Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Midial et la société Nutrial, cette dernière devenue société CPC France et invoquant un contrat du 18 décembre 1987, par lequel la première lui a cédé, d'un côté, les marques, nominales et figuratives, Benco, déposées, en renouvellement, à l'exception de la dernière, les 8 janvier 1965, 7 avril 1987, 26 février 1980 et 22 août 1985, enregistrées respectivement sous les numéros 335 936, 849 087, 545 960 et 756 224, pour désigner, dans la classe 30, le produit " cacao granulé instantané ", et, d'un autre côté, un modèle de bocal ayant fait l'objet d'un dépôt au secrétariat du conseil de prud'hommes de Paris, enregistré le 18 mars 1970 sous le numéro 33.693, ont, après avoir fait procéder, le 1er juillet 1987, à une saisie-contrefaçon, assigné, le 16 juillet 1987, en contrefaçon des marques et du modèle et concurrence déloyale, la société Kruger en raison de la commercialisation par celle-ci d'un produit identique sous la marque Cléo ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le second moyens, réunis :
Attendu que la société Kruger fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré la société CPC France recevable à agir en concurrence déloyale à raison de l'imitation de la marque Benco et d'avoir accueilli la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à la société CPC France par la société Kruger pour concurrence déloyale, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes des articles 13 et 14 de la loi du 31 décembre 1964, les cessions ou concessions de licence de marques doivent être constatées par écrit et être publiées par mention au registre national des marques ; qu'en considérant que la société CPC France pouvait se prétendre, depuis 1982, licenciée de la marque Benco, ce qui la rendait irrecevable à agir sur le terrain de la concurrence déloyale, motif pris de ce que le nom de Nutrial, devenu CPC France, figurait sur les bocaux saisis le 1er juillet 1987 et de ce que le traité d'apport de marques, intervenu le 18 décembre 1987, faisait mention de la cession de licence, la cour d'appel, qui a admis la qualité de licenciée de la société CPC France au jour des faits litigieux, sans relever l'existence d'un écrit régulièrement publié constatant l'existence de la licence à cette date, a violé les textes suscités ; alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel, la société Kruger faisait valoir que la présentation des produits alimentaires dans les rayons du magasin relevait de la seule responsabilité de la société Carrefour, et que, si une confusion avait pu naître dans l'esprit de la clientèle du fait de la proximité des bocaux Cléo et Benco et de la présentation qui en était faite, la société Kruger n'en était pas responsable ; qu'en estimant que la société CPC France était fondée à se prévaloir de la concurrence déloyale " qui résulte de son préjudice de l'exposition des produits Cléo aux côtés des produits Benco ", la cour d'appel, qui laisse sans réponse les conclusions de la société Kruger, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé les ressemblances existant entre les produits offerts à la vente, leur emballage et l'étiquette les présentant ; qu'elle a retenu que la société Kruger avait, par cette ressemblance, volontairement créée, voulu tirer bénéfice d'une assimilation erronée, par la clientèle, entre les produits de la société CPC France et les siens ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à appliquer le droit des marques pour statuer sur la demande de réparation du préjudice causé par une faute, a pu déduire de ces constatations et appréciations que le comportement de la société Kruger permettait, notamment par l'imitation de la marque pour laquelle la société CPC France bénéficiait d'une licence d'exploitation exclusive, la présentation de son produit par le distributeur dans des conditions créant une confusion sur son origine dans l'esprit de la clientèle et caractérisait une concurrence déloyale ; que la cour d'appel a, en statuant ainsi, répondu aux conclusions et légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le second moyen ne sont pas fondés ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 3 de la loi du 14 juillet 1909 ;
Attendu que, pour accueillir la demande en contrefaçon de la société CPC France, l'arrêt retient que celle-ci bénéficiait d'une concession exclusive d'exploitation du modèle litigieux résultant d'un contrat conclu le 1er juin 1982 entre la société Midial et la société Nutrial, devenue la société CPC France ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de l'arrêt qu'à la date de l'assignation, la société CPC France n'était pas propriétaire des droits patrimoniaux sur le modèle litigieux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a accueilli la demande en contrefaçon de la société CPC France et a prononcé une condamnation au paiement de dommages-intérêts par la société Kruger en réparation du préjudice résultant de cette contrefaçon, l'arrêt rendu le 6 mars 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.