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12/10/1993 | FRANCE | N°91-17985

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 octobre 1993, 91-17985


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 ) la société anonyme Gématel, dont le siège et ... à Chennevières-sur-Marne (Val-de-Marne),

2 ) M. Michel X..., demeurant ... (Val-de-Marne),

3 ) M. Z... Lévy, demeurant ... à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis),

4 ) M. Y..., demeurant ... de Saint-Maur à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), agissant ès qualités de mandataire-liquidateur de la société Gématel, en cassation d'un arrêt re

ndu le 11 juillet 1991 par la cour d'appel de Paris (15e Chambre, Section B), au profit :

1 ) de la ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 ) la société anonyme Gématel, dont le siège et ... à Chennevières-sur-Marne (Val-de-Marne),

2 ) M. Michel X..., demeurant ... (Val-de-Marne),

3 ) M. Z... Lévy, demeurant ... à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis),

4 ) M. Y..., demeurant ... de Saint-Maur à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), agissant ès qualités de mandataire-liquidateur de la société Gématel, en cassation d'un arrêt rendu le 11 juillet 1991 par la cour d'appel de Paris (15e Chambre, Section B), au profit :

1 ) de la Banque parisienne de crédit, dont le siège est ... (9e),

2 ) de la Banque de Baecque Beau, dont le siège est ... (9e), défenderesses à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 8 juin 1993, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Dumas, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Dumas, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Gématel, des consorts X... et de M. Y... ès qualités, de Me Le Prado, avocat de la Banque parisienne de crédit et de la Banque de Baecque Beau, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 11 juillet 1991), qu'au mois de novembre 1987, la société Gématel s'est adressée à deux de ses banquiers, la Banque parisienne de crédit (BPC) et la Banque de Baecque Beau (BBB)), afin d'obtenir un crédit à moyen terme d'un montant de 2 000 000 francs ; que la BPC a refusé de participer à ce financement mais, par lettre du 30 novembre, a consenti un découvert de 1 000 000 francs pour une période de deux mois ; que divers événements survenus au cours du mois de décembre ont conduit cette banque à ne pas exécuter l'ordre de virement de sa cliente concernant les salaires du mois ; qu'entre-temps, la BBB, par courrier visant l'importance des pertes enregistrées au 30 septembre et la défection de la BPC, avait également refusé de prendre une participation dans le crédit sollicité ; que la société Gématel ayant déclaré la cessation de ses paiements le 15 décembre 1987, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 12 janvier 1988 ; que M. Michel Lévy, président du conseil d'administration de la société Gématel, et son père, M. Z... Lévy, administrateur de cette société, ont été poursuivis en leur qualité de cautions, le premier par les deux établissements de crédit, le second par la seule BPC ; que, de leur côté, la société Gématel et son administrateur judiciaire ont recherché la responsabilité des deux banques pour rupture brutale et injustifiée de leurs concours ; que,

le 8 novembre 1990, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Gématel, M. Y... étant nommé liquidateur ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté la société Gématel de ses demandes tendant à la condamnation de la BPC à l'indemniser du préjudice par elle subi en conséquence de la brusque rupture, par cette banque, des concours financiers qu'elle s'était engagée à lui fournir, pour une durée de deux mois, à hauteur d'un million de francs, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société Gématel, qui ne se prévalait pas seulement du refus opposé par la BPC à sa demande de procéder au paiement des salaires, mais faisait également valoir que le rejet fautif, dès le 3 décembre 1987, soit antérieurement à la demande de règlement amiable et à la déclaration de cessation des paiements, comme dépourvus de provision, de chèques qu'elle avait émis, était, pour partie, à l'origine du préjudice qu'elle avait subi, en tant que ce refus l'avait empêchée de mener à bien, à une époque où sa situation n'était nullement compromise, les efforts de redressement qu'elle avait préalablement entrepris, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société Gématel, qui faisait valoir, à l'effet d'établir l'existence d'un lien de causalité entre l'attitude fausse de la banque et le préjudice par elle subi que, ainsi que l'avaient justement observé les premiers juges, sa situation n'était nullement irrémédiablement compromise lors de la rupture fautive par la BPC de ses engagements, dès le 3 décembre 1987, puisque, d'une part, deux ans plus tard, elle poursuivait encore son activité, et, d'autre part, le tribunal de commerce avait ouvert une procédure de redressement judiciaire et homologué le plan de redressement par elle présenté, dont l'échec résultait, au moins pour partie, du comportement de la banque, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

