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27/10/1993 | FRANCE | N°91-15611

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 27 octobre 1993, 91-15611


Attendu que M. Louis B..., agriculteur, a épousé en premières noces Mme C... ; que, de cette première union, sont issus cinq enfants :

Z..., Albert, Louis, Marie-Louise et Marie-Thérèse ; qu'après le décès de Mme C..., M. Louis B... s'est remarié avec Mme Y..., qui avait un enfant d'un premier lit, Yvette A... ; que, de cette seconde union est issue une fille, Anne-Marie B... ; que M. Louis B... et Mme Y... sont tous deux décédés en 1974 ; que, les 24 et 30 décembre 1983, Marie-Louise B..., épouse X...
D... et Marie-Thérèse B..., épouse Z...
D..., ont assigné le

urs trois frères, ainsi qu'Yvette A... et Anne-Marie B..., en liquidation-part...

Attendu que M. Louis B..., agriculteur, a épousé en premières noces Mme C... ; que, de cette première union, sont issus cinq enfants :

Z..., Albert, Louis, Marie-Louise et Marie-Thérèse ; qu'après le décès de Mme C..., M. Louis B... s'est remarié avec Mme Y..., qui avait un enfant d'un premier lit, Yvette A... ; que, de cette seconde union est issue une fille, Anne-Marie B... ; que M. Louis B... et Mme Y... sont tous deux décédés en 1974 ; que, les 24 et 30 décembre 1983, Marie-Louise B..., épouse X...
D... et Marie-Thérèse B..., épouse Z...
D..., ont assigné leurs trois frères, ainsi qu'Yvette A... et Anne-Marie B..., en liquidation-partage des communautés et successions Lefort-Raulin et Lefort-Corda ; que l'arrêt attaqué a constaté que les indemnités de dommages de guerre perçues par Mme Y... avaient servi à l'aménagement d'un hangar métallique évalué par l'expert à 55 000 francs, et fixé à cette somme le montant de la récompense due par la seconde communauté à la succession ; que la même décision a débouté Yvette A... de sa demande de salaire différé et Henri, Albert, Louis et Anne-Marie B... de leurs demandes d'attribution préférentielle ; que ces derniers ont formé pourvoi principal, tandis qu'Yvette A... relevait, de son côté, pourvoi incident ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de Mme A... :

Attendu que Mme A... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en paiement d'une somme de 29 240 francs, alors, selon le moyen, qu'elle avait fait valoir dans ses conclusions d'appel incident qu'aucune des parties au procès n'avait contesté qu'elle ait travaillé du 18 novembre 1947 au 13 octobre 1951 sur l'exploitation de M. Louis B..., qui avait épousé sa mère le 16 mars 1950 ; que lorsqu'un fait est ainsi admis par l'ensemble des parties, le juge ne peut que le tenir pour avéré, sans disposer d'aucun pouvoir d'appréciation ; que même en admettant qu'il n'y ait plus eu enrichissement de l'exploitation de M. Louis B... à compter du jour où il avait épousé Mme Y... et où les nouveaux époux avaient entretenu l'enfant du premier lit de celle-ci, la cour d'appel ne pouvait lui refuser un droit à indemnité pour la période antérieure à ce second mariage, sans violer les articles 1134, 1315 et 1371 du Code civil ;

Mais attendu que les consorts D... s'en étant rapportés à justice sur le mérite de la demande de Mme A..., ce rapport à justice s'analysait, non comme une approbation, mais comme une contestation de cette demande, dont le bien ou le mal-fondé étaient laissés à l'appréciation des juges du fond, de telle sorte que la cour d'appel n'était pas obligée de tenir pour avéré le fait que Mme A... aurait travaillé sur l'exploitation agricole, du 18 novembre 1947 au 13 octobre 1951 ; que, dès lors, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve soumis à son examen que la juridiction du second degré a estimé qu'aucune pièce du dossier n'établissait que Mme A... ait travaillé sur cette exploitation, avant le mariage de sa mère célébré le 16 mars 1950 ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal des consorts B... :

Attendu que les consorts B... font grief à l'arrêt d'avoir fixé à 55 000 francs le montant de la récompense due par la seconde communauté Lefort-Corda à la succession, alors, selon le moyen, que le profit subsistant doit se déterminer d'après la proportion selon laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de l'acquisition ou de l'amélioration d'un bien ; qu'en l'espèce, les sommes perçues par Mme Y... au titre des dommages de guerre avaient servi à la construction d'un hangar ; qu'en refusant de limiter la récompense aux seules sommes investies, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1469, alinéa 3, du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu comme constant que la construction du hangar litigieux, évalué par l'expert à 55 000 francs, avait été entièrement financée avec les seuls fonds provenant de l'indemnité de dommages de guerre de Mme Y..., sans que la communauté ait contribué à ce financement et alors que les fonds investis par M. Henri B..., non pour cette construction, mais pour l'entretien ultérieur du bâtiment, n'avaient pas à être pris en considération pour le calcul du profit subsistant, c'est à bon droit que l'arrêt attaqué a estimé que la récompense devait être égale à l'intégralité de cette somme de 55 000 francs ;

