REJET des pourvois formés par :
- X... Henri,
- Y... Bruno,
- l'Agent judiciaire du Trésor, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre correctionnelle, du 5 juillet 1990, qui, pour corruption active ou passive de fonctionnaires, a notamment condamné le premier à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d'amende, le deuxième à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, tous deux à l'interdiction des droits prévus à l'article 42 du Code pénal, a relaxé Yves Z... du même chef, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I. Sur les pourvois d'Henri X... et de Bruno Y... :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Henri X... pris de la violation des articles 179 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance et contradiction de motif, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de corruption active et l'a condamné à diverses peines ainsi qu'au paiement avec solidarité de dommages-intérêts aux parties civiles ;
" aux motifs que surtout A... et Y..., respectivement fonctionnaire et agent de l'Etat, ont bénéficié de travaux personnels qui ont été effectués par la société Socoto-Juvet et qui ne leur ont pas été facturés par le prévenu ; qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, l'antériorité des travaux par rapport aux avantages consentis au prévenu n'a pas lieu d'être examinée dans la mesure où dans le tissu des relations qui s'étaient nouées entre les coprévenus, ces dons récompensant des actes passés avaient pour but de faciliter les services futurs ; que le prévenu a été formellement mis en cause par B... ainsi que Pierre et Jean-François C... comme étant le véritable " patron " de l'entreprise ; qu'en ce qui concerne les faits intéressant A... et Y..., le prévenu a été également mis en cause par ceux-ci ; que la comptabilité, tenue par Y..., des avantages consentis au prévenu ne laisse aucun doute tant sur la réalité de ces avantages que sur la connaissance nécessaire que le prévenu en avait ; qu'il est à peine besoin de souligner que celui-ci est le principal bénéficiaire du pacte conclu ; que de même la remise de matériel (deux roulottes de chantier et une presse à béton) à Y... et A... en contre-partie des avantages reçus ne laisse aucun doute sur la réalité du pacte intervenu dans la mesure où, outre les déclarations de ces derniers, ces matériels figurent à la colonne " débit " de la comptabilité tenue par Y... (arrêt p. 29 et 42) ;
" alors que, d'une part, le délit de corruption n'est caractérisé que si la convention passée par le corrupteur et le corrompu a précédé l'acte ou l'abstention qu'elle avait pour objet de rémunérer ; que dès lors la cour d'appel qui a refusé d'examiner l'antériorité des travaux dont ont bénéficié un fonctionnaire et un agent de l'Etat par rapport aux faveurs consenties au prévenu, s'abstenant ainsi de déterminer par des motifs précis et circonstanciés si les avantages reçus ont précédé les agissements du corrupteur et déterminé le corrompu, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 179 du Code pénal ;
" alors que, d'autre part, pour entraîner la culpabilité du prévenu, la corruption active doit être caractérisée par l'ensemble des éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel du délit ; qu'en retenant à l'appui de la condamnation du prévenu, les déclarations de coprévenus soumis au même débat et qui se bornaient à affirmer la culpabilité de ce dernier, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 179 du Code pénal ;
" que, de plus, la seule affirmation de coprévenus déclarant que le prévenu était le véritable patron de l'entreprise, ne peut suffire à justifier la culpabilité de celui-ci, dès lors qu'il a soutenu avoir délégué ses pouvoirs de direction effective de l'entreprise ; qu'ainsi la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;
Et sur le premier moyen de cassation proposé pour Bruno Y... pris de la violation des articles 177 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable de corruption passive de fonctionnaire, et l'a condamné à un emprisonnement de 18 mois avec sursis, une amende de 10 000 francs, la privation des droits prévus par l'article 42 du Code pénal pendant 5 ans ainsi que, solidairement, au paiement de deux indemnités de 470 671 francs et 15 000 francs au Trésor public ;
" aux motifs que courant 1980-1981, A... et Y... ont reconnu avoir passé avec Henri X... un " marché secret " consistant à s'abstenir de lui facturer une partie des travaux effectués pour son compte par le CETE, et à obtenir en échange le financement de dépenses d'aménagement ou de fonctionnement du CETE ; que c'est ainsi qu'Henri X... a bénéficié d'analyses effectuées pour le compte des sociétés de son groupe qui ne lui ont pas été facturées, à hauteur de 163 671 francs hors taxe, d'autre part de contrôles et d'analyses qu'il a facturés à la Direction départementale de l'Equipement et dont il a obtenu le paiement, au titre de travaux des marchés dits " Figanières terrassement ", " La Motte enrobé " et " La Motte terrassement ", à hauteur de 307 000 francs, soit au total 470 671 francs ; qu'en contrepartie, Henri X... avait acheté, pour le CETE, deux roulottes de chantier et une presse à béton, et qu'avait été envisagée l'extension du laboratoire par la création d'un local qui serait réalisé gratuitement par X... en échange de la non-facturation des prestations effectuées pour son compte, lesquelles, à la date des faits, étaient représentées par un " avoir " s'élevant à 332 524 francs ; que les prévenus ont largement bénéficié de la situation ; que Y... a bénéficié de travaux personnels qui ne lui ont pas été facturés, pour un montant de 87 664 francs ; que l'antériorité des travaux par rapport aux avantages consentis à X... n'a pas lieu d'être examinée dans la mesure où, dans le tissu des relations qui s'étaient nouées entre eux, ces dons, récompensant des actes passés, avaient pour but de faciliter les services futurs ;
" alors qu'en faisant ainsi apparaître que selon le " marché secret " passé entre les parties, les dons reçus en échange des avantages consentis à l'entrepreneur, consistaient dans le financement de dépenses d'aménagement et de fonctionnement du CETE, la cour d'appel n'a pas valablement constaté que les travaux personnels dont avait en outre bénéficié le prévenu constituaient également l'exécution d'un pacte corruptif antérieurement conclu, et n'a donc pas donné une base légale à sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que Henri X... et Bruno Y... sont poursuivis, le premier pour corruption active, le second pour corruption passive de fonctionnaire ;
Attendu que pour les déclarer coupables de ces délits, les juges d'appel énoncent qu'au cours des années 1980 à 1983, Henri X..., dirigeant un groupe d'entreprises du bâtiment et de travaux publics, a, en contrepartie de l'absence de facturation des prestations fournies par un laboratoire du Centre d'études techniques de l'Equipement, remis divers matériels au chef de ce laboratoire, Jean A..., fonctionnaire de la Direction départementale de l'Equipement du Var, ainsi qu'à son adjoint, Bruno Y..., agent de l'Etat, et fait réaliser gratuitement des travaux à leur domicile ;
Que les juges ajoutent que dans le tissu de relations qui s'étaient nouées entre les prévenus, les dons, récompensant les actes passés, avaient pour but de faciliter des services futurs ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations exemptes d'insuffisance, la cour d'appel a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables et a, ainsi, justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, le caractère d'antériorité de la convention conclue entre le corrupteur et le corrompu résulte suffisamment du fait que les avantages reçus ont été réitérés, de telle sorte qu'ils ont nécessairement précédé les agissements du corrupteur et déterminé le corrompu ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le second moyen proposé pour Bruno Y... : (sans intérêt) ;
II. Sur le pourvoi de l'Agent judiciaire du Trésor, partie civile : (sans intérêt) ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.