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19/10/1993 | FRANCE | N°91-14844

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 octobre 1993, 91-14844


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société anonyme Laguilharre, dont le siège est ... à Rueil-Malmaison, en cassation d'un arrêt rendu le 14 mars 1991 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), au profit :

1 / de la société anonyme La Laiterie de Montaigu, dont le siège est à Montaigu (Vendée),

2 / de la société anonyme établissements Neu, dont le siège est 70, rue du Collège à Marcq-en-Baroeul (Nord),

3 / des Mutuelles du

Mans, assurances IARD, dont le siège est ... au Mans (Sarthe), défenderesses à la cassation ;

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société anonyme Laguilharre, dont le siège est ... à Rueil-Malmaison, en cassation d'un arrêt rendu le 14 mars 1991 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), au profit :

1 / de la société anonyme La Laiterie de Montaigu, dont le siège est à Montaigu (Vendée),

2 / de la société anonyme établissements Neu, dont le siège est 70, rue du Collège à Marcq-en-Baroeul (Nord),

3 / des Mutuelles du Mans, assurances IARD, dont le siège est ... au Mans (Sarthe), défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 15 juin 1993, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Clavery, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, MM. Edin, Grimaldi, Apollis, Lassalle, Tricot, conseillers, MM. Le Dauphin, Rémery, conseillers référendaires, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Clavery, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la société Laguilharre, de Me Hémery, avocat de la société La Laiterie de Montaigu, de Me Thomas-Raquin, avocat de la société Etablissements Neu, les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la société Laguilharre de son désistement envers les Mutuelles du Mans assurances IARD ;

Déclare irrecevable le mémoire en défense de la société Etablissements Neu, présenté hors délai ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 mars 1991), que la société La Laiterie de Montaigu a commandé à la société Laguilharre, l'installation d'un compresseur à vapeur d'eau fabriqué par la société Neu et destiné à la concentration de lait écrémé ; que lors de la mise en route de l'installation en novembre 1982, des vibrations ont été constatées, nécessitant de la part du fabricant un rééquilibrage d'une des pièces ; qu'en décembre 1984 de nouvelles vibrations sont apparues ; que la société La Laiterie de Montaigu a demandé en référé la désignation d'un expert ; qu'à la suite du dépôt du rapport de celui-ci, la société La Laiterie de Montaigu a assigné les sociétés Laguilharre et Neu, pour les faire condamner solidairement au paiement de dommages et intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Laguilharre fait grief à l'arrêt d'avoir mentionné que le conseiller chargé du rapport, avait tenu seul l'audience des débats, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, sans préciser qu'il avait entendu les plaidoiries, alors, selon le pourvoi, que si le magistrat de la mise en état ou le conseiller rapporteur peut tenir seul l'audience des débats, c'est à la triple condition que les avocats ne s'y opposent pas, qu'il entende les plaidoiries et en rende compte à la juridiction dans son délibéré, la décision devant, à peine de nullité, mentionner qu'il a été satisfait à ces formalités ; qu'en se bornant à relever que le magistrat rapporteur avait tenu seul l'audience des débats avec l'accord des avocats, sans mentionner qu'il avait entendu les plaidoiries, la cour d'appel a violé les articles 786 et 945-1 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt que les débats ont eu lieu devant un seul magistrat qui a fait rapport à la formation collégiale, les conseils des parties ne s'y étant pas opposées ; que ces seules mentions suffisent à établir qu'il a été satisfait aux exigences des textes visés au pourvoi, d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Laguilharre reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement d'une somme de 386 887,50 francs au profit du maître de l'ouvrage, en réparation des désordres et avaries présentés par l'appareil installé et d'avoir à cette fin refusé de prononcer la nullité du rapport de l'expert judiciaire ayant partagé la responsabilité entre l'installateur et le fabricant alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'expert judiciaire doit accomplir personnellement la mission qui lui a été confiée et, s'il peut demander l'avis d'un autre technicien, c'est à la seule condition qu'il s'agisse d'un technicien d'une autre spécialité que la sienne ; qu'ayant relevé que l'expert judiciaire avait eu recours à l'ISMCM parce qu'il ne disposait pas des appareils lui permettant d'effectuer les mesures de vibrations qu'il estimait nécessaires, ce dont il résultait qu'il n'avait pas eu recours à l'avis d'un technicien d'une autre spécialité que la sienne mais avait bien, en réalité, délégué sa mission parce qu'il n'avait pas les moyens matériels de l'accomplir, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les articles 233 et 278 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que lorsque l'expert judiciaire prend l'initiative, comme le lui permettent les articles 278 et 282 du nouveau Code de procédure civile, de recueillir l'avis d'un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne, il doit, pour respecter le principe du contradictoire, porter cet avis à la connaissance des parties avant le dépôt même de son rapport, afin de leur permettre d'en discuter devant lui ; qu'en retenant qu'aucune disposition n'obligeait l'expert à communiquer aux parties, avant le dépôt de son rapport, l'avis du technicien auquel il avait eu recours, la cour d'appel, à qui il appartenait de faire respecter et d'observer elle-même le principe du contradictoire, a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir constaté que l'expert ne disposait pas des appareils lui permettant d'effectuer les mesures de vibrations estimées nécessaires, l'arrêt retient que c'est ce technicien qui a mené les opérations d'expertise et a dirigé les travaux de l'ISMCM sur place, ce dont il résulte qu'il n'a pas délégué partie de sa mission ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que lors des mesures confiées à l'ISMCM les parties avaient été convoquées et tenues au courant des opérations ; que c'est ainsi que les opérations de l'ISMCM ont commencé le 9 septembre 1986, que les parties étaient présentes ou convoquées, que des questions et demandes de précisions ont été posées par les ingénieurs de l'ISMCM aux parties, que des mesures ont été effectuées le 6 juillet 1987 par cet institut, en présence des représentants des sociétés La Laiterie de Montaigu, et de Laguilharre, après convocation par télex des parties, que l'ISMCM, a procédé le 2 juillet 1987 à des constatations lors du remplacement des pièces exécuté avec l'accord de la société Laguilharre, les parties étant alors dument convoquées ; qu'en l'état de ces constatations desquelles il résulte que les parties avaient été étroitement associées aux opérations de l'ISMCM à leurs différnts stades, la cour d'appel a pu décider que le principe de la contradiction avait été respecté ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen pris en ses trois branches :