et alors, enfin, et en toute hypothèse, qu'en se bornant à déduire l'absence de lien de causalité entre la faute commise par la BPC et le préjudice subi par la société Gématel de l'antériorité de la déclaration de cessation des paiement au regard de la faute, de la prétendue absence d'explication par la société Gématel sur sa situation réelle à ce moment et sur ses possibilités effectives de redressement, et de l'affirmation selon laquelle le plan de redressement n'avait jamais reçu de commencement d'application, motifs impuissants à exclure la responsabilité de la Banque dans le préjudice subi par la société, tant en ce que celle-ci s'était vue contrainte de solliciter l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, en suite des refus fautifs de paiement qui lui avaient été opposés, qu'en ce qu'elle n'a pu mener à bien le plan de redressement approuvé par le Tribunal, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et, partant, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1146 et suivants du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'il ne peut être reproché à la cour d'appel, devant laquelle il était soutenu que l'interruption du concours financier, constitutive de la faute alléguée, consistait dans le refus opposé par la BPC à une demande de virement de salaires formulée le 21 décembre 1987, de ne pas avoir répondu, s'agissant de la détermination de cette faute, à l'argument qui est évoqué dans la première branche du moyen et qui s'inscrivait dans le cadre d'une discussion différente, relative à la situation de la société Gématel ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt déclare que les appelants ne s'expliquent ni sur la situation réelle de la société Gématel au mois de décembre 1987 ni sur ses possibilités effectives de redressement, répondant par là-même aux conclusions invoquées dans la deuxième branche du moyen ;

Attendu, enfin, qu'ayant retenu en outre que les appelants ne s'expliquaient pas sur l'antériorité de la déclaration de cessation des paiements au regard de la faute invoquée, la cour d'appel a pu en déduire que l'existence du lien de causalité, nécessaire pour retenir une responsabilité même partielle à la charge de la banque n'était pas établie ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses six branches :

Attendu qu'il est également fait grief à l'arrêt d'avoir débouté la société Gématel de ses demandes tendant à la condamnation de la BBB à l'indemniser du préjudice par elle subi en conséquence de la brusque rupture, par cette banque, des concours financiers qu'elle s'était engagée à lui fournir, pour une durée de trois mois, à hauteur d'un million de francs, alors, selon le pourvoi, de première part, qu'en estimant, contrairement aux premiers juges, que l'accord de la BBB à l'octroi du crédit sollicité n'est confirmé par aucun élément de preuve, tout en constatant que, le 26 novembre 1987, M. Michel Lévy, président de la société Gématel, s'était porté caution, au profit de la banque, jusqu'au 29 février 1988, du paiement, par la société Gématel, de tout "ce que lui devra le cautionné au cas où ce dernier ne pourrait faire face à ses engagements", l'engagement de cautionnement postulant, en raison de son caractère accessoire, l'existence d'une dette à garantir, actuelle ou future, à la charge du cautionné, et partant, l'existence d'une convention lui servant de support, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement ; alors, de deuxième part, qu'en énonçant, pour écarter le moyen pris de l'accord de la BBB à l'octroi du crédit sollicité, et tiré du cautionnement donné le 26 novembre 1987, pour une durée de trois mois, à l'effet de garantir l'ouverture de crédit temporaire consentie à la société Gématel par M. Michel Lévy, président de celle-ci, que "le cautionnement a été limité dans le temps au 29 février 1988, ce qui n'apporte aucune présomption, au contraire, à l'appui de la thèse des appelants", la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et, partant, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1101 et 1134 du Code civil ; alors, de troisième part, qu'en ne s'interrogeant pas sur les indices tirés du cautionnement donné par M. Michel Lévy le 26 novembre, pour une durée de trois mois, à l'effet de garantir un crédit consenti à la société Gématel à hauteur d'un million de

francs rapprochés de l'accord donné par la BBB le 30 novembre, à l'octroi, pour une durée de deux mois, d'une ouverture de crédit, à hauteur d'un million de francs également, de nature à établir la réalité de l'engagement de la BBB, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1101 et 1134 du Code civil ; alors, de quatrième part, qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société Gématel, qui faisait valoir qu'aux termes mêmes de ses conclusions d'appel, la BBB reconnaissait avoir, dans un premier temps, décidé d'octroyer le crédit sollicité, avant de se considérer, par la suite, libérée de son engagement, en raison de la défection de la BPC, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

