Sur le moyen unique, pris en ses six branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 septembre 1991), que les dirigeants de la société Cravero frères (la société Cravero) ont créé, en vue de la réalisation d'un ensemble immobilier dénommé La Rouvière et La Super Rouvière, la société anonyme immobilière La Rouvière (la SAI) ; qu'en 1968, une première tranche des travaux prévus étant achevée, la société Cravero, qui éprouvait des difficultés financières, s'est rapprochée d'un groupe de banques comprenant la Banque nationale de Paris, le Comptoir des entrepreneurs, la Midland Bank et l'Union de crédit pour le bâtiment (les banques) ; que celles-ci ont accepté d'apporter leur concours financier pour l'exécution de la suite du programme immobilier, le remboursement de l'ouverture de crédit ainsi consentie étant garantie par l'affectation hypothécaire des immeubles de l'ensemble de La Rouvière et de La Super Rouvière, en cours de vente ; que, le 14 avril 1970, le tribunal de commerce a mis la société Cravero en règlement judiciaire , ultérieurement converti en liquidation des biens, la SAI demeurant maîtresse de ses biens et un administrateur provisoire lui étant désigné, en la personne de M. Mercier, par ordonnance du président du tribunal de commerce, avec mission de faire achever le programme immobilier ; qu'avant l'achèvement, en 1975, d'une autre partie des travaux, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier La Rouvière et la Super Rouvière (le syndicat) a, le 3 octobre 1972, engagé, à l'encontre de la SAI, une action tendant à la réparation de malfaçons et à la réalisation d'un centre social, conformément aux plans initiaux ; que, par jugement du 23 septembre 1981, le tribunal de grande instance a accueilli cette demande en condamnant la SAI, représentée par M. Mercier, à payer au syndicat une indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation de son préjudice ; que, ne pouvant faire face à cette condamnation, assortie de l'exécution provisoire, M. Mercier a déclaré la cessation des paiements de la SAI, qui a été mise en règlement judiciaire le 3 décembre 1981, ultérieurement converti en liquidation des biens ; qu'après avoir produit sa créance de réparation au passif, le syndicat, invoquant son caractère irrécouvrable, a assigné, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, M. Mercier, pris en son nom personnel, et les banques, afin que le montant des condamnations prononcées par le jugement du 23 septembre 1981 soit mis à leur charge, en faisant valoir, d'un côté, que M. Mercier s'était abstenu de déclarer en temps utile la cessation des paiements de la SAI et avait poursuivi la réalisation du programme immobilier dans le seul intérêt des banques, et, d'un autre côté, que ces dernières avaient financé la survie artificielle de la SAI ;
Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, 1°) que la cessation des paiements est caractérisée par l'impossibilité où se trouve le débiteur de faire face à son passif exigible au moyen de son actif disponible ; que la cour d'appel, qui décide que la SAI n'était pas en cessation des paiements dès lors que les banques n'exigeaient pas le règlement de leur créance et payaient les fournisseurs, a violé l'article 1er de la loi du 13 juillet 1967 ; alors, 2°) que la valeur de l'actif disponible d'une société anonyme doit tenir compte des pertes et charges probables qui doivent faire l'objet d'une provision inscrite au bilan ; que la cour d'appel, qui énonce que la SAI n'avait pas à provisionner la dette éventuelle correspondant pour elle à la créance du syndicat avant le jugement de condamnation obtenu par celui-ci, a violé les articles 342 de la loi du 24 juillet 1966 et 1er de la loi du 13 juillet 1967, applicables en la cause ; alors, 3°) que l'obligation, pour l'administrateur judiciaire d'une société, de " déposer le bilan " dans les 15 jours de la cessation des paiements constitue une règle d'ordre public édictée notamment pour la sauvegarde de l'égalité des créanciers ; que la cour d'appel n'a pu, sans violer l'article 1er de la loi du 13 juillet 1967, décider qu'on ne pouvait faire grief à M. Mercier d'avoir favorisé les banques, dès lors qu'il entrait dans sa mission, définie par ordonnances présidentielles, d'achever le programme immobilier de la SAI avec le concours des banques, de telle sorte que le préjudice dont se plaint le syndicat n'est que la conséquence d'une politique acceptée par tous au départ avec les moyens qu'elle appelait ; alors, 4°) que la cour d'appel n'a pu, sans violer l'article 1165 du Code civil, opposer au syndicat les conséquences d'un accord conclu entre la SAI et ses principaux créanciers, accord à la conclusion duquel le syndicat était demeuré étranger ; alors, 5°) que l'administrateur provisoire, muni de tous les pouvoirs du conseil d'administration d'une société anonyme demeurée in bonis, n'est pas dispensé de régler le passif de la personne morale né du chef des anciens dirigeants ; que la cour d'appel, qui décide que les banques ont pu, sans faute, financer la survie de la SAI et M. Mercier gérer sans faute la même société, dès lors que la créance du syndicat a sa source dans des malfaçons et absences de livraison antérieures à la nomination de M. Mercier, a violé, outre l'article 1382 du Code civil, la règle de l'unité du patrimoine résultant de l'article 2093 du même Code ; et alors, 6°) qu'une banque commet une faute en consentant ou en maintenant des crédits à une entreprise dont elle connaît la situation irrémédiablement compromise ; que, saisie de conclusions soutenant que le " pool " bancaire qui assurait, par l'intermédiaire de M. Mercier, la gestion de la SAI avait maintenu cette société en état de survie artificielle, malgré sa cessation des paiements, pendant 10 ans, la cour d'appel, qui n'a pas recherché la date à laquelle les banques ont su que la situation de la SAI était irrémédiablement compromise en raison de l'action en garantie et responsabilité exercée par le syndicat par acte du 10 octobre 1972, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil :
Mais attendu, en premier lieu : (sans intérêt) ;
Attendu, en deuxième lieu, que les créances des banques non réclamées par elles n'étant pas comprises, comme le retient exactement l'arrêt, dans le passif exigible de la SAI, laquelle n'avait connu aucun incident de paiement avant 1981, et l'existence d'une provision pour litige en cours avec le syndicat ne pouvant servir à caractériser l'insuffisance de l'actif disponible, la cour d'appel a pu en déduire que M. Mercier, en ne déclarant la cessation des paiements de la SAI qu'après la condamnation exécutoire prononcée au profit du syndicat, n'avait commis de ce chef aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité délictuelle envers ce dernier ;
Attendu, en troisième lieu : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.