Attendu que la société Laguilharre fait aussi grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de plusieurs factures dues au titre d'interventions effectuées pour remédier aux vices de fabrication alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge doit réparer tout le préjudice mais sans profit pour la victime ; que la société Laguilharre faisait valoir que, pour déterminer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage, l'expert judiciaire avait pris en considération les factures dont elle demandait précisément le paiement ; qu'en condamnant la demanderesse à payer l'indemnité telle qu'elle avait été évaluée par l'expert, tout en la déboutant de sa demande reconventionnelle en paiement de ces factures, sans répondre aux conclusions soulignant que les factures impayées étaient incluses dans l'indemnité allouée, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'une créance indemnitaire ne porte intérêts qu'à compter du jour de la décision qui la consacre ; qu'en condamnant la société Laguilharre à payer sur l'indemnité allouée des intérêts à dater du 5 avril 1988, jour de l'assignation, la cour d'appel a violé l'article 1153-1 du Code civil ; et alors, enfin, que si la loi permet au juge de fixer le point de départ des intérêts à une date différente de celle de sa décision, c'est à la condition de la motiver de ce chef ; qu'en faisant courir les intérêts de la somme allouée à partir de la date de l'assignation, sans assortir ce chef d'aucun motif, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'artile 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'en constatant que les travaux commandés par la société La Laiterie de Montaigu à la société Laguilharre se sont avérés mal exécutés et sans résultat efficace puisque c'est seulement après exécution des travaux préconisés par l'expert que l'installation a fonctionné sans heurts, la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux conclusions invoquées ;

Attendu, en second lieu, qu'en fixant au jour de l'assignation le point de départ des intérêts produits de la somme allouée, la cour d'appel n'a fait qu'user de la faculté remise à sa discrétion par l'article 1153-1 du Code civil ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Laguilharre, envers les défenderesses, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix-neuf octobre mil neuf cent quatre-vingt-treize.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 91-14844
Date de la décision : 19/10/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

(sauf pour le 3e moyen) MESURES D'INSTRUCTION - Mesures d'instruction exécutées par un technicien - Expertise - Caractère contradictoire - Constatations suffisantes.

MESURES D'INSTRUCTION - Mesures d'instruction exécutées par un technicien - Expertise - Mission - Délégation (non).

COURS ET TRIBUNAUX - Débats - Débats devant le juge rapporteur - Constatations suffisantes.


Références :

Nouveau code de procédure civile 160, 278, 786 et 945-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 14 mars 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 oct. 1993, pourvoi n°91-14844


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.14844
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