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02/11/1993 | FRANCE | N°91-16297

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 novembre 1993, 91-16297


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 3 avril 1991) que la société Meubles Lize (société Lize) a, le 24 avril 1987, vendu à la société Kerlann équipement (société Kerlann) trois fonds de commerce, la prise de possession des fonds étant fixée au 16 mars 1987 ; que le prix a été payé pour partie comptant, pour partie par lettres de change à échéances des 31 mai, 30 juin et 31 juillet 1987 ; que la société Lize a été mise en redressement judiciaire le 29 juillet 1987 puis en liquidation judiciaire ; qu'excipant d'une clause de réserve de propriété sur partie des march

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Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 3 avril 1991) que la société Meubles Lize (société Lize) a, le 24 avril 1987, vendu à la société Kerlann équipement (société Kerlann) trois fonds de commerce, la prise de possession des fonds étant fixée au 16 mars 1987 ; que le prix a été payé pour partie comptant, pour partie par lettres de change à échéances des 31 mai, 30 juin et 31 juillet 1987 ; que la société Lize a été mise en redressement judiciaire le 29 juillet 1987 puis en liquidation judiciaire ; qu'excipant d'une clause de réserve de propriété sur partie des marchandises, élément des fonds de commerce vendus, la société Radiola en a revendiqué le prix entre les mains de la société Kerlann et de l'administrateur judiciaire puis du liquidateur de la société Lize ;

Sur le premier moyen pris en ses quatre branches :

Attendu que la société Radiola fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en ce qu'elle était dirigée contre M. X..., liquidateur judiciaire, alors, selon le pourvoi, d'une part, que conformément à l'article 26 de la loi du 25 janvier 1985 et à l'article 51 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, il incombe à l'administrateur ou à défaut au liquidateur de requérir du chef d'entreprise ou de faire lui-même tous actes nécessaires à la conservation des droits de l'entreprise, mais qu'il doit aussi procéder à l'inventaire des biens du débiteur dont un des exemplaires doit être déposé au greffe, étant précisé que les marchandises vendues avec réserve de propriété doivent faire l'objet d'une mention spéciale ; qu'en déclarant qu'il incombait non pas à M. X..., liquidateur, mais à la société Radiola, vendeur initial resté propriétaire des marchandises impayées, d'établir que celles-ci se trouvaient, en nature, à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire dans le patrimoine de la société Lize, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les dispositions susvisées, ensemble l'article 1315 du Code civil ; alors, d'autre part, que par application de l'article 1599 du Code civil, la vente de la chose d'autrui est nulle ; que la cour d'appel qui a relevé, pour refuser à la société Radiola le paiement du prix des marchandises vendues à la société Lize avec une clause de réserve de propriété et revendues par elle avant paiement du prix, que la société Kerlann, sous-acquéreur des marchandises était devenue propriétaire avant la procédure de redressement judiciaire dont a été l'objet la société Lize, a violé la disposition susvisée ; alors, en outre que, pour l'application des articles 121 et 122 de la loi du 25 janvier 1985, les conditions requises pour que le vendeur initial de marchandises vendues, avec une clause de réserve de propriété, mais restées impayées, puisse revendiquer soit les marchandises soit leur prix, s'apprécient à la date de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; qu'en déclarant que ces conditions doivent s'apprécier à la date de la revendication des marchandises et que celle-ci ne pouvait être exercée que sous la forme d'une action en revendication introduite dans les 3 mois du jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions susvisées ; et, alors, enfin, qu'en application de l'article 121 de la loi du 25 janvier 1985, le vendeur de marchandises livrées avec une clause de réserve de propriété mais impayées, peut revendiquer celles-ci si elles se trouvent en nature dans les locaux du débiteur ; qu'en se déterminant par le fait que la société Kerlann, cessionnaire du fonds de commerce du débiteur défaillant, la société Lize, avait été déclarée dans l'acte de cession comme entrée en possession du fonds avant le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la cour d'appel qui s'est abstenue de rechercher si l'entrée en possession du fonds de commerce avait entraîné le transport des marchandises qui étaient stockées dans le magasin du débiteur ou si le cessionnaire avait prix possession du fonds de commerce sans pour autant déplacer les marchandises, a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

Mais attendu que revendiquant, entre les mains du débiteur, non les marchandises elles-mêmes vendues avec réserve de propriété mais leur prix, le vendeur doit prouver que ce prix a été payé par le sous-acquéreur au débiteur après le jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'ayant, par un motif non critiqué, retenu que le prix avait été payé antérieurement au jugement, la cour d'appel a, abstraction faite de tous autres motifs, justifié sa décision ; que le moyen ne peut donc être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches ;