alors, de cinquième part, qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société Gématel, qui faisait valoir, à l'effet d'établir l'existence d'un lien de causalité entre l'attitude fautive de la banque et le préjudice par elle subi que, ainsi que l'avaient justement observé les premiers juges, sa situation n'était nullement irrémédiablement compromise lors de la rupture fautive par la BBB de ses engagements, dès le 9 décembre 1987, puisque, d'une part, deux ans plus tard elle poursuivait encore son activité, et, d'autre part, le tribunal de commerce avait ouvert une procédure de redressement judiciaire et homologué le plan de redressement par elle présenté, dont l'échec résultait, au moins pour partie, du comportement de la banque, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'en se bornant à déduire l'absence de lien de causalité entre la faute commise par la BBB et le préjudice subi par la société Gématel de l'affirmation selon laquelle la situation de la société au 9 décembre 1987 n'était pas exactement et précisément rapportée, motif impuissant à exclure la responsabilité de la banque dans le préjudice subi par la société, tant en ce que celle-ci s'était vue contrainte de solliciter l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, en suite des refus fautifs de paiement qui lui avaient été opposés, qu'en ce qu'elle n'a pu mener à bien le plan de redressement approuvé par le Tribunal, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et, partant, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1146 et suivants du Code civil ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a décidé qu'en l'absence de preuve concernant la rencontre des consentements sur l'octroi d'un crédit de restructuration antérieurement au refus exprimé par la banque le 8 décembre 1987, aucune faute ne pouvait être retenue de ce chef à la charge de celle-ci ; que, dès lors, elle a légalement justifié sa décision, sans qu'il ait été nécessaire de répondre aux conclusions invoquées dans la cinquième branche du moyen, et abstraction faite du motif surabondant critiqué dans la sixième branche ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir condamné les consorts X..., en leur qualité de caution des engagements de la société Gématel, à payer à la BPC les sommes de 750 000 francs et 450 000 francs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les consorts X... contestaient expressément, en cause d'appel, la validité de l'engagement de M. A... Lévy, en raison de l'irrégularité formelle entachant l'acte de cautionnement par lui signé, en faisant valoir, dans leurs conclusions, que celui-ci ne répondait pas "aux conditions de forme exigées par l'article 2015 du Code civil, en ce sens que l'acte ne porte pas les mentions manuscrites prouvant que la caution a approuvé l'engagement qu'elle a signé ; qu'à défaut de mention manuscrite prouvant que la caution a approuvé l'engagement qu'elle a signé ; qu'à défaut de mention manuscrite prouvant qu'en connaissance de cause la caution s'est engagée à garantir le débiteur principal, s'agissant, en outre, d'un tiers ne participant pas directement à l'exploitation de la société débitrice, il convient de considérer que l'acte est irrégulier" ; qu'en décidant néanmoins que celui-ci n'était plus sérieusement contesté en sa validité et son étendue, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, et, partant, violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que la censure qui s'attache à un arrêt de cassation n'est pas limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation au cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'il y a dépendance nécessaire entre deux dispositions du même arrêt dans le cas où l'un des motifs de la décision, dont le caractère erroné a entraîné la cassation d'une disposition dont il était le support, constitue également le soutien indispensable d'une autre disposition de l'arrêt ; que la condamnation au paiement des consorts X... procède, des termes mêmes de l'arrêt attaqué, de l'absence de responsabilité prêtée à la BPC dans la mise en liquidation judiciaire de la société Gématel, tirée de l'absence de lien de causalité entre la faute contractuelle par elle commise et le préjudice subi par la société ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation aura donc pour conséquence l'annulation de la condamnation au paiement des consorts X... ;

Mais attendu, d'une part, que, dans les écritures arguées de dénaturation, le moyen tiré de la non conformité du cautionnement de M. Z... Lévy aux dispositions de l'article 2015 du Code civil concernait un acte du 3 mars 1981 et non celui du 16 mars 1981 dont la cour d'appel avait à connaître ; que, dans des conclusions ultérieures, les appelants s'en sont d'ailleurs "rapportés à justice" sur ce point ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé en sa première branche ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt n'étant pas cassé sur le premier moyen, il n'est pas nécessaire de statuer sur la seconde branche du troisième moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demandeurs, envers la Banque parisienne de crédit et la Banque de Baecque Beau, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du douze octobre mil neuf cent quatre vingt treize.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 91-17985
Date de la décision : 12/10/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (15e Chambre, Section B), 11 juillet 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 oct. 1993, pourvoi n°91-17985


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.17985
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