AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Micheline Y..., demeurant à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), maison de retraite Paul X..., avenue Paul Cézanne, en cassation d'un arrêt rendu le 9 janvier 1991 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (2e chambre), au profit du Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises, CEPME, société anonyme, dont le siège social est à Paris (2e), ..., défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 29 juin 1993, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Grimaldi, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Grimaldi, les observations de Me Garaud, avocat de Mme Y..., de Me Bouthors, avocat du CEPME, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a donné en sous-location un local commercial à la société Vidéo-Sud, laquelle, en vue d'effectuer des travaux d'aménagement, a conclu le 28 mars 1982 une convention de prêt avec le Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME) ; que cette convention comportait plusieurs clauses, dont une, portant le n° 2, stipulait l'"apport en comptes courant sur les livres de la société Vidéo-Sud d'une somme de 136 000 francs" ; que Mme Y... s'est portée caution solidaire de la société Vidéo-Sud de toutes sommes dues pour l'exécution du contrat de prêt, et a renoncé au bénéfice de l'article 2037 du Code civil ;
que, faute de remboursement par la société Vidéo-Sud, leCEPME a assigné la caution en paiement ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 1134, 1181 et 2037 du Code civil, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er mars 1984, applicable en la cause ;
Attendu que, pour décider que le fait que le CEPME n'a pas exigé la justification de l'apport en compte courant de la somme de 136 000 francs n'avait aucune conséquence quant à l'obligation de la caution, l'arrêt se borne à retenir que Mme Y... avait renoncé au bénéfice de l'article 2037 du Code civil ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la clause relative à l'apport en compte courant constituait une condition suspensive dont la non-réalisation entraînait la disparition rétroactive du contrat ou une suite du contrat déjà formé, entrant dans le champ d'application de l'article 2037 du Code civil, au bénéfice duquel Mme Y... avait renoncé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 2013 du Code civil et l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que si, par application de l'article 1153, alinéa 3, du Code civil, la caution est tenue, à titre personnel, à compter de la mise en demeure qui lui est faite, des intérêts au taux légal de la somme due, en revanche, elle n'est pas tenue des intérêts de la dette du débiteur principal mis en redressement judiciaire, au delà de la date du jugement prononçant ce redressement ;
Attendu que l'arrêt condamne Mme Y... au paiement des intérêts dus par le débiteur principal, sans les arrêter à la date du jugement prononçant le redressement judiciaire de ce débiteur ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 janvier 1991, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
remet, en conséquence, la cause et les partiesdans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne le CEPME, envers Mme Y..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du deux novembre mil neuf cent quatre-vingt-treize.