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09/11/1993 | FRANCE | N°89-20660

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 novembre 1993, 89-20660


Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 1989), que le 16 décembre 1975 était constitué un groupement d'intérêt économique dénommé Groupement pour l'exploitation du matériel pour l'équipement de l'industrie laitière au Venezuela (le Gemeil), composé des sociétés Etudes et réalisations pour l'alimentation, l'agriculture et la chimie (la société Eraac), Lorraine Cotibar, Chalon Megard, Scami, Laguilharre et Y..., dont M. Y... était le président du directoire ; que le Gemeil, dont le président du conseil d'adminis

tration était également M. Y..., a conclu avec M. X... un contrat de représ...

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 1989), que le 16 décembre 1975 était constitué un groupement d'intérêt économique dénommé Groupement pour l'exploitation du matériel pour l'équipement de l'industrie laitière au Venezuela (le Gemeil), composé des sociétés Etudes et réalisations pour l'alimentation, l'agriculture et la chimie (la société Eraac), Lorraine Cotibar, Chalon Megard, Scami, Laguilharre et Y..., dont M. Y... était le président du directoire ; que le Gemeil, dont le président du conseil d'administration était également M. Y..., a conclu avec M. X... un contrat de représentation exclusive au Venezuela ; que M. Y... a consenti sur le compte de sa société une avance de 200 000 francs à la société Eraac pour que celle-ci l'endosse au profit de M. X..., agissant pour le compte de la société Eraac, pour créer au Venezuela une société Aluform en vue de l'acquisition d'une chaine d'emboutissage ayant appartenu à la société Y... et que celle-ci avait vendu à la société Eraac, mais en refusant toute réimplantation de ce matériel à l'étranger ; que M. Y..., poursuivi par la société Y... pour abus de biens sociaux, a été relaxé des fins de la poursuite ; que la société Y... a assigné la société Eraac et MM. Y... et X... pour les voir condamner solidairement à lui rembourser la somme de 200 000 francs ; que les autres sociétés du Gemeil sont intervenues individuellement à l'instance pour voir les mêmes condamnés à réparer le préjudice prétendument subi en raison de l'utilisation indue des moyens et de la structure du Gemeil pour réaliser une opération n'entrant pas dans l'objet social du groupement ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné in solidum avec M. X... et la société Eraac à payer à la société Y... la somme en principal de 200 000 francs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la relaxe du prévenu interdit au juge civil de retenir à son encontre une faute civile ayant sa racine dans l'infraction pénale écartée et, par voie de conséquence, tout lien de causalité avec le dommage allégué ; qu'en l'espèce où l'arrêt pénal avait relaxé M. Y..., alors président du directoire de la société Y..., de la prévention d'un abus de fonction dans l'émission et la transmission du chèque de 200 000 francs, l'arrêt civil ne pouvait imputer au relaxé un dépassement de pouvoir intentionnel relativement à l'émission et à la transmission du même chèque sans méconnaître l'autorité absolue de la chose jugée au pénal et sans violer l'article 1351 du Code civil ; alors d'autre part, que le caractère intentionnel de la faute civile retenue repose sur des constatations de fait contradictoires dans la mesure où l'arrêt ayant relevé par ailleurs que " la cession de ce matériel obsolète a été traitée " hors Gemeil " comme ne rentrant en aucune façon dans " l'objet social de ce groupement ", ne pouvait ensuite reprocher à M. Y... de vouloir " réaliser la revente de la chaîne d'emboutissage... à l'insu des autres membres du Gemeil " ; que l'arrêt a donc violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ; alors en outre, que l'arrêt a insuffisamment qualifié le dépassement fautif des pouvoirs du président en exercice de la société Y... en relation avec le soit-disant dommage de cette société, eu égard aux motifs substantiels de la décision pénale de relaxe, invoqués aux conclusions, précisant que le prévenu " n'a tiré nul profit de l'opération critiquée et que toute son action a tendu à favoriser la cession de matériel obsolète des Etablissements Y... et leur expansion en Amérique du Sud " et " qu'une partie au moins de l'objectif poursuivi a été atteint " ; que l'arrêt a donc violé les articles 1147 et 1992 du Code civil ; et alors enfin, que le dépassement de pouvoir éventuel ayant été guidé par l'intérêt de la société Y... et ayant atteint au moins en partie l'objectif poursuivi s'inscrivait dans le cadre d'une gestion d'affaire au sens des articles 1372 et suivants du Code civil, ce qui excluait toute faute civile ; que l'arrêt a donc violé ce dernier texte ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt énonce à bon droit que la société Y... était recevable à faire état de faits qui, sans être susceptibles d'être qualifiés pénalement, pouvaient constituer des manquements dans l'exécution du mandat social qu'elle avait confié à M. Y... ; qu'il relève que les fonds versés à la société Eraac avaient été faussement comptabilisés dans les livres de la société Y... sous la mention " Delmas-avance en compte courant Venezuela " et la cession litigieuse réalisée à l'insu des autres membres du Gemeil afin d'éviter que le conseil de surveillance de la société Y..., qui y était opposé, fût au courant de l'opération ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu retenir, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée au pénal et sans se contredire, que M. Y... avait commis une faute dans l'exécution de son mandat ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant retenu que M. Y... avait commis une faute dans l'exécution de son mandat social, la cour d'appel n'avait pas à faire la recherche invoquée à la quatrième branche et qui ne lui était pas demandée ;

Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 89-20660
Date de la décision : 09/11/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE (règles générales) - Gestion - Dirigeant social - Faute - Faits insusceptibles d'être qualifiés pénalement - Circonstance inopérante .

SOCIETE (règles générales) - Gestion - Dirigeant social - Faute - Manquements dans l'exécution du mandat social - Faits insusceptibles d'être qualifiés pénalement - Circonstance inopérante

CHOSE JUGEE - Autorité du pénal - Etendue - Relaxe - Relaxe fondée sur l'absence d'intention frauduleuse - Possibilité pour le juge civil de retenir une faute distincte de celle visée par la loi pénale

Une société est recevable à faire état de faits qui, sans être susceptibles d'être qualifiés pénalement, peuvent constituer des manquements dans l'exécution du mandat social qu'elle a confié à son dirigeant. Ayant relevé que les fonds versés avaient été faussement comptabilisés sous une mention erronée dans les livres sociaux et que la cession de matériel du groupement avait été réalisée à l'insu des autres membres de ce groupement afin d'éviter que le conseil de surveillance d'une des sociétés membres qui s'y était opposé fût au courant de l'opération, la cour d'appel a pu retenir, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée au pénal et sans se contredire, que le dirigeant de société avait commis une faute dans l'exécution de son mandat social.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 mai 1989


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 nov. 1993, pourvoi n°89-20660, Bull. civ. 1993 IV N° 401 p. 291
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1993 IV N° 401 p. 291

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Curti.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Loreau.
Avocat(s) : Avocats : M. Choucroy, Mme Luc-Thaler.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:89.20660
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