Attendu que la société Radiola fait aussi grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en ce qu'elle était dirigée contre la société Kerlann sous-acquéreur, alors, selon le pourvoi, d'une part, que pour l'application des articles 121 et 122 de la loi du 25 janvier 1985, les conditions requises pour que le vendeur initial de marchandises vendues avec une clause de réserve de propriété puisse revendiquer les marchandises ou le prix payé par le sous-acquéreur, s'apprécient à la date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens ; qu'en déclarant que ces conditions devaient s'apprécier à la date de l'action en revendication exercée par la société Radiola, vendeur initial impayé pour débouter celle-ci de son action exercée contre le cessionnaire du fonds de commerce, acquéreur des marchandises en stock dans les magasins du débiteur défaillant, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions susvisées ; et alors, d'autre part, que par application de l'article 3 de la loi du 17 mars 1909, le cessionnaire du fonds de commerce auquel est signifiée une opposition par un créancier du cédant, ne peut être considéré comme s'étant libéré du paiement du prix s'il n'a pas observé la procédure prévue par ce texte ; que la cour d'appel qui, pour débouter la société Radiola de son action en paiement des marchandises, objet de la cession du fonds de commerce, s'est bornée à déclarer que la mauvaise foi de la société Kerlann, cessionnaire du fonds de commerce n'était pas établie et que les oppositions au paiement du prix délivrées au cessionnaire étaient inopérantes, à défaut d'assignation en revendication mais n'a pas constaté que le cessionnaire avait respecté une fois reçues les oppositions à paiement, le délai de 10 jours prescrit par la disposition précitée pour effectuer un paiement libératoire, a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

Mais attendu, en premier lieu, que si, dans ses conclusions d'appel, la société Radiola a indiqué qu'elle avait fait les 17 et 24 juin 1987, avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, opposition en vertu de la loi du 17 mars 1909 entre les mains du notaire, séquestre des fonds, pour avoir paiement de la somme de 605 226,38 francs qui lui restait due sur factures, elle n'a tiré de ce fait aucune conséquence juridique en se bornant à demander à la société Kerlann le paiement des marchandises vendues avec réserve de propriété portées à l'inventaire de cession, soit en valeur 246 731,75 francs ;

Attendu, en second lieu, que si la créance doit exister sur le débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective, le prix des marchandises vendues avec réserve de propriété ne doit pas avoir été payé, ni réglé en valeur, ni compensé en compte courant entre le débiteur et le sous-acquéreur avant l'exercice contre celui-ci de l'action en revendication ; qu'ayant relevé que la société Kerlann avait en paiement du solde du prix non réglé comptant accepté trois lettres de change dès avant l'ouverture de la procédure, la cour d'appel en a exactement déduit que, par suite du règlement en valeur auquel il avait été ainsi procédé, conformément aux dispositions de l'article 122 de la loi du 25 janvier 1985, la société Radiola ne pouvait plus exercer l'action en revendication du prix à l'encontre du sous-acquéreur des marchandises ;

D'où il suit qu'irrecevable, comme nouveau et mélangé de fait et de droit en sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 91-16297
Date de la décision : 02/11/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Revendication - Marchandises livrées au débiteur - Revente par celui-ci - Revendication de deniers - Conditions - Paiement du prix après l'ouverture de la procédure collective.

1° Le vendeur qui a livré des marchandises avec réserve de propriété ne peut revendiquer entre les mains de l'acheteur, mis en redressement judiciaire, le prix de revente à un sous-acquéreur que si ce prix a été payé après l'ouverture de la procédure collective.

2° ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Revendication - Marchandises livrées au débiteur - Revente par celui-ci - Revendication de deniers - Remise au débiteur en paiement du prix d'une lettre de change acceptée - Règlement en valeur faisant obstacle à la revendication.

2° Ayant relevé que le sous-acquéreur de marchandises vendues avec réserve de propriété avait, en paiement du prix de revente, accepté des lettres de change dès avant l'ouverture du redressement judiciaire de l'acheteur, une cour d'appel en déduit exactement que, par suite du règlement en valeur auquel il avait été ainsi procédé, conformément aux dispositions de l'article 122 de la loi du 25 janvier 1985, le vendeur ne pouvait plus exercer l'action en revendication du prix à l'encontre du sous-acquéreur des marchandises.


Références :

2° :
Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 122

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 03 avril 1991

A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1990-01-09, Bulletin 1990, IV, n° 9, p. 6 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 nov. 1993, pourvoi n°91-16297, Bull. civ. 1993 IV N° 375 p. 273
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1993 IV N° 375 p. 273

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Raynaud.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Lassalle.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.16297
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