 103 francs en pénalités une imposition à la TVA pour la période de janvier 1981 à décembre 1984, objet d'une notification de redressement du 29 avril 1985 et d'un avis de mise en recouvrement n° 857 491 D du 2 septembre 1985, tous deux notifiés directement au syndic de la société Brouard Electricité et dont M. X... n'avait jamais eu connaissance, de sorte qu'en constatant que les conditions d'application de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales étaient remplies pour les seules années 1982 à

1984, tout en prononçant une condamnation incluant la TVA due par la société au titre de l'année 1981, la cour d'appel a violé ce texte ;

alors d'autre part, que c'est à l'administration demanderesse qu'incombe la charge d'apporter la preuve de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales incombant au dirigeant social incriminé et du lien de causalité entre ces manquements et l'impossiblité de recouvrement des impositions et des pénalités, que viole dès lors l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales l'arrêt qui inverse la charge de la preuve en présumant exactes les affirmations de l'administration et en affirmant que les déclarations CA3 produites par M. X... ne sauraient établir qu'il a effectivement envoyé les dites déclarations àl'administration des Impôts, aucun élément justificatif ne permettant de corroborer ses affirmations ; et alors enfin, que viole l'article L. 267 précité la cour d'appel qui s'abstient de rechercher si l'inefficacité des mesures de poursuites sous forme d'avis à tiers détenteur et de production au passif de la liquidation des biens de la société procède directement des manquements qui auraient dès lors rendu impossible le recouvrement des Impôts et pénalités en cause ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a constaté qu'aucune demande relative à l'année 1981 n'avait été formulée et a retenu que les obligations mises à la charge de la société concernaient les années 1982, 1983 et 1984 et s'élevaient à une somme totale de 946 388,49 francs dont 502 635,49 francs de droits en principal ;

Attendu, d'autre part, qu'après avoir constaté qu'en réponse aux prétentions de l'administration fiscale selon lesquelles elle n'avait pas reçu les déclarations CA3, M. X..., qui soutenait les avoir adressées aux services compétents, les avait versées aux débats, la cour d'appel a relevé que celles-ci n'étaient ni signées ni datées et en a déduit qu'elles ne pouvaient servir d'éléments justificatifs permettant de corroborer ses affirmations ; que la cour d'appel n'a donc pas inversé la charge de la preuve ;

Attendu, enfin, que l'arrêt retient que l'administration fiscale avait été contrainte, devant la carence de M. X..., de procéder à l'établissement des impositions dues selon la procédure de taxation d'office et que le receveur des Impôts de Boulogne-Sud avait authentifié les créances fiscales par 7 avis de mise en recouvrement en date des 14 mars et 26 octobre 1984, 15 avril, 3 juin et 2 septembre 1985, et que ces avis, ainsi que les avis à tiers détenteurs, étaient restés sans effet ; qu'en retenant de ces constatations que M. X... avait laissé s'accumuler une dette fiscale excessive et avait ainsi rendu impossible le paiement de l'impôt, l'administration n'ayant pu finalement percevoir qu'un dividende de 27 050,51 francs au titre de sa production à la procédure collective ; la cour d'appel a effectué la recherche prétendument omise ;

Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que le receveur des Impôts de Boulogne Sud sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 8 000 francs ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Rejette également la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne M. X..., envers le receveur des Impôts de Boulogne Sud, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du neuf novembre mil neuf cent quatre-vingt-treize.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 91-18910
Date de la décision : 09/11/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

(pour le 1er moyen) PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Acte interruptif - Production de la créance à une procédure collective - Effet interruptif se poursuivant jusqu'à la clôture de cette procédure.

PRESCRIPTION ACQUISITIVE - Responsabilité solidaire des dirigeants de sociétés (Livre des procédures fiscales - article L267) - Production d'une créance fiscale au passif de la liquidation des biens - Interruption (oui).


Références :

Livre des procédures fiscales L274 et L275
Loi 67-563 du 13 juillet 1967 art. 80

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 06 juin 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 nov. 1993, pourvoi n°91-18910


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.18910
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award