AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Hapag Lloyd AG Postfach 102 626 2000 - Hambourg 1-Allemagne, en cassation d'un arrêt rendu le 21 décembre 1990 par la cour d'appel de Paris (5ème chambre, section C), au profit :
1 / de la société Etex, dont le siège social est ... (Val-d'Oise),
2 / des Anciens Etablissements Taquey, dont le siège est ... au Havre (Seine-maritime),
3 / de la compagnie Générale Maritime, dont le siège est ... (Hauts-de-Seine),
4 / de la société Défense Civile, dont le siège est ..., défenderesses à la cassation ;
Les sociétés Anciens établissements Taquey et la société Défense Civile défenderesses au pourvoi principal ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt :
Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt :
LA COUR, en l'audience publique du 8 juin 1993, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Nicot, conseiller rapporteur, Mme Loreau, MM. Vigneron, Leclercq, Dumas, Gomez, Léonnet, Poullain, conseillers, M. Lacan, Mme Geerssen, M. Huglo, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Nicot, les observations de Me Luc-Thaler, avocat de la société Hapag Lloyd, de Me Le Prado, avocat de la société Etex, de la SCP Boré et Xavier, avocat des anciens établissements Taquey, de la compagnie Générale Maritime, de la société Défense Civile, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant tant sur le pourvoi incident formé par la société Anciens établissements Taquey et la société Défense civile, que sur le pourvoi principal formé par la société Hapag-Lloyd ;
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 21 décembre 1990), que la société d'Assistance technique maintenance a confié à la société Enteprise de transport pour les expositions (Etex), l'acheminement de matériels à destination de Los Angelès ;
que la société Etex a donné mission à la société Anciens établissements Taquey (Taquey) de procéder à leur expédition par voie maritime ; que les marchandises ont été chargées au Havre sur le navire California, sous connaissement émis par la société Hapag-Lloyd (le transporteur maritime), et mentionnant la société Etex en qualité de chargeur ;
qu'à la suite d'un retard dans la livraison des marchandises, la société Etex a assigné la société Taquey et le transporteur maritime ; que le transporteur maritime, ainsi que la société Taquey et la société Défense civile, son assureur, ont soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de Paris, en invoquant une clause du connaissement attribuant compétence au tribunal de Hambourg ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses trois branches :
Attendu que le transporteur maritime reproche à l'arrêt d'avoir dit inopposable à la société Etex, chargeur, la clause du connaissement, attribuant compétence pour tout litige au tribunal de Hambourg, et d'avoir renvoyé les parties à se pourvoir devant le tribunal de commerce du Havre alors, selon le pourvoi, d'une part, que selon l'article 17 de la convention de Bruxelles, une convention attributive de juridiction peut être conclue en une forme admise par les usages dans ce domaine et que les parties connaissent ou sont censées connaître ; que si l'acceptation tacite découlant de la connaissance par le chargeur à raison de ses relations avec le transporteur, de la clause qui lui est opposée (connaissance seule exprimée par la cour d'appel) constitue "une forme de convention admise par les usages", au sens de l'article 17 de la convention de Bruxelles, elle n'est pas la seule ; que, à côté de la prorogation de compétence résultant d'un accord tacite dont l'appréciation doit être effectuée in concreto, eu égard aux relations des parties, l'article 17 de la convention de Bruxelles admet également, lorsque la prorogation de compétence constitue un usage professionnel, la possibilité d'un accord tacite in abstracto découlant de la nécessaire connaissance, par les professionnels, des usages de la profession ; qu'en ne recherchant pas s'il n'est pas d'usage que les connaissements comportent une clause attributive de juridiction, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 17 de la convention de Bruxelles ; alors, d'autre part, que s'il était, par impossible, estimé que le motif tiré par la cour d'appel pour justifier la compétence du tribunal du Havre, du domicile de la société Taquey, constitue également le fondement de la décision en ce qui concerne l'opposabilité de la clause attributive de compétence, ce motif devrait être censuré, la cour d'appel ayant alors violé l'article 17 de la convention de Bruxelles, et la règle selon laquelle une clause de compétence et en particulier des règles de compétence dites "dérivées" ; et alors, enfin, que si, par impossible encore, la motivation du jugement de première instance était tenue pour un support secondaire de l'arrêt attaqué sur la question de l'oposabilité à la société Etex de la clause attributive de compétence inséreée au connaissement, cette motivation violerait également l'article 17 de la convention de Bruxelles en méconnaissant que la prorogation de compétente exclut toute autre règle de compétence ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 17 de la convention internationale de Bruxelles du 27 septembre 1968 que si une convention attributive de juridiction entre des parties dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat contractant, n'a pas été conclue soit par écrit, soit verbalement avec confirmation écrite, elle doit l'être dans le commerce international sous une forme admise par les usages en ce domaine et que les parties connaissent ou sont censées connaître ; que la cour d'appel, qui a constaté qu'il n'était pas établi que la société Etex ait eu connaissance de la clause litigieuse avant la formation du contrat l'eût acceptée, fût-ce tacitement, a justifié par ces seuls motifs et à l'exclusion de ceux qui sont en outre visés au pourvoi sa décision au regard de la convention internationale susvisée, sans avoir, en l'état des écritures des parties, à procéder à la recherche prétendument omise ; d'où il suit que le moyen, inopérant en ses deux dernières branches, est mal fondé en la première ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société Taquey et la société Défense civile font grief à l'arrêt de ne pas avoir accueilli leur demande tendant à voir déclarer compétent le tribunal de Hambourg pour connaître du présent litige et d'avoir, en conséquence, déclaré compétent le tribunal de commerce du Havre, alors selon le pourvoi, que le connaissement est l'écrit qui prouve le contrat conclu entre le chargeur et le transporteur ; que les clauses du connaissement, de nature contractuelle, sont opposables au chargeur ;
que le connaissement est valable sans que la signature du chargeur soit requise ; qu'en l'espèce, il résulte des termes du connaissement, visé par la cour d'appel, que ce dernier a été émis entre la société Etex, chargeur, et le transporteur, la société Hapag Llyod ; qu'en déclarant que la clause attributive de juridiction n'était pas opposable au chargeur, la cour d'appel a violé l'article 18 de la loi du 18 juin 1966 ainsi que l'article 37 alinéa 2 du décret de 1966 modifié par le décret du 12 novembre 1987 ;
Mais attendu que, si le connaissement délivré, sur la demande du chargeur, par le transporteur maritime, son agent ou le capitaine du navire après avoir pris en charge les marchandises, constate le contrat de transport et vaut présomption, sauf preuve contraire, de la réception des marchandises par le transporteur maritime, les clauses qui y sont insérées n'ont valeur contractuelle que s'il est établi que le chargeur en a eu connaissance et les a acceptées au plus tard au moment où le contrat de transport est conclu, cette preuve pouvait notamment résulter de la signature du connaissement par le chargeur ; qu'au vu des constatations qu'elle avait faites sur l'absence d'acceptation, fût-ce tacite, de la clause litigieuse par la société Etex, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que ladite clause n'était pas opposable à cette société ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE tant le pourvoi incident que le pourvoi principal ;
Condamne les demanderesses aux pourvois principal et incident aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du douze octobre mil neuf cent quatre vingt treize.