Qu'il s'ensuit que le premier moyen du pourvoi principal ne peut être accueilli ;

Mais sur le deuxième moyen du même pourvoi :

Vu l'article 832, alinéa 3, du Code civil ;

Attendu que la participation effective à la mise en valeur de l'exploitation agricole, dont un héritier demande l'attribution préférentielle, peut avoir été de pur fait et avoir existé à un moment quelconque, aussi bien lors de l'ouverture de la succession qu'avant ou après celle-ci ;

Attendu que pour décider que les consorts B... ne réunissaient pas les conditions exigées par le texte susvisé, l'arrêt attaqué retient qu'ils ne peuvent produire les baux attestant leur exploitation du vivant de leur père et que les seuls actes d'exploitation dont ils justifient sont postérieurs au décès de celui-ci ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs dépourvus de pertinence, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le troisième moyen du même pourvoi, qui est recevable :

Vu les articles 815-9 et 815-10 du Code civil ;

Attendu que pour attribuer aux consorts D... une double indemnité en réparation du préjudice causé à l'indivision par l'occupation privative des consorts B..., l'arrêt attaqué énonce, par motif adopté, que ces derniers sont redevables d'une indemnité fondée sur l'article 815-9 du Code civil et d'une indemnité fondée sur la privation des fruits et revenus et, par motif propre, que l'offre des consorts B... visant à acquitter une simple indemnité d'occupation était contraire aux prescriptions de l'article 815-10 du Code civil, dans la mesure où ils ont bénéficié, à titre privatif, des fruits et revenus des biens indivis qui auraient dû accroître à l'indivision ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité d'occupation a pour objet de réparer le préjudice causé à l'indivision par la perte des fruits et revenus et de se substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère, de telle sorte que l'arrêt attaqué ne pouvait ajouter à cette indemnité d'occupation une autre indemnité destinée à compenser la perte de ces fruits et revenus, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi incident de Mme A... ;

Et sur le pourvoi principal des consorts B... :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté leur demande d'attribution préférentielle et en ce qu'il les a condamnés à payer aux consorts D... une double indemnité, l'arrêt rendu le 10 janvier 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 91-15611
Date de la décision : 27/10/1993
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° JUGEMENTS ET ARRETS - Conclusions - Rapport à justice - Portée.

1° POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Demande en paiement de salaire différé - Travail sur l'exploitation agricole - Preuve.

1° Le défendeur s'en étant rapporté à justice sur le mérite d'une demande en paiement de salaire différé, ce rapport à justice s'analyse, non comme une approbation, mais comme une contestation de cette demande, dont le bien ou le mal-fondé étaient laissés à l'appréciation des juges du fond de telle sorte que la cour d'appel n'était pas obligée de tenir pour avéré le fait que le demandeur aurait travaillé sur l'exploitation agricole. Dès lors c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve soumis à son examen que la cour d'appel a estimé qu'aucune pièce du dossier n'établissait ce fait.

2° SUCCESSION - Partage - Attribution préférentielle - Domaine rural - Conditions - Participation à la mise en valeur du domaine - Moment.

2° SUCCESSION - Partage - Attribution préférentielle - Domaine rural - Conditions - Participation à la mise en valeur du domaine - Notion de pur fait 2° PARTAGE - Attribution préférentielle - Domaine rural - Conditions - Participation à la mise en valeur du domaine - Moment 2° PARTAGE - Attribution préférentielle - Domaine rural - Conditions - Participation à la mise en valeur du domaine - Notion de pur fait.

2° La participation effective à la mise en valeur de l'exploitation agricole dont un héritier demande l'attribution préférentielle peut avoir été de pur fait et avoir existé à un moment quelconque, aussi bien lors de l'ouverture de la succession qu'avant ou après celle-ci.

3° INDIVISION - Chose indivise - Usage par un indivisaire - Immeuble - Indemnité d'occupation - Caractère exclusif.

3° INDIVISION - Chose indivise - Usage par un indivisaire - Immeuble - Indemnité d'occupation - Nature.

3° L'indemnité d'occupation a pour objet de réparer le préjudice causé à l'indivision par la perte des fruits et revenus, et de se substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère, de telle sorte qu'il ne peut lui être ajouté une autre indemnité destinée à compenser la perte de ces fruits et revenus.


Références :

2° :
Code civil 815-9, 815-10
3° :
Code civil 832 al. 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 10 janvier 1991

A RAPPROCHER : (2°). Chambre civile 1, 1980-01-09, Bulletin 1980, I, n° 22, p. 18 (cassation), et les arrêts cités. A RAPPROCHER : (3°). Chambre civile 1, 1990-01-10, Bulletin 1990, I, n° 9, p. 17 (cassation partielle)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 27 oct. 1993, pourvoi n°91-15611, Bull. civ. 1993 I N° 301 p. 207
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1993 I N° 301 p. 207

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Grégoire, conseiller le plus ancien faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. Lupi.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Thierry.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Peignot et Garreau, MM. Vuitton, Blondel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.15